[THEMA] : Inclusion populaire : la cité verte

Publié le mer 27/07/2022 - 12:00

Par Mariane Riauté

Dans une République, chacun(e) doit pouvoir profiter des bienfaits d’un environnement végétalisé. Or les habitants des quartiers populaires sont les grands oubliés des réformes urbanistiques des centres-villes. Pourtant, ils sont au moins 5,4 millions en France, soit 8 % de la population française¹. Et 8 habitants sur 10 de ces quartiers considèrent la végétalisation comme une priorité2Des collectifs, telle la Régie de quartiers de Nanterre, les accompagnent pour créer des jardins partagés dans ces lieux de vie où les espaces verts manquent.

 

« Mon quartier, c’est partout du bitume », s’attriste Samira Lamouri en arrosant les semis de carottes du jardin collectif qu’elle cultive et supervise depuis septembre 2021. Dans ce quartier de l’Université de Nanterre, où 9 167 habitants vivent au km², la verdure se fait rare. À 3 kilomètres de là, dans le quartier Parc sud, Marie-Pierre Bordelais s’occupe du jardin partagé Gorki. Elle ressent aussi ce manque : « Nous vivons dans des appartements sans balcon, donc cet espace est devenu notre bulle d’oxygène ! » Ces espaces urbains sont particulièrement vulnérables au phénomène d’îlot de chaleur (lire papier p.30). Isabelle Stoïanoff-Nénoff, directrice adjointe de l’association Régie de Nanterre, s’en inquiète : « Il y a ici beaucoup de zones entièrement bétonnées qui sont suffocantes pour les habitants ». Ainsi, 80 % des habitants du quartier Parc sud déclarent qu’il ne fait « pas du tout » ou « pas vraiment » bon vivre quand il y fait très chaud3. Selon Marie-Pierre Bordelais, ce phénomène risque de s’empirer : « Des immeubles sont construits partout où il y a de la place. Nos espaces verts risquent d’être sacrifiés. Mais notre volonté à les protéger est bien là ! » La Régie les aide donc à végétaliser un maximum d’espaces non bâtis pour améliorer leurs conditions de vie.

Rendre la nature accessible

Pour les habitants, avoir accès à un potager, c’est être en contact avec la nature. « Beaucoup ont des espaces de vie restreints et des ressources limitées. Ils ont envie de jardiner mais ne savent pas comment faire, car ils ne connaissent que le bitume », constate la directrice adjointe de la Régie. Si pour ces citadins, protéger les espaces verts n’est pas inné, l’association joue un rôle de pédagogue. Une sensibilisation qui porte ses fruits pour Marie-Pierre Bordelais qui passe désormais beaucoup de temps dans le jardin Gorki : « Quand on n’a pas accès aux outils pour jardiner, on n’y est pas spécialement sensible. Mais quand c’est à notre portée, on comprend que nous aussi on peut y participer ». Avant de mettre un pied dans l’un de ces jardins partagés, beaucoup n’avaient encore jamais eu l’occasion de jardiner, voire se désintéressaient de la nature. Aujourd’hui, certains se découvrent une passion. C’est le cas de Samira Lamouri. Pas question pour elle d’arrêter de cultiver, elle fait même régulièrement participer ses enfants : « Mon fils écoute et participe à la vie du jardin. Il découvre aussi comment pousse ce que l’on mange. »

Des actions qui essaiment

Si déjà une vingtaine d’adhérents s’activent dans le jardin géré par Samira Lamouri, les demandes d’adhésion se multiplient. Dans les cinq jardins partagés qu’accompagne la Régie, l’intérêt grandit d’année en année grâce au bouche-à-oreille. « Il suffit que trois habitants soient moteurs d’un projet pour en intéresser bien plus. Les jardins créés entièrement par ces citoyens ont un fort potentiel à perdurer. Car ils génèrent un sentiment de fierté dans le quartier », se réjouit Isabelle Stoïanoff-Nénoff. Entre 2021 et 2022, 90 % des adhérents ont renouvelé leur inscription au jardin Gorki. Et cet engouement influence l’ensemble du quartiers. « En général, beaucoup d’habitants ne se soucient pas de dégrader la végétation en bas de chez eux. Mais ils le font de moins en moins, surtout les jeunes. Car ceux qui gardent ces jardins partagés en bon état montrent l’exemple et en parlent autour d’eux », conclut-elle.

Notes de bas de page :
1. Recensement des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville, ou quartiers dits « populaires » de l’Insee au 1er janvier 2018.
2. « Nature en ville. Quartiers prioritaires, quartiers d’innovation » février 2022, Ministère chargé de la ville - https://www.cohesion-territoires.gouv.fr
3. « Étude des îlots de chaleur et de fraîcheur urbains à Nanterre », juin 2020-juin 2021 sur  https://fr.calameo.com

Plus d’infos : www.regiedequartier.org/chantiers/si-tes-jardin

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