TRIBUNE - NE PLUS CONFONDRE … (Partie 2) POUR CONSTRUIRE AU LIEU DE SUBIR

Publié le ven 31/03/2017 - 16:09

Par Aymeric Jung 

Aymerci Jung est membre de Sustainable Finance Geneva. Il est aussi co- fondateur de Slow Money Francophone, structure qui soutient l’investissement direct dans les dispositifs de productions agricoles en circuits-courts. Il nous livre dans ce texte la suite de ses réflexions (initialiement publiées sur son blog) sur les enjeux économiques, démocratiques et écologiques auxquels nos sociétés sont confrontées. 

Tout d’abord merci pour les nombreuses réactions au blog précédent, aussi bien sur la durabilité que la spiritualité. J’aimerais partager la suite de mes réflexions, celles qui m’aident à remettre de la mesure dans la démesure et à construire le long terme plutôt que de réagir à court terme. 2017 continue à nous étonner et je lui trouve une résonance très particulière ; cela pourrait nous amener le meilleur comme le pire. Ce sont les 10 ans de la crise financière des subprimes qui bouleversa notre économie nécessitant une transition vers plus de justice et de conscience environnementale ; c’est également le centenaire de la naissance de JFK, de l’entrée en guerre des Etats-Unis et de la révolution Bolchévique. Chacun individuellement au cours de l’année va prendre des décisions, mener des actions, et compte tenu de l’accélération que nous vivons, elles se répercuteront très vite collectivement, pour le bien de tous ; ou pas. 
 

Ne plus confondre Election et Réaction

 
Comment peut-on encore prendre la responsabilité de voter sans mesurer avec soin les conséquences ? La libre expression existe dans la plupart des pays, donc oui pour des coups de gueule et des actions démonstratives, mais de grâce, pas de vote sanction au lendemain duquel l’inconscience collective serévèle bien supérieure à la somme des colères individuelles.
 

Ne plus confondre Efficience et Efficacité

 
L’efficacité permet d’obtenir un résultat indépendamment des moyens mis en oeuvre là où l’efficience cherche l’optimisation des ressources utilisées. Il faudrait donc repenser l’efficience avec les externalités négatives d’un mode de production. L’agriculture industrielle s’est montrée efficace pour gérer l’après 2nde guerre mondiale, mais elle n’est pas efficiente compte tenu du nombre de calories dépensées (produitschimiques, transport) pour produire une calorie de nourriture. C’est un rapport de 1 à 10 à la ferme et de 1 à 40 dans l’assiette. A cela il faut ajouter une consommation d’eau délirante, l’épuisement des sols, pollution et perte debiodiversité. Sur le pétrole, là où l’équivalent énergétique de 1 baril permettait d’en extraire 100 dans les années 40, ce rapport est passé en-dessous de 30 (et seulement 20% à la pompe…). Enfin, un vrai enjeu pour l’Impact Investing : l’efficience énergétique. Il est illusoire selon moi de croire que dans un délai raisonnable les énergies renouvelables remplaceront les énergies fossiles et qu’Internet est la solution. C’est dans la réduction de nos besoins énergétique que se trouve l’efficience. Déjà mentionné dans ce blog, je rappelle que la consommation énergétique Internet double tous les 4 ans et qu’en 2030 ses besoins seront l’équivalent de la consommation énergétique mondiale de 2008. 
 

Ne plus confondre Economie Circulaire et Recyclage

 
Pour des raisons logistiques mais aussi environnementales, il est admis que l’économie linéaire, qui consiste à extraire des matières premières, les transformer puis cumuler des déchets, est catastrophique. Cependant, je pense qu’il est temps de dépasser le recyclage. Certes efficace au siècle passé, il n’est pas efficient. Recycler un déchet demande du transport, de l’énergie et à nouveau de la consommation. Mieux vaut concevoir des produits durables, d’usage, et dégradables directement chez le consommateur final. Le meilleur déchet est celui qui n’est pas produit. En agriculture comme en technologie, c’est raisonner en termes d’économie régénératrice qui nous fera sortir de la crise par le haut sans passer par la case révolution, guerres et émeutes de la faim. 
 

Ne plus confondre Bio et Local

 
Longtemps la Bio donnait une garantie de qualité et de soucis environnemental. Mais elle connait aussi ses propres dérives, et certes je suis satisfait de voir l’absence de chimie et de perturbateurs endocriniens dans le Bio de masse, mais où est la qualité nutritionnelle et la protection de l’environnement avec des monocultures sous serres chauffées à des milliers de km? Une fois de plus, c’est en prenant le temps de s’informer sur la qualité, les circuits courts et le soutien à la production locale que le consom’acteur fera la différence en privilégiant le bon pour l’humain et pour la planète plutôt que le greenwashing. 
 

Ne plus confondre Egaux et Ego

 
Bien sûr ici je vise en premier les responsables politiques, qui avec des discours et des promesses, assouvissent leur rêve de pouvoir. L’égalité, c’est déjà s’assurer que personne ne reste pauvre avecun salaire. C’est un des scandales majeurs de notre époque. Afin d’envisager le long terme, il faut être d’accord de payer le juste prix et rémunérer le travail de chacun sans aller toujours au moins cher. Détruire le travail n’a pas de sens à long terme si on n’arrive pas à créer les emplois de la relève (Schumpeter et sa destruction créatrice à justifier!). Un exemple inquiétant se trouve une fois de plus dans le monde agricole. Il existe 1.3 milliard de paysans. Etendre le modèle occidental, qui a moins de 5% de la population active dans l’agriculture, (contre 40% mondialement) dont beaucoup n’arrivent pas à survivre avec leur travail, demanderait la création d’ici 30 ans de plus de 3 milliards de jobs !!! 
 

Ne plus confondre Exclusion et Construction

 
Pour la finance durable, il est nécessaire de corriger les pratiques des entreprises et c’est l’exclusion de ceux qui ne respectent pas les critères responsables et de gouvernance. En Impact Investing, c’est directement soutenir les entreprises qui créent de nouveaux produits et services avec un impact social et environnemental positif. C’est bâtir l’économie qu’on souhaite au lieu de la subir, c’est la construction Bottom up au lieu des règlementations Top Down. Enfin Ne pas confondre Axe de vie et Destin. Lorsqu’on agit et pense en phase avec son être et son ressenti alors on est dans son axe. Ce n’est pas une question de prédestination mais de cohérence. C’est ce que nous pouvons percevoir dans un monde en transition et avec une finance durable qui peut redonner du bon sens à l’investissement. Ses acteurs sont de plus en plus nombreux et la Suisse y trouve une place de leadership. Je crois alors que “le hasard des rencontres n’existe pas pour ceux qui marchent sur le même chemin"

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