[DOSSIER] Les tiers-lieux, la clé pour revitaliser les territoires ?

Publié le lun 05/04/2021 - 07:16

Crédit : DR / Oasis21

Par Elodie Crézé et Elodie Potente

Lieux de créativité et de réflexion protéiformes et pluridisciplinaires, les tiers-lieux fleurissent sur l'Hexagone. Ancrés dans leur territoire, ils offrent un potentiel dynamisant pour revitaliser les campagnes et les quartiers défavorisés.

Tiers-lieux – qu'est-ce que c'est ?

L'appellation "tiers-lieu" désigne aussi bien les espaces de coworking, fablab, atelier partagé, friche culturelle, maison de services au public, garage solidaire, social place, etc. Ces nouveaux lieux protéiformes et pluridisciplinaires, apparus pour la 1ère fois dans les années 70 sous la forme de friches culturelles, sont théorisés en 1989 par le sociologue américain Ray Oldenburg dans son ouvrage The Great Good Place. Espaces d'imagination, de création et de développement d'initiatives citoyennes et de projets collectifs, les tiers-lieux sont avant tout des fabriques de lien-social. La plupart penchent vers l'économie sociale et solidaire, et sont coopératifs. Sur le territoire, ils ont le vent en poupe, favorisés notamment par le déploiement du numérique. 1800 sont recensés dans le rapport de Patrick Lévy-Waitz, Faire ensemble pour mieux vivre ensemble,daté de septembre 2018*, avec de fortes disparités entre les régions. En Bretagne, ils seraient 86, en Auvergne-Rhône-Alpes 200, en Occitanie, 163 et en Provence-Alpes-Côte d'Azur, 127, contre 316 en Ile-de-France. Un chiffre qui tend à augmenter.

 

*Chiffres officiels les plus récents

 

Tiers-lieux des villes vs tiers-lieux des champs

Implantés majoritairement dans les métropoles (60 %)1, les tiers-lieux se développent aussi dans les zones rurales et en périphérie urbaine. Dans les campagnes ou dans les quartiers défavorisés des villes, ils ont l'ambition de faciliter l’accès aux services publics, de désenclaver ces territoires, de les dynamiser. Ils peuvent notamment y être dédiés à la formation, au travail, à l'accès aux droits, à l'éducation, la culture ou encore à l'action sociale, autant de domaines qui font souvent défaut. En France, alors que 1514 quartiers sont répertoriés comme quartiers prioritaires de la politique de la Ville (QPV), seules 4,7 % des entreprises de l'ESS (dont une partie des tiers-lieux) y sont implantées2. Ainsi, "l’État a lancé un appel à manifestation d’intérêt (AMI) permanent doté de 45 millions d’euros, pour identifier d’ici 2022, 300 fabriques, existantes ou en projet, dont 150 seront implantées en QPV et 150 dans les territoires ruraux", indiquait en février 2020 le ministère de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. À la même date, 80 tiers lieux, répartis entre QPV et territoires non-métropolitains devaient déjà recevoir le label "Fabrique de territoire", et ainsi bénéficier d'un soutien financier (75 000 à 150 000 euros sur 3 ans). Dans le cadre du plan de relance, le gouvernement entend plus que jamais poursuivre cette action et souhaite créer, en plus, 500 manufactures de proximité dans les villes moyennes et petites villes prioritaires des programmes « Action cœur de ville » et « Petites Villes de demain ».

 

1. Source : rapport de Patrick Lévy-Waitz, Faire ensemble pour mieux vivre ensemble, daté de septembre 2018

2.Source : données extraites de l’étude Les entreprises de l'économie sociale et solidaire dans les quartiers politique de la ville menée par le CNCRESS et le CGET en février 2018

 

Le tiers-lieu au service de la transition écologique ?

Si aucune étude à ce jour ne le démontre scientifiquement, la grande majorité des acteurs de tiers- lieux estiment qu'ils ont un impact environnemental positif*. Les causes en sont multiples : ils encouragent une réduction des mobilités avec le télétravail largement plébiscité, ils optent globalement pour des espaces écoresponsables, la réutilisation de lieux en déshérence (friches, locaux inutilisés...), ils développent pour beaucoup de nouveaux modes de production, de consommation et d'usages (notamment le circuit-court, le réemploi, le prêt...). Certains mettent également l'écologie au cœur même de leur mission. C'est le cas à Paris, où un important espace de coworking vient d'ouvrir ses portes (19e arrondissement). Lancé par l’association Colibris en 2017, le projet, nommé Oasis21, se destine à accueillir les « organisations écologiques et citoyennes »dans un espace 1500m², comprenant des bureaux, salles de réunion et de conférences et open-spaces.

*1. Source : rapport de Patrick Lévy-Waitz, Faire ensemble pour mieux vivre ensemble, daté de septembre 2018

 

La Trame, une passerelle pour les tiers-lieux ardéchois

 En Ardèche, la Trame fédère les tiers-lieux du département. Véritable réseau, la structure accompagne les projets et suit de près leur implantation sur le territoire.

En Ardèche, on compte 22 tiers-lieux installés, 9 en construction et une quinzaine en projet. Ces lieux hybrides viennent « redynamiser » ce territoire rural. « Les tiers-lieux sont des catalyseurs d’énergie », estime Loraine Machado, coordinatrice de la Trame. « Ils sont portés par une communauté de gens, qui ont envie de faire ensemble et qui ont des valeurs communes ».

Les deux salariés de la structure, créée en 2014 (et portée pour le moment par un syndicat mixte) accompagnent et mettent en lien les porteurs de ces projets sur tout le département. Elles réalisent également un suivi des tiers-lieux sur la durée.

Un panorama de lieux variés

Une enquête publiée en juillet 2020 par la Trame révèle un panorama varié pour les tiers-lieux ardéchois. Malgré tout, l’activité principale de ces structures (souvent associatives) reste le coworking, suivi de près par les arts du spectacle ou encore les Fablabs.

- Les infos en +

Pour découvrir l’enquête de la Trame :

www.latrame07.fr

À voir : Travail photographique d’Alexa Brunet « Lieux peu communs » (qui expose à partir du 16 septembre 2021 au CAUE de Privas.

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