[Crise sanitaire ] : Quand l’agriculture régionale et durable répond à la précarité alimentaire locale

Publié le ven 26/06/2020 - 14:39

Par le collectif ALIMENT (Association Libre pour un Manger Équitable Naturel et Territorial)

La crise actuelle, et particulièrement pendant le confinement, a eu des répercussions dans tous les domaines. L’aide alimentaire n’a de ce point de vue là pas fait figure d’exception. D’un côté, son approvisionnement qui dépend habituellement de “circuits longs”, notamment internationaux, a été mis à mal. De l’autre, les “bénéficiaires” ont vu leur nombre et nécessités augmenter. A Marseille, des collectifs de citoyens solidaires ont fait se rejoindre l’offre agricole locale et durable momentanément davantage disponible avec les besoins pressants de familles dans le besoin. 

“Durant le confinement, les Français ont massivement plébiscité les circuits courts et les produits biologiques” titrait France 3 Val-de-Loire le 25 mai dernier. Mais, cela n’a pu que concerner les personnes ayant la liberté de choisir leur alimentation. Cela n’est justement pas le cas des 4 millions de personnes qui font appel à l’aide alimentaire chaque année en France pour subvenir à leurs besoins. Ceux-là en général doivent se contenter des invendus ou dons provenant majoritairement des “circuits longs” de l’industrie agroalimentaire. Or, la crise a perturbé toute l’économie, et le transport d’aliments, de surcroît international, n’a pas échappé à la règle.

En parallèle, la production agricole locale a enregistré des surplus dû à l’arrêt de certains débouchés (restauration, marchés etc.). Comment donc l’agriculture locale (et durable) a pu servir les bénéficiaires de l’aide alimentaire, en cette période où leurs besoins ont été encore plus pressants qu’auparavant ? Coup de projecteur sur quelques initiatives solidaires marseillaises qui ont rendu une nourriture locale, saine et durable accessible à des familles dans le besoin alimentaire.

L’union de la solidarité et de l’agriculture locale et durable : Témoignages à Marseille

L’épicerie paysanne ADELE - Association de Distribution Équitable, Locale et Écoresponsable (Agnès R.) : « ADELE a proposé à ses clients un panier suspendu pour les maraudes qui se sont mises en place dans le quartier Réformés et Belsunce. Des collectifs d'habitants passent régulièrement récupérer les dons des clients. L’épicerie prend en charge 20% de ces dons. Avec les invendus cela doit représenter environ 10 kg par jour de fruits et légumes issus d’une agriculture paysanne locale, et pour partie biologique. »

Par le Collectif des Rosiers / le Panier de la Rotonde (Valérie J.) : « Des enfants ne mangent pas à leur faim dans le quartier des Rosiers depuis qu'il n'y a plus de cantine. Beaucoup de petits boulots ont disparu. Un collectif s'est monté pour venir en aide à ces familles et organiser des distributions de nourriture et de jouets. Nous avions déjà parlé de solidarité lors de notre dernière AG. Nous pensions aider une famille du quartier en finançant un panier. Avec la situation aux Rosiers, il a fallu changer d'échelle ! Aujourd'hui : Loïc Péré, notre maraîcher, fournit 20 paniers hebdo de 13€ au lieu de 17€, que nous proposons à 3€ aux familles des Rosiers. Les 10€ restants sont couverts grâce aux dons collectés sur cette page. Surpris de la grande générosité des donateurs, nous allons même fournir quelques paniers à l'ADPEI – Association Départementale pour l’Emploi Intermédiaire »

Par les Paniers de chanot (témoignage de Claudette C.) : « Certaines personnes sont confinées loin de leur Panier Marseillais, elles peuvent faire don de leur panier de légumes. Ce panier récupéré par des bénévoles est donné (ou cuisiné) pour des sans papier, sans revenu, femmes seules avec enfants, familles en grande précarité … La semaine dernière au Panier de Chanot, distribué par la maraicher Thierry Gozzerino, des soupes, tartes aux légumes ont été cuisinés pour une famille dont la maman a subi une césarienne et est, pour l’instant, dans l’incapacité de le faire elle même. Même si l’objectif reste de leur donner directement les légumes pour qu’elles les cuisinent elles-mêmes. »

Par le Panier de l'AUBERGIN (témoignage d'Alexandra S.) : "Avez-vous entendu parler des paniers suspendus? Adaptés à notre Panier Marseillais, il s'agit, pour ceux qui le désirent, de faire un don en espèces (de 1 ou 2 € ou 5, ou 10€...), de manière à acheter à notre producteur des paniers supplémentaires qui seront distribués à des personnes en détresse alimentaire. Les besoins sont encore plus criants que d'habitude et les associations qui œuvrent dans notre quartier sont débordées de demandes de personnes au bord du gouffre qui n'ont plus de quoi se nourrir. Avec vos dons remis dans une boite collective prévue lors de nos distributions, nous achetons des paniers suspendus à Loïc Péré, notre maraîcher. Ces Paniers sont donnés au collectif "Le panier en colère" qui organise la distribution alimentaire auprès de familles du quartier en lien avec le Centre Social Baussenque et des directeurs d'écoles du quartier. Il s'agit d'un circuit solidaire court ! »

La crise sanitaire que nous vivons est rapidement devenue une crise économique et donc sociale. Activité vitale, l’alimentation n’a pas fait exception au chamboulement général qui a bouleversé la société. Les populations les plus précaires ont donc vécu une double peine : la perte de revenus les ont touchés plus brutalement, et la désorganisation des filières a perturbé l’approvisionnement de l’aide alimentaire dont certains dépendaient au quotidien. En conséquence, nombreux sont ceux qui ne mangaient plus à leur faim, dont des enfants depuis la fermeture des écoles, des cantines scolaires. Ces quatre initiatives solidaires marseillaises ont démontré que l’agriculture régionale et durable constitue une des réponses à la précarité alimentaire locale." Le collectif ALiMENT - Association Libre pour un Manger Équitable Naturel et Territorial - espère qu’elles bien fassent “tâche d’huile” (locale et durable !). La Cité de l’agri va organiser à l’automne en collaboration avec Graines de Soleil une journée autour de la question de l'accessibilité à une alimentation de qualité, à Marseille dans le 15eme. De son côté, les Paniers Marseillais projetteront à la même période le film « La part des Autres » qui porte sur l’accès à une alimentation de qualité pour les personnes en grande précarité.

A lire, prochainement dans le numéro d'été de Sans transition!, un dossier spécial sur la démocratie alimentaire. 

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