[ LA RUÉE VERS L'ORGE ] L’Étang de bière, la microbrasserie qui la joue local

Publié le lun 05/08/2019 - 08:35

Par Elodie Crézé

Les microbrasseries fleurissent sur tout l’hexagone. En Provence, la plupart des établissements ont moins de trois ans, d’après l’association des Brasseurs de France. Située à Saint-Chamas dans les Bouches-du-Rhône, la microbrasserie l’Etang de bière tente de se faire une place dans la région, tout en conciliant son artisanat avec le choix d’une économie circulaire et le respect de l’environnement.

A Saint-Chamas, dans les Bouches-du-Rhône, Amélie Grare et Valentin Marchadier ont créé la microbrasserie L’Étang de bière, il y a deux ans. Après des débuts laborieux, l’entreprise, désormais bien insérée dans le paysage local, a trouvé son modèle économique tourné vers le circuit-court, qui s’accorde avec ses valeurs.

« L’Étang de bière ». Le nom de la microbrasserie de Saint-Chamas s’étale à l’encre noire sur une planche de rafiot, au-dessus de la porte d’entrée. Un pescadou – pêcheur provençal - épuisette à la main et moustache touffue, logo de l’entreprise, veille telle une vigie sur la boutique. Le bar, vide à cette heure matinale, ouvre ses portes trois soirs par semaine. Habitués du village et buveurs de passage viennent s’y rincer le palais en dégustant des bières locales. Derrière d’épais rideaux, un autre monde invisible au client apparaît, celui des grandes cuves métalliques et des fûts où le breuvage houblonné est fabriqué. C’est là que les deux fondateurs de la microbrasserie, Amélie Grare et Valentin Marchadier, officient depuis l’automne 2017. Depuis le début de leur activité, comme une charte implicite, ils s’efforcent de travailler en cohérence avec leurs valeurs, telles que recréer un lien direct avec les consommateurs, choisir de privilégier le local.

Leur première bière a été « accouchée dans la douleur », grince Amélie Grare. Les deux amis ont mis neuf mois de galères et d’obstination pour la créer en juin 2018. Ils l’ont baptisée « Con de bière », pour le clin d’œil à la sueur versée. Un problème d’infection survenant au moment du concassage du malt, phénomène rare, avait compromis le projet des deux entrepreneurs. « Mais l’aide des autres brasseurs de la région, ainsi que l’intervention déterminante du directeur de la conserverie locale Marius Bernard, a sauvé l’activité », admet volontiers la jeune femme.

Aujourd'hui sur les étagères, bien rangées à proximité du bar, trônent d’autres bières, de la gamme Pescadou : la « Ai Capita ! », légère et peu amère, la « Mistralado », au goût de fruits secs et de céréales grillées, et enfin la « Balèti », une bière de blé « à la robe dorée, ronde, riche et fruitée», décrit la passionnée.

Empreinte sociale

Outre un intérêt pour la bière, c’est une véritable quête de sens qui a poussé les deux brasseurs à se lancer dans l’activité. « Je voulais trouver un job où la valeur ajoutée est perceptible », rapporte Valentin Marchadier, qui a abandonné un emploi dans les ressources humaines pour se lancer dans la micro-brasserie. Dans leurs choix économiques, les deux gérants s’efforcent de rester fidèles à leurs convictions. Ainsi, ils optent pour le circuit-court, « car il est important, pour nous, non seulement de faire vivre cette économie locale, mais aussi d’avoir une empreinte sociale », explique le brasseur. C’est dans cette logique que les deux jeunes gens ont créé un bar, « lieu de rencontre et de convivialité où l’on a un retour direct des clients sur les produits », détaille Valentin.

Amélie Grare et valentin Marchadier, les deux jeunes microbrasseurs. © DR

De la même manière, l’Étang de bière est présent, chaque semaine, sur les marchés de Saint-Chamas et Salon-de-Provence. « Cela permet de travailler notre image », commente Valentin. Sinon, des stands sont ouverts à l’occasion de fêtes de village pour proposer des dégustations, et les bières sont vendues dans les épiceries fines, chez les cavistes et dans les restaurants de Saint-Chamas, mais aussi dans ceux du pays salonais et d’Istres. « On essaie de garder de la proximité, ajoute Amélie, c’est logique. Toutes les régions sont maintenant couvertes par des brasseries artisanales, il y a assez de clients à convaincre ici ! Et puis on souhaite un peu réhabiliter l’étang de Berre avec ce clin d’œil. Ici, les gens plaisantent, demandent si l'on a fabriqué la bière avec l’eau de l’étang… »

Essais de plantation

En plus de leurs produits, les deux associés vendent une petite sélection d’autres bières locales. Selon Amélie, intégrer les autres brasseurs révèle l’état d’esprit régnant dans le milieu brassicole, à mille lieux d’une concurrence acharnée. Les gérants adhèrent aussi au collectif Bières de Provence. Celui-ci travaille notamment sur des essais de plantations de houblon dans la région, en collaboration avec le lycée agricole de Valabre, à Gardanne. Car pour l’heure, la plante est cultivée en majorité dans le Nord et en Alsace, - où s’approvisionne l’Étang de bière. « Le houblon est une plante qui craint le vent et qui a besoin de beaucoup d’eau, explique Valentin. Le sud n’est donc pas l’endroit qui lui est le plus favorable. Mais l’idée est de créer une variété résistante à d’autres conditions climatiques ».

Le malt utilisé par l’Étang de bière provient du Nord également. « Initialement, nous travaillions avec une malterie ardéchoise qui proposait du bio, mais ils ont cessé leur activité ». Du coup, le bio est remis à plus tard, « quand la trésorerie sera plus confortable », assurent les gérants. Et d’ajouter : « nous essayons de travailler avec nos valeurs, nous savons que l’on peut encore mieux faire. Mais pour le moment, nous faisons le maximum avec nos moyens ».

 « L’important est de s’inscrire dans la vie du village », Amélie Grare

Et leurs moyens sont quand même suffisants pour mettre en pratique nombre d'engagements : afin de limiter leur impact écologique, les associés utilisent l’eau du réseau, non modifiée, et réutilisée pour au moins deux brassages puis pour le nettoyage des cuves. Le matériel de brassage, lui,  provient d’une brasserie aveyronnaise. « Le marché d’occasion est important dans ce secteur », assure Valentin. Les produits d’entretien sont issus de la savonnerie de Saint-Chamas, le Mas du roseau, la tapenade servie en apéritif de Marius Bernard, et le saucisson, de Mallemort. Les tables en bois, les chaises, le bar et l’ensemble de la décoration ? Du matériel de récupération, assemblé et retapé par leurs soins.

Si les deux brasseurs ont fait le choix d’une économie locale, ils ont à cœur de s’impliquer en priorité à Saint-Chamas. « Nous voulions nous installer dans le centre bourg, et non pas être relégués à une zone industrielle, explique Amélie. Le but étant aussi de pouvoir accueillir du public en semaine ». Outre les soirées réservées aux amateurs de bière, les gérants ont mis en place des partenariats avec d’autres enseignes du village, comme le caviste, ou encore le centre nautique, qu’ils accompagnent avec un food truck lors d’excursions destinées à faire découvrir l’étang de Berre. « L’important est de s’inscrire dans la vie du village », insiste Amélie. Pour les jeunes brasseurs, fiers de leur microbrasserie, tout reste à faire. Comme la bière qui offre un champ infini des possibles, l’aventure de l’Étang de bière commence à peine.

Plus d'infos :

http://www.brasseurs-de-france.com/la-biere/histoire/

https://www.brasseurs-independants.fr/

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