[DOSSIER] : Fracture numérique, des solutions mais pas de magie

Publié le jeu 21/01/2021 - 12:00

Crédit : OHE_WilliamJEZEQUEL

Par Virginie Jourdan

Partout sur les territoires, des initiatives et des projets de réduction des fractures numériques se mettent en place, dans un contexte où la dématérialisation devient la règle. Des nuances à apporter à la démocratisation réelle des usages dont les chemins sont nombreux et le chantier bien vaste.

En Bretagne, de la mixité à l'accès au droit

Après avoir lutté pendant 3 ans contre la sous-représentation des femmes dans les entreprises et les métiers du numérique, Estimnumérique vient de prendre le virage de la réduction de la fracture numérique. « Avoir un ordinateur, c'est bien. Mais si l'on ne sait pas faire un achat en ligne ou prendre du recul sur les fake news qui circulent sur les réseaux sociaux, ça devient un problème », explique Mélissa Cottin, directrice de l'association bretonne. À l'issue du premier confinement, elle a lancé les événements Re-connexion. Deux journées programmées à Rennes et Saint-Brieuc pour rencontrer physiquement les personnes éloignées du numérique. Réalisée en septembre à Nantes, cette journée a permis à 55 personnes de se former sur un besoin précis, tel qu'acheter un billet de train en ligne ou partager une connexion web entre son ordinateur et son smartphone. Une question qui se pose aussi avec le nouveau confinement débuté début novembre. Cette fois, l'association veut travailler avec Pôle Emploi. « Ne pas savoir utiliser la plateforme, c'est risquer de perdre des indemnités ou d'être radié. Or l'outil d'actualisation sur mobile ou sur ordinateur reste un casse-tête pour beaucoup », témoigne Melissa avant d'affirmer : « former à distance ne marche pas toujours, la présence humaine reste indispensable. »

Plus d’infos : www.estimnumerique.com

 

À Marseille, le web à l'assaut du social

Pour Urban Prod, association et chantier d'insertion marseillais spécialisé dans le web, le numérique doit rester un outil permettant « d’accéder à un pouvoir de décision sur soi, sur son parcours professionnel, sur son environnement ». Pour enrayer les phénomènes de non-recours aux droits liés à un éloignement des pratiques numériques, l'association a démarré une formation pour les futurs travailleurs sociaux. « Il y a chez eux une peur légitime de voir le lien humain et social court-circuité par l'écran. Or, ils sont des passeurs de droits et cela inclut l'accès aux droits en ligne », argue-t-il. Autre chantier en vue, favoriser les taux de connexion des familles modestes en se rapprochant des bailleurs sociaux. Objectif : intégrer la connexion Internet dans les charges, comme cela peut l'être pour le ménage ou l'entretien des bâtiments.

Plus d’infos : www.urbanprod.net

 

« Il faut modérer la dématérialisation des services »

En 2017, l'annonce par le président Emmanuel Macron d'une dématérialisation de l'ensemble des démarches administratives d'ici 2022 a sonné le glas de la présence des services publics nationaux en campagne. Résultats, les bureaux des impôts, caisses d'allocation familiale ont été remplacés par des permanences dans les Maisons France service amorcées sous la présidence de François Hollande. « Or la formation numérique des professionnels n'est pas toujours au rendez-vous », constate Adrien Devos, chargé de mission dans l'Agence alpine d'accompagnement aux collectivités, Agate. Autres limites de cette dématérialisation, le maintien du lien entre l'usager et la collectivité. « En dématérialisant le paiement de la cantine ou le relevé de l'eau, par exemple, elle peut court-circuiter sa relation avec l'usager », explique-t-il. Pour y remédier, l'agence plaide pour le maintien d'une alternative humaine aux formulaires en ligne, la co-conception des services numériques avec les futurs utilisateurs et la création de nouveaux métiers incluant l'accompagnement numérique.

Plus d’infos : www.agate-territoires.fr


Des services mobiles dans les zones fragiles

Amener le numérique aux citoyens quand le numérique ne vient pas à eux, c'est le pari que relève Christian Farcy depuis près de 3 ans. « Souvent, la fracture économique et numérique se surajoutent dans les territoires. »Lancés en Haute-Garonne, ces ateliers à la demande ont permis de former 350 personnes en 2019, de 18 à 80 ans, dans des communes dépourvues d’espaces numériques publics. Outre la contrainte financière « de l'acquisition à la réparation ou la maintenance d'un ordinateur », Christian Farcy s'attaque à la barrière des usages. « On peut être à l'aise avec le numérique, mais perdu quand il s'agit de faire une démarche administrative en ligne », illustre-t-il. En 2021, l'association Bus mobile informatique prévoit de franchir une nouvelle étape en proposant des ateliers 100 % individualisés via un bus mobile, dont il a lancé le co-financement participatif, dans les 13 départements de la Région Occitanie. Un remède humain à la double fracture numérique et sociale.

Plus d’infos : www.bien-occ.fr

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