ALGUES VERTES – Yves-Marie Le Lay (Sauvegarde du Trégor) : "Il faut changer radicalement de modèle agricole"

Publié le lun 17/07/2017 - 16:23

La Bretagne subit cette année d'importantes proliférations d'algues vertes sur ses côtes. Yves-Marie Le Lay, fondateur et président de l’association Sauvegarde du Trégor nous explique les causes de cet épisode et les solutions qu'il défend pour lutter contre ce phénomène. A 67 ans, cet ancien professeur de philosophie fait des marées vertes sa lutte quotidienne aux côtés des partisans de son association Haltes aux marées vertes.

Tout d'abord, rappelez nous, comment se forment les algues vertes ?

Pour qu’il y ait des marées vertes, il faut deux facteurs conjoints : de la lumière et du nitrate. Mais ce nitrate ne tombe pas du ciel. Il vient directement des excédents d’azote de l’agriculture intensive et des élevages de notre territoire. Dans les eaux calmes, protégées par les contours rocheux du littoral, le nitrate est répandu dans les baies sans être dispersé dans les eaux profondes. Une fois que l’on a compris ce système quasi mécanique, il suffit de reporter ces deux éléments clés au contexte météorologique de l’année. On part toujours d’un stock hivernal d’algues qui s’accumulent à côté du rivage, dans une cuvette. Dès que la lumière du printemps apparaît, les algues se développent.

Pourquoi y en a-t-il autant cette année ?

Si la mer est agitée en hiver, comme ce fut le cas en 2014, il n’y a pas d’algues au printemps. Et ce, même s’il y a du nitrate et de la lumière. Les algues, dispersées par les mouvements de la mer, vont donc mettre beaucoup de temps pour reconstituer leur stock. Or, cette année, on est parti d’un stock automnal de 2016 important qui n’a pas été perturbé par les tempêtes et a connu une abondance de lumière. Cela explique l’explosion que l’on voit aujourd’hui. Et le réchauffement climatique ne fait qu’accélérer le phénomène. Si on continue comme ça, il y en aura de plus en plus. Le discours officiel accuse la météo. Dans ce cas, je conseille vivement de faire des danses de la pluie ou d’aller brûler des cierges pour que la météo soit plus clémente ! On ne peut pas intervenir sur la construction naturelle des côtes ni sur la météo. Agissons donc sur ce robinet à nitrate issu de l'agriculture productiviste.

Pourtant, des « plans algues vertes » sont engagés par l’État … Cela n’est pas suffisant selon vous ?

J’éclate de rire quand j’entends ça. C’est aberrant parce que les faits sont là. Il y a eu cinq ans de « plans algues vertes » et rien n’a changé. Il n’y en a même jamais eu autant ! Cela prouve bien que ce qui a été engagé ne fonctionne pas. Et cela veut dire qu’il y a encore trop de nitrate sur notre territoire. Ces 70 millions d’euros d’investissement pour leurs plans « algues vertes », c’est 70 millions d’euros jetés à l’eau pour rien du tout. On pourrait quand même faire autre chose avec une telle somme. Ces « plans algues vertes » ne sont pas efficaces du tout. Cela ne sert à rien de continuer sur le même modèle, ça ne marchera pas plus.

Dans ce cas, que conseillez-vous d’instaurer pour remédier au problème ?

Vous avez raison de poser cette question car l’art de la critique ne vaut rien sans propositions. Il faut savoir que, selon la commission européenne, le seuil de potabilité de l’eau ne doit pas dépasser 49 milligrammes de nitrate. En revanche, les algues se développent dès 5 milligrammes. Tant qu’on aura des terrains d’exploitation ou d’élevages bovins à échelle industrielle, on aura des marées vertes. Il faut changer radicalement de culture ! Cette surface agricole « fabriquant des marées vertes » représente 7% de la totalité de la surface agricole en Bretagne. Est-ce si difficile de modifier ces 7% ? Il faudrait leur imposer le passage à une agriculture biologique pour que les bons élèves ne voient pas leur travail gâché par les mauvais. En produisant moins mais mieux, personne ne serait lésé puisque cela apporte une haute valeur ajoutée aux productions agricoles.

Plus d'infos :
http://www.alguesvertes.fr/

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