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Par Quentin Zinzius
Avec seulement 8 000 éoliennes sur son territoire, la France est très en retard par rapport à ses voisins européens et ses objectifs de transition énergétique. De quoi brasser encore beaucoup de vent sur la scène politique à l’approche des élections, mais qui soulève tout de même des questions : un tel déploiement peut-il être écologique ?
Un vent d’enthousiasme souffle autour de l’éolien, en cette fin d’année 2021. Alors que le secteur représente à l’heure actuelle 8,8 % de la consommation d’électricité en France, il va à l’avenir peser bien plus lourd dans la balance. En effet, selon les scénarios du dernier rapport(1) du Réseau de transport de l’électricité (RTE), paru en octobre 2021, l’éolien pourrait représenter 20 à 50 % de notre production énergétique à l’horizon 2050. Il pourrait ainsi devenir, dès 2030, la première source d’énergie du territoire, selon le Ministère de la transition écologique(2).
Mais pour le moment, le compte n’y est pas. Avec seulement 8 000 aérogénérateurs sur son territoire, la France est très loin de ses objectifs. Selon le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie(3), rendu le 30 novembre, « la France doit augmenter de 40 % sa production d’énergie éolienne », d’ici à 2023 pour rattraper son retard. Avec une telle massification de sa production, l’éolien entre donc en phase d’industrialisation. Une phase qui pourrait venir entacher son statut « d’énergie propre »…
Vent d’État
Car tout n’est pas vert, autour de ces moulins blancs. Après une vingtaine d’années d’études et de suivi des projets sur le territoire et en Europe, plusieurs problèmes subsistent, et alimentent les discours anti-éoliens.
Instabilité de la production, dégâts sur la biodiversité, difficultés de recyclage des pales… Autant d’arguments repris en cœur par la commune de Marôn-en-Berry (Indre), qui a récemment refusé un projet éolien sur son territoire. L’équipe municipale est même allée jusqu’à créer, en novembre 2021, le premier label « commune sans éolienne » pour « mener le combat contre cette invasion », rapport Gilbert Blanc, édile de la commune depuis les dernières élections. En première place des arguments du maire contre le projet, l’impact écologique de ces « envahisseuses », qu’il juge « désastreux ». « Une éolienne ne fonctionne que s’il y a du vent. S’il y en a pas, on fait tourner les centrales à gaz, très polluantes », assure l’édile, qui a communiqué de la sorte auprès de tous ses administrés. Un préjugé démenti de longue date – une éolienne tourne en moyenne entre 75 % et 95 % du temps – mais basé sur une autre réalité technique : son efficacité énergétique moyenne, comprise entre 20 et 30 %. Car pour atteindre son potentiel de production maximum, plusieurs conditions doivent être réunies. D’un point de vue météorologique d’abord, mais aussi d’un point de vue technique : « Avant même d’être produite, cette électricité doit pouvoir être absorbée par le réseau, ou stockée », explique Michel Gioria, président de France Énergie Éolienne.
Vent citoyen
Un problème que l’association Énergies citoyennes en pays de Vilaine (EPV), qui a porté l’installation de 6 parcs sur son territoire, tente de résoudre. En 2022, elle se lance dans une expérimentation autour du pilotage de l’énergie. « Pendant deux ans, explique Michel Carré, président de l’association, 160 particuliers et 40 entreprises vont expérimenter une méthode de pilotage de leur consommation électrique, en fonction de la météo et de la production des éoliennes sur le secteur ». Pour faire simple, les habitants concernés – et volontaires – recevront tous les jours une alerte, leur indiquant les périodes les plus propices aux éoliennes, d’un point de vue météorologique, pour faire tourner leurs gros appareils électriques. « L’objectif est de caler les pics de consommation sur les pics de production, plutôt que l’inverse ! », s’enthousiasme le président de l’association. Une grande première en France, « dont l’avancement est suivi de près par Enedis et RTE », assure le premier intéressé.
Air KO
Mais ce n’est pas le seul problème généré par les turbines. « La rotation des pales entraîne un nombre colossal de collisions avec les oiseaux, reprend le maire de Mâron-en-Berry. Sur le parc éolien voisin de Vouillon [proche d’un Parc naturel], 254 cadavres(4) ont été ramassés en 6 mois en 2019 ». Des dégâts qui sont tout de même à nuancer : sur la même période cette année, seuls 18 cadavres ont été ramassés sur ce même parc. Un résultat qui coïncide davantage avec les estimations de la LPO : sur les zones de protection spéciale (ZPS), présentant des enjeux environnementaux forts, elle a estimé en 2017(5) les pertes à environ deux oiseaux par an et par éolienne. « Réduire ces collisions reste un de nos enjeux majeurs, rassure Michel Gioria, président de l’association France Énergie Éolienne, et nous travaillons sur le sujet ». Sont notamment étudiés, des systèmes d’effarouchement et d’évitement, en réduisant la fréquence de rotation des pales aux périodes d’activité des oiseaux. « Ces systèmes sont mis en place dès la fabrication. Il reste maintenant à les utiliser au mieux pour réduire les dégâts au maximum », précise-t-il.
Pâle figure
Côté recyclage, l’équation est tout aussi compliquée. Construites majoritairement à partir de béton et d’acier, les éoliennes profitent en partie des filières de recyclage du BTP pour près de 98 % de leur masse. Restent les pales : fabriquées en matériaux composites, leur recyclage est difficile, et la filière prend du retard. « Le verrou saute, rassure Michel Gioria, on commence à développer des méthodes spécifiques à ces matériaux ». Mais les premières générations d’éoliennes arrivant en fin de vie, ce sont près de 200 000 tonnes de pâles qui seront à traiter d’ici 2034. « Rien d’alarmant », promet le dirigeant de FEE, à condition que les investissements soient à la hauteur des enjeux.
Notes :
(1)Rapport RTE :
(2)Propos du ministère de la transition écologique :
https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/21088_VraiFaux_E%CC%81olien_terrestre%20%281%29.pdf
(3) rapport de l’agence internationale de l’énergie :
https://iea.blob.core.windows.net/assets/7b3b4b9d-6db3-4dcf-a0a5-a9993d7dd1d6/France2021.pdf
(4) Suivi de mortalité sur le parc de Vouillon :
https://www.indrenature.net/documents/mosaiques/mozaique95_indre-nature.pdf
(5) Étude de la LPO sur la mortalité de l’avifaune à proximité des éoliennes :
