[THEMA] Miyawaki : la nature en marche forcée ?

Publié le lun 25/07/2022 - 09:00

Par Quentin Zinzius

À Toulouse, un collectif d’habitants s’est lancé dans la plantation de micro-forêts selon Miyawaki, une méthode japonaise. Un projet aux multiples facettes : entre végétalisation et résilience de la ville rose, habitants et biodiversité trouvent eux-aussi leur compte.

Né en 2019, le collectif Micro-forêt urbaine a entrepris la plantation de plusieurs micro-forêts en plein centre-ville de Toulouse, à l’aide d’une méthode bien particulière : « La méthode Miyawaki [originaire du Japon], qui s’inspire des forêts primaires, explique Eugénie Lacombe, coordinatrice du collectif. Une technique qui repose sur une importante diversité et densité d’espèces, positionnant les plantes en concurrence directe, si bien que leur croissance en est démultipliée. Son premier terrain d’essai : le quartier de Rangueil, sur un terrain de la métropole de Toulouse, en mars 2020. Accompagné d’une soixantaine de bénévoles, et de deux classes d’élèves de 6ème des environs, le collectif a planté, sur les quelque 400m² de terrain, plus de de 1200 arbres de 21 espèces différentes.

L’arbre qui cache la forêt

Une micro-forêt qui a aujourd’hui grandi. « Nous entrons dans la dernière année de suivi de cette plantation, s’enthousiasme la coordinatrice, et nous sommes très satisfaits : les arbres atteignent déjà 2 à 3 mètres de haut, et la forêt devient impénétrable ! ». Mieux encore, plusieurs arbres, non plantés par le collectif, apparaissent au sein de cette micro-forêt : saules, troènes, cornouillers, et même de jeunes chênes. Un retour rapide de la biodiversité végétale permis par une très faible intervention de l’Homme : « Quelques chênes sont présents autour de la micro-forêt, mais jusqu’à très récemment, ils étaient tondus au ras du tronc, plusieurs fois par an. Depuis la création de la micro-forêt, le sol est protégé, et permet aux graines de germer correctement », détaille Eugénie Lacombe.

Une question de temps

Néanmoins cette méthode est sujette à plusieurs controverses. En effet, peu d’études existent sur le sujet, en particulier en climat européen, et les scientifiques se montrent particulièrement frileux vis-à-vis de ce procédé. « Une forêt a besoin de temps, expliquait Francis Hallé, célèbre botaniste et biologiste, lors d’un conférence organisée par Sans transition ! en mars dernier. On ne crée par une forêt primaire en plantant des arbres, on la crée en cessant toute activité humaine ». Autre point soulevé par les experts, la mortalité élevée engendrée par cette mise en concurrence des espèces. Une des rares études en Europe1 faisait ainsi état en 2010 d’une mortalité comprise entre 61 et 84 % au bout de 12 ans. Un constat redouté par le collectif, qui œuvre depuis plus de 2 ans maintenant au bon suivi de ses plantations. « En tout, sur les 1200 arbres plantés à Rangueil, nous avons enregistré moins de 20 morts en deux ans », témoigne la coordinatrice. Et pour compléter le manque de données, plusieurs expérimentations sont en cours. « Il y a quatre parcelles tests sur l’Université Paul Sabatier, qui sont surveillées de très près par les chercheurs et étudiants. Mais il est encore trop tôt pour obtenir des résultats, il faut attendre plusieurs années pour observer une évolution mesurable », explique Eugénie Lacombe. Alors, en attendant un avis tranché des experts, le collectif continue ses expérimentations. Il devrait même pouvoir planter quatre nouvelles micro-forêts sur le territoire de la métropole d’ici décembre 2022, tout en continuant le suivi et l’entretien des huit autres sites. De quoi teindre la ville rose d’un peu de vert.

Plus d’infos : cmft.fr

Note de bas de page :
  1. Étude « Effectiveness of the Miyawaki method in Mediterranean forest restoration programs », parue dans la revue SpringerLink, juin 2010.

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