[MUNICIPALES] : À Salon-de-Provence, des citoyens préparent la transition

Publié le ven 13/03/2020 - 07:13

Plusieurs ateliers ont eu lieu pour débattre des propositions de la charte, avec la formation de petits groupes menés par une personne choisie pour son expertise. Crédit DR

Par Elodie Crézé

Sur l’ensemble de l’hexagone, des collectifs de citoyens s’engagent sur les pas de Rob Hopkins pour conduire leur ville ou leur territoire vers la transition. À l’approche des municipales, certains font le choix de peser de l’extérieur des arcanes de la politique, comme vigies du respect des engagements en faveur de la transition. D’autres s’engagent en présentant leur propre liste. D’une manière ou d’une autre, les défenseurs des villes en transition entendent bien peser sur les débats.

 

À l’approche des municipales, le collectif du Pays salonais, directement inspiré du mouvement des villes en transition de Rob Hopkins, décide de s’imposer dans l’agenda politique des candidats. Son crédo ? Faire signer une charte d’engagement de 10 propositions aux candidats des communes de l’ensemble du Pays salonais, en faveur de la transition écologique, sociale et démocratique. Avec la coconstruction citoyenne comme préalable.

À la maison de la vie associative de Salon-de-Provence, l’ambiance est studieuse autour de la table, malgré le rosé et les chips versées en vrac dans les assiettes en carton. Ce soir de janvier, le collectif du Pays salonais, créé à partir de l’association du Pays salonais en transition(1) et fédérant désormais une vingtaine d’associations, s’active pour terminer la rédaction des propositions qui vont bientôt être présentées à tous les candidats aux municipales du pays salonais. Soit… 17 communes. Les propositions, initialement au nombre de 32(2) tirées du Pacte pour la transition élaboré par une soixantaine d’organisations, ont fait l’objet d’un sondage diffusé auprès des habitants du pays salonais, pour définir leurs priorités, et de 5 ateliers de réflexion et de travail, entre septembre et décembre. Regroupant à chaque fois entre 20 et 30 citoyens, membres ou non d’associations locales. Le but : décliner localement chacune des propositions tant dans les domaines de l’environnement, de la solidarité, que de la démocratie, en établissant un ordre de priorité. Puis proposer à chaque candidat d’en retenir une dizaine, considérées comme incontournables sur le pays salonais et leur commune en particulier.

 « Déjà la révolution ! »

Pour finaliser les propositions, seuls quelques représentants d’associations sont présents. Jean-Luc Parrain, lui-même membre de Pays salonais en transition et de l’association Welcome, d’aide aux personnes réfugiées, détaille un point sur le financement des projets communaux. Le débat porte sur la nécessité ou non de contraindre les élus à privilégier les prêts issus de sources de financement éthiques. « Jusqu’où demande-t-on aux élus de s’engager ? questionne Jean-Luc Parrain.  Aujourd’hui, lorsqu’une commune contracte un emprunt, il n’est inscrit nulle part comment les projets sont financés. Il faut montrer notre désir de transparence. » Hélène, qui se présente comme une « simple citoyenne » enchérit : « Si on arrive seulement à plus de transparence, c’est déjà la révolution ! ». Plus tard, c’est la fiche numéro 11 du pacte sur la mise en œuvre d’une démarche de territoire à énergie positive qui est discutée. Les débats sont précis, les propositions doivent rester concrètes et jamais « utopiques ». Les candidats qui seront intéressés devront signer un engagement sur un minimum de 10 mesures, dont au moins deux, obligatoires, sur le sujet de la co-construction citoyenne.(3)

Fédérer les associations

De fait, pour Catherine Renard, membre du collectif, la co-construction est essentielle, qu’elle prenne la forme d’une assemblée citoyenne, ou d’un regroupement d’associations qui œuvrerait directement aux côtés de l’équipe municipale. « Si nous voulons infléchir la politique locale, on doit se fédérer à l'échelle du territoire, et obtenir un réel engagement politique en faveur de cette co-construction. Jusqu’à présent, chaque association était focalisée sur la sensibilisation d'une cause, ou l’action locale et ponctuelle. En collectif, on ne sera pas là pour défendre sa chapelle, mais pour définir ensemble ce qui sera prioritaire », insiste-t-elle. L’objectif, à terme ? « Aboutir un jour à la mise en place d’une municipalité écologiste et solidaire ». À l’instar de Grande-Synthe, commune engagée pour la transition dans les Hauts-de-France.

