Albi en route vers l'autosuffisance alimentaire ?

Publié le mar 28/06/2016 - 11:30

Permettre à tous ses habitants de se nourrir avec des produits locaux : tel est le défi que s'est lancé la Ville d'Albi. La municipalité souhaite que les denrées produites dans un rayon de 60 km puissent répondre aux besoins de la population d'ici 2020. Une première en France pour une ville de cette taille (51 000 habitants). Échange avec Jean-Michel Bouat, adjoint écolo-centriste en charge du dossier.

 

La ville d'Albi s'est engagé à atteindre l'autosuffisance alimentaire d'ici 2020, d'où est venue cette volonté?

D'une observation : chaque année, la file d'attente se rallonge devant les Restos du Cœur. A côté de ça, il y a partout des pelouses inutiles. Alors nous avons voulu développer l'agriculture urbaine, pour replacer la proximité au cœur des préoccupations de tous.
Nous avons de la chance de vivre dans un département agricole, où, à part les produits exotiques comme les bananes ou le café, la production est supérieure à la consommation. Nous avions en plus à disposition une friche de 73ha où cinq producteurs ont déjà pu s'installer.
En déléguant la gestion de notre nourriture à l'industrie, on a perdu la notion de son coût réel et de ses enjeux. En s'y reconnectant, on relocalise naturellement. Jusqu'en 1967, il y avait un marché de gros à Albi qui a été déplacé à Toulouse. Nos produits font donc l'aller-retour, ce qui rajoute déjà deux intermédiaires et incite le producteur à baisser ses prix. C'est ce système que nous remettons en cause.

 

Suivez-vous une feuille de route pour mener à bien ce projet ?

Dans un premier temps, nous avons réalisé un travail collaboratif avec la chambre d'agriculture en nous concentrant sur la production, le nombre d'hectares disponibles et d'agriculteurs. Dans ce contexte, nous avons réalisé un plan agricole de la commune. Celui-ci a mis en évidence que nous disposions de 1200ha de terres agricoles sur un espace total de 4 400, ce qui montre un grand potentiel. Nous n'avons pas encore réalisé d'enquête focalisée sur les consommateurs mais c'est en préparation. Nous voulions privilégier l'expérimentation, en nous axant sur le ressenti et l'expérience plutôt que des études théoriques coûteuses. J'ai vu trop de projets s'arrêter à la phase des études théoriques.

Nous nous appuyons aussi sur le partenariat noué depuis 2013 avec les Incroyables Comestibles. Ce sont eux qui sont d'abord venus vers nous pour voir ce qu'il était possible de faire à Albi. Après les municipales de 2014, nous avons donc créé une délégation à l'agriculture urbaine pour laquelle le milieu associatif, dont Incroyables Comestibles, joue le rôle de relais auprès de la population. Ce projet est au croisement des chemins entre diverses structures (associatives, agents techniques...) qui apprennent à collaborer autrement avec les citoyens voulant devenir acteurs de la ville. L'objectif, c'est de ne pas réduire l'initiative à un objectif municipal mais permettre de l'adapter à d'autres territoires.

 

Quels sont les problèmes qui restent à surmonter ? Et les premières réussites ?

Jusqu'ici, la production et la commercialisation ne sont pas des problèmes, ce sont davantage le stockage ou la transformation qui sont délicats. Avant, les villes étaient des greniers, mais avec notre production linéaire, nous avons perdu cet usage. Le retour à la saisonnalité et aux pics de production bouleverse notre ordre des choses. Nous essayons de gérer cela avec notre cuisine centrale, en rachetant et transformant lors des pics, mais c'est encore à perfectionner.

Le rythme de rachat du foncier est aussi problématique, nous avons trop de demandes ! On retrouve le côté « vocationnel » de l'agriculture, sa noblesse avec le circuit court. Et l'agriculture urbaine permet aux paysans de rester connectés à la ville, ce qui rend le métier plus attractif. Mais le changement de paradigme demeure compliqué pour les agriculteurs conventionnels.

 

Amaëlle Olivier

Plus d'infos :

www.incroyablescomestiblesalbi.blogspot.fr/

www.mairie-albi.fr

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