[ LA RUÉE VERS L'ORGE ] La Soyeuse mousse bio et local dans les Monts du Lyonnais

Publié le mar 13/08/2019 - 08:59

Marie Albessard

Avec 270 brasseries, la région Auvergne-Rhône-Alpes est la plus dynamique de France dans ce domaine. Installé comme agriculteur-brasseur avec son établissement la Soyeuse en 2003, Bertrand Burcklé est l’un des pionniers. Avec sa bière bio, il participe au développement d’une filière brassicole riche en saveurs.

« Avec un tel paysage, pas besoin de partir en vacances ! » lance Bertrand Burcklé face aux Monts du Lyonnais, verdoyants et vallonnés. Dans ce coin de campagne qui ferait rêver tout citadin en mal de vert, les agriculteurs sont légion. Bertrand Burcklé est l’un d’eux, et pas tout à fait en même temps. Ce quinquagénaire d’origine alsacienne est l’un des premiers agriculteurs-brasseurs de la région avec sa micro-brasserie* la Soyeuse, créée il y a 16 ans à Rontalon, petite commune du sud-ouest de Lyon.

65 brasseries bio dans la région

« Mon ambition était de tout faire de A à Z, d’être fier de ce que je faisais et de le faire en bio et en circuit court », expose d’emblée Bertrand Burcklé. S’inscrivant dans une filière dynamique, la Soyeuse fait partie des 65 brasseries bio de la région, contre 225 en France, selon l’association Cluster bio Auvergne-Rhône-Alpes, qui soutient les acteurs du bio dans la région. Alors, dans la petite bâtisse qui abrite la brasserie - et la maison du brasseur -, on ne trouve que des ingrédients labellisés bio, dont l’orge que le brasseur, aidé d’un ouvrier agricole, cultive dans une commune proche. Chaque année, environ 20 tonnes sont récoltées et c’est cette spécificité qui, selon Vincent Pinto, brasseur à la Soyeuse, donne toute sa typicité à la bière : « Il y a un travail sur la céréale, la façon dont elle est cultivée ». Dans le champ, de l’orge d’hiver à deux rangs (une variété d’orge). Et dans les esprits, une réflexion sur la culture : sans labour, pour favoriser la vie du sol et réduire l’impact énergétique. « Ce lien avec l’agriculture apprend l’humilité. En tant qu’ancien ingénieur, j’ai beau tout planifier, si la météo ne suit pas, la récolte peut rater ! », concède encore le fondateur.

Une gamme de huit bières

Un état d’esprit qui répond aux envies des consommateurs, qui veulent du local et du naturel dans leurs choppes, comme le précise David Hubert, délégué régional du syndicat national des brasseurs indépendants et membre de l’association Biera (Brasseurs indépendants en Rhône-Alpes). Mais c’est aussi la richesse des goûts qu’ils viennent chercher, lassés par l’homogénéité des bières industrielles. « Il y a une variété de saveurs énorme dans les micro-brasseries, s’enthousiasme David Hubert. En ce moment, la mode est aux bières IPA[1], aux bières acides, très peu alcoolisées ». La Soyeuse, quant à elle, se démarque par un degré d’alcool assez élevé (6% minimum), par une « rondeur en bouche et une quasi absence d’amertume » selon Vincent Pinto. La brasserie propose huit bières, de la blanche à la rousse en passant par la blonde au miel. « Ici, tout est manuel, artisanal. On a l’impression de faire passer beaucoup d’amour avec le fourquet (fourche qui sert à mélanger l’orge et l’eau dans la cuve, ndlr) » ajoute-t-il malicieusement. Avec 120 000 litres de bière envisagés pour 2019, la Soyeuse est arrivée au maximum de sa capacité et son dirigeant ne veut pas voir plus grand. 

Bières Soyeuse 33cl crédit VPictures_official : Blonde, blanche, rousse, IPA, triple… La Soyeuse propose huit bières différentes.

« J’ai été un bon petit soldat, avant de connaître la désillusion », Bertrand Burklé

Question commercialisation, là encore l'empreinte du dirigeant se fait sentir : elle se fait en circuit court, dans un rayon géographique d’une heure : « Nous avons environ 150 points de vente : des caves, des bars, des restaurants… », précise Nicolas Stengel, du service commercial. Preuve de son ancrage local, la Soyeuse se déguste même là où on ne l’attend pas, comme au mini bar du Carlton de Lyon. Le refus de la vente en grande et moyenne surface fait partie des principes de Bertrand Burcklé : « J’ai été un bon petit soldat, avant de connaître la désillusion. Je ne m’y retrouve pas, ni en termes de qualité ni de système ». Droit dans ses bottes, toujours.

Si Bertrand Burklé fait figure « d’ancien » dans le milieu, une multitude de brasseries sont apparues ces dernières années dans la région : la région Auvergne-Rhône-Alpes compte le plus grand nombre de sites de productions de l’hexagone. Le syndicat professionnel Brasseurs de France évalue à environ 270 le nombre de brasseries de la région. Mais difficile de tenir les comptes dans un secteur si dynamique : « On parle d’une fermeture pour cinq ouvertures, précise David Hubert. La région est une terre de gastronomie et il n’y avait pas de culture bière ancrée jusqu'à récemment. C’était un territoire vierge dans lequel il était facile de développer des bières artisanales ». Sur ces terres, la Soyeuse s’est fait une place de choix. Ici, peu d’amertume, mais une bière faite avec amour, passion. Et conviction. Car comme aime à le préciser Bertrand : « Ma liturgie, c’est la phrase de Pierre Rabhi sur le colibri. Je ne cherche à convaincre personne, mais je veux faire ma part ».

*une micro-brasserie produit moins de 200 hl par an.

Plus d’infos :

Page Facebook @Lasoyeusebio

 


[1]India Pale Ale (IPA) est un terme utilisé pour désigner les bières à haute densité fabriquées avec un houblonnage plus fort, et à partir de levure de fermentation haute.

 

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