[FAB CITY] : Ils veulent fabriquer la ville

Publié le lun 16/03/2020 - 07:57

Légende photo : À Rennes, des habitants ont reproduit des machines dont les plans sont livrés en open source et qui permettent de fabriquer des objets en recyclant le plastique ramené par leurs soins.
Crédit photo : V. Jourdan

Par Virginie Jourdan

De Brest à Marseille, des citoyens et des associations veulent participer à la fabrication de leur ville. À la seule gestion utilitaire des ressources, ils veulent ajouter la mise en commun des connaissances. Leur objectif ? Développer l'autonomie de leur territoire. Un pari qui prend du temps.

« Nous avons lancé le Science hack day pour imaginer ensemble de nouveaux usages dans la ville et y améliorer les déplacements, l'inclusion de tous, le partage des connaissances mais aussi l'écologie », démarre Antony Le Goïx Auffret, attaché de direction aux Petits Débrouillards à Brest. En novembre, sa cinquième édition a rassemblé 120 personnes, étudiants, enfants, curieux ou experts. Au fil des années, des projets ont émergé : hébergeurs de données du web à proximité de chez soi,  avec un échantillonneur ADN à bas coût pour inventorier la biodiversité marine, fauteuil roulant à assistance électrique peu onéreux, etc. Créé en 2015, ce Science hack day est l'une des actions rattachées à la « fab city » de Brest. Née à Barcelone à la fin des années 2000, la fab city veut donner aux citadins les moyens de construire leur ville. Réponse à la « smart city », jugée arcboutée sur la technologie et excluante pour les habitants, elle a été officialisée en 2014 et rassemble aujourd'hui une trentaine de villes à travers de monde. De Saracoba au Brésil à Amsterdam au Pays-Bas ou encore Ekurhuleni en Afrique du Sud, toutes se sont donné l'objectif d'atteindre 50% d'autonomie en 2054 dans des domaines aussi variés que la fabrication de matériaux, d'objets ou l'alimentation via l'agriculture urbaine. En France, quatre villes et deux régions ont rejoint le mouvement depuis 5 ans. Toulouse, Paris, Brest, et récemment Rennes, mais aussi les régions Occitanie et Auvergne-Rhône Alpes. Dans chacun des territoires, les projets prennent des visages différents mais tous reposent sur un réseau fourni de laboratoires de fabrication numérique, les fablabs. « À Toulouse comme ailleurs, les projets peuvent paraître lents car il y un temps long d'appropriation des techniques et des outils numériques », explique Richard Didier, bénévole à Artilect, réseau de fablabs toulousains. Dans ces ateliers, l'autonomie signifie fabriquer des maisons avec du bois local ou apprendre la couture. À l'échelle de la municipalité toulousaine, elle s'incarne dans l'open data : « la ville veut harmoniser les données sur l'eau ou l'énergie pour les rendre facilement accessibles à tous : associations, citoyens ou entreprises plutôt que de confier leur gestion à des groupes privés », ajoute Richard.

De l'autonomie à l'inclusion sociale

À Saint-Etienne, des habitants ont co-designé les aires de jeux sur lesquelles jouent leurs enfants. À Rennes, des prototypes de véhicules open source sont testés, des capteurs de pollution de l'air sont améliorés pour ajouter la mesure du dioxyde d'azote à moindre coût. « Dans la smart city, les citoyens sont vus comme des producteurs de données. Avec la fab city, les projets les rendent acteurs de leur ville », ajoute Yves Quéré, responsable de l'Open lab Factory, l'un des hauts lieux de la mise en œuvre de la fab city brestoise.

Malgré des projets concrets, la fab city reste peu répandue. Mais les projets de fabrication collective, eux, font concrètement leur chemin. Comme à Marseille. Si la cité phocéenne n'est pas entrée dans une démarche de labellisation fab city, David Benaïm, co-fondateur du lieu de fabrication « Ici Marseille », reconnaît que « le concept trotte dans la tête de tout le monde ». D'abord dédié à la mutualisation de locaux et de machines pour les artisans qui fournissent, par exemple, du mobilier urbain, Ici Marseille a finalement ajouté l'inclusion sociale à ses activités. «Nous sommes d'abord là pour répondre aux problématiques de la société, pas à des marchés », explique le directeur. Actuellement, 20 jeunes décrocheurs scolaires y suivent une formation de 6 mois. « En plus de la menuiserie, ils apprennent les bases pour créer leur propre entreprise », précise David Benaïm. Une manière, pour lui, de promouvoir l'autonomie des citoyens sur leur territoire. Ce dernier en est d'ailleurs convaincu : « Une ville qui peut partager, c'est d'abord une ville autosuffisante et autonome. »

Plus d'infos:

Barcelone ou la réinvention du droit à la ville : https://frama.link/BarceloneFabCity

Mieux connaître la fab city : https://fab.city

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