[DOSSIER] Michel Gioria : « L’éolien est un symbole politique d’une société qui évolue »

Publié le lun 27/12/2021 - 11:00

Propos recueillis par Quentin Zinzius

Ancien directeur de l’Ademe Île-de-France, Michel Gioria est à la tête de l’association France Énergie Éolienne depuis mars 2021.

Dans son dernier rapport rendu fin octobre, RTE a dressé 6 scénarios, dans lesquels l’éolien occupe entre 20 et 50 % de la production totale d’électricité. Atteindre de tels niveaux de production est-il seulement réalisable pour la filière ?

La première chose à comprendre, c’est que ces scénarios ne sortent pas de nulle part, ils sont le fruit de nombreuses études scientifiques. Et tous se concluent de la même manière : pour limiter le réchauffement climatique, la part des énergies fossiles dans notre mix énergétique doit diminuer de manière drastique. La massification de la production d’énergies renouvelables est, au côté de la réduction de la consommation, la meilleure réponse possible pour éviter une crise de l’énergie. Mais peu de filières renouvelables sont effectivement capables, dans leur rythme de développement, de suivre le rythme imposé par l’État. Pour l’éolien, ce changement d’échelle est tout à fait possible. Après plus de 20 ans de développement, la filière est aujourd’hui à un stade de maturité où les évaluations des projets et leurs réalisations sont de plus en plus rapides et efficaces, avec un retour sur rentabilité de plus en plus tôt en raison de la baisse des coûts de production, et un bilan carbone de plus en plus réduit [12,7g CO2 eq/Kwh en 2020 contre 14,1g CO2 eq/Kwh en 2015]. Elle pèse déjà pour 9 % de la production d’électricité en France ; mais cela reste entre deux et trois fois moins que nos voisins européens, notamment l’Allemagne et le Royaume-Uni. Doubler ou tripler cette production en France n’a donc rien d’impossible.

Avec une telle proportion d’éolien dans le mix énergétique, ne risquons-nous pas de voir des éoliennes partout ?

Absolument pas. On ne pose pas des éoliennes n’importe où, ni n’importe comment. Je pense qu’il est important que les gens comprennent qu’on ne fait pas de l’éolien pour se faire plaisir. Ce n’est pas un effet de mode, un rêve de milliardaire mégalomane ou d’un ingénieur passionné de turbines ! C’est une solution de production efficace pour décarboner notre énergie et notre économie.

Mais cette incompréhension est belle et bien notre plus gros défi. Les enjeux techniques ne sont pas les seuls que nous devons prendre en compte pour la validation de ces projets, les enjeux sociétaux sont tout aussi importants. Cette peur de l’éolien existe, et il ne faut pas la nier, mais plutôt chercher à la comprendre, pour pouvoir rassurer aux mieux les populations concernées. Une éolienne, ça se voit, et ça a un impact, c’est un fait. Mais aucune solution n’a, à l’heure actuelle, « aucun impact ». Le tout est de peser le pour et le contre avec la population, et de coconstruire au maximum ces projets avec eux pour que leurs déploiements soient non seulement une réussite technique, mais aussi sociétale.

Alors comment convaincre les 30 % de la population toujours opposés à ces projets ?

La question à se poser c’est plutôt : faut-il vraiment les convaincre ? D’un point de vue démocratique, cette opposition est tout à fait normale et bénéfique. Je dirais même que 70 % d’acceptation, c’est un très bon score électoral ! Pour nous, mettre sur la table et au même niveau des problèmes techniques comme les risques de collision avec l’avifaune, et des enjeux sociétaux comme la dégradation des paysages, montre que non seulement nous sommes ouverts au débat, mais aussi que nous sommes prêts à les prendre sérieusement en compte dès la conception des projets.

Aussi, l’éolien est en quelque sorte un symbole politique d’une société qui change, qui évolue. Si une partie de la société n’est pas à l’aise avec ces projets, c’est qu’elle n’en comprend pas tous les enjeux ; ou parce qu’elle s’y oppose ouvertement – les climato-sceptiques notamment – par pur intérêt politique. Mais même si l’éolien est pris pour cible, forcer l’implantation ne sera jamais une solution. Notre meilleure atout, c’est notre capacité à expliquer son utilité sur les territoires, notamment ruraux. Car ce sont bien ces territoires qui profiteront de la relocalisation énergétique, des retombées économiques et des nouveaux emplois autour de la filière. Comprenez : les espaces ruraux sont les futurs gagnants de la transition énergétique.

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