Pascal Chatard, également membre du collectif Pays salonais en Transition, abonde: « la co-construction est un peu le sommet de l'édifice, ce qui permettra d'influencer les décisions, d'obliger la collectivité à s'inscrire dans un dialogue systématique avec les associations et les citoyens. D'ailleurs les mairies ont aussi à y gagner car elles ont besoin qu'on leur apporte une expertise – gratuite - dans des domaines différents. C'est là la force des associations ! ».

Nerf de la guerre

Si le collectif martèle sa volonté de peser dans le paysage politique, une question se pose. Pourquoi ne pas avoir créé une liste en vue des municipales ? Catherine Renard souligne que cette option, privilégiée par d’autres collectifs en transition sur le territoire, ferait planer un trop grand risque… de ne pas être élu ! Pascal Chatard estime, pour sa part, qu'il sera plus « utile » autrement, « à changer l'équilibre des forces de négociation. Notre sujet est quand même, in fine, de bouger l'affectation des lignes budgétaires ! ». Car le nerf de la guerre reste l’argent, et si le collectif nourrit bien des espoirs de transition, il garde pour autant les pieds ancrés sur terre. D’ailleurs, si une fois élus les candidats s’empressent de rouler leur charte sous leur écharpe, reniant leur engagement sitôt les urnes rangées, le collectif assure qu’il veillera au grain : «on ne les lâchera pas », lâche Catherine Renard, déterminée. « Notre collectif d’associations va perdurer ! ». De fait, dans la lettre adressée aux candidats, le collectif prévient qu’il « effectuera et publiera un suivi » de leurs engagements. « Et qui sait, rêve encore Pascal Chatard,  dans 2 ou 3 ans, peut-être marchera-t-on pour le climat à Salon-de-Provence. Comme le dit Rob Hopkins, il faut donner envie aux gens de passer à l'action. Être "pour quelque chose" et pas toujours dans la résistance. » Rendez-vous, ensemble, dans les urnes.

 

Plus d’infos : www.pacte-transition.org/#mesures

http://salontransition.fr/pst2016/association-pays-salonais-en-transition/

https://fr-fr.facebook.com/salontransition/

 

  1. Créée en 2011, l’association Salon en transition est une initiative officielle du mouvement international des villes et territoires en transition. À son actif, elle a créé la monnaie locale la Roue, les Repair café, Tous jardiniers, Consommer bocal, le festival de cinéma Terre et avenir, et bien d’autres actions solidaires et écologiques.
  2. Deux propositions sur le thème de l’éducation et la santé ont été ajoutées par le collectif.
  3. Les 3 mesures du Pacte national sur la co-construction, dont 2 à choisir obligatoirement par les candidats :

#28. Mettre en place et renforcer les dispositifs de participation, d'initiative citoyenne, de co-construction de la commune et de ses groupements.

#29. Créer une commission extra-municipale du temps long pour représenter les intérêts de la nature et des générations futures, et s'assurer de l'adéquation des grands projets des communes et de leurs groupements avec les enjeux écologiques, sociaux, climatiques de moyen et long terme.

#30. Co-construire avec tous les acteurs concernés une politique associative locale volontariste (pour soutenir le dynamisme et la vitalité économique des initiatives associatives et citoyennes du territoire, garantir leur accessibilité à la plus grande partie de la population, reconnaître et protéger leur rôle critique et délibératif).

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