[INTERVIEW] « Nous voulons dénoncer l’imposture d’Enedis et la faire sanctionner devant les juridictions »

Publié le sam 30/05/2020 - 10:06

Propos recueillis par Élodie Crézé

Maître Arnaud Durand est avocat et défend l’action des opposants au compteur Linky. À la suite d’une pétition anti-Linky lancée sur la plateforme MySmartCab qui a rassemblé près de 15 500 signataires, il conduit une action collective en justice contre Enedis, avec d’autres avocats.

Enedis a été condamnée en appel à Grenoble, le 10 mars 2020, pour sa pose forcée de compteurs Linky, à la faveur d’une personne électro-hyper-sensible (EHS). Est-ce une victoire importante ?
Il s’agit en effet de la 1ère condamnation d’Enedis en appel. La Cour confirme que le juge des référés a eu raison de prendre des mesures préventives fortes (dépolluer le courant, ne pas poser de compteur Linky). Surtout, il a été considéré qu’Enedis violait le principe de précaution.

Combien d’opposants à Linky avez-vous défendu jusqu’à aujourd’hui ?
En référé, nous avons agi pour plusieurs milliers de clients. Mais il s’agit d’une procédure rapide qui ne va pas au fond des choses. Ainsi, devant cette juridiction, nous avons uniquement obtenu des victoires pour les EHS. À Tour, Grenoble, Foix, Toulouse et Bordeaux, les juges des référés ont considéré qu’il fallait protéger les EHS par des mesures provisoires, le temps qu’un débat ait lieu sur le fond. Les juges retiennent deux arguments en faveur des EHS : soit ils reconnaissent un dommage corporel évident et imminent les concernant. Soit, comme vient de le faire la Cour d’appel de Grenoble, en raison de la violation du principe de précaution. 

La pétition, et surtout cette action collective entamée par des particuliers (lire ci-dessous), est-ce inédit ?
La pétition a servi à dire à Enedis : « voilà le rapport de force dans lequel vous allez vous trouver. Face à ces 15 000 personnes, ne voulez-vous pas trouver une solution ? » L’entreprise a répondu qu’elle se sentait « obligée » d’installer Linky. Pourtant, en droit, il existe un principe fondamental : une obligation n’existe que lorsqu’elle est sanctionnée. Une amende était prévue à l’origine pour le refus du Linky, 1500 euros ; cette mesure a été refusée par les parlementaires qui l’ont jugée inconstitutionnelle. En France, on ne peut contraindre quelqu’un à avoir un objet connecté.

Donc lorsqu’Enedis prévient qu’un refus du Linky engendrera des sanctions, cela n’a aucune valeur légale ?
Tout cela est du flan ! D’ailleurs, dans tous les procès qui ont eu lieu, Enedis a demandé de débouter les requérants, mais jamais elle n’a fait de demande reconventionnelle(1) : si vraiment il existait une obligation légale, elle pourrait demander au juge de condamner les requérants à avoir le Linky, sous astreinte d’une somme donnée par jour de refus. Nous voulons dénoncer cette imposture et la faire sanctionner devant les juridictions.
Il y a plus grave encore : en France une étude technico-économique a été réalisée en 2011 par Capgemini, [leader français dans le domaine des services du numérique qui s’est prononcé en faveur du déploiement, NDLR] en vue de la généralisation du compteur Linky. Sauf que j’ai pu démontrer, avec un constat d’huissier et en raison d’un document qui a fuité sur le site de l’évaluateur, que Capgemini était rémunéré en même temps par Enedis, sur le déploiement du Linky qui allait venir. L’étude, censée être indépendante, est donc fausse et en plus frauduleuse !

En février, la CNIL a mis Enedis en demeure sur la collecte des données des consommateurs. Est-ce un argument supplémentaire pour vous ?
Oui. Depuis le début nous expliquons que le Linky est conçu pour violer le consentement puisqu’il échappe au contrôle du consommateur. Enedis et Engie demandent un consentement qui n’est ni éclairé, ni spécifique, puisqu’il faut cocher une case globale pour récupérer le maximum de data. Il s’agit d’un délit pénal : la violation du droit à la protection des données.

La bataille menée semble assez inégale... Qu’espérez-vous à terme ?
On espère, à force d’obtenir des dizaines et des dizaines de victoires, que les choses bougent. Mais le droit n’est pas la meilleure voie. Il est très dur de se battre contre Enedis, il faut des moyens colossaux, pouvoir tenir dans la durée, aller à toutes les audiences… L’idéal serait une solution politique, mais EDF est un État dans l’État, donc elle semble impossible. La solution intermédiaire reste la condamnation par le pouvoir judiciaire. Nous avons les faits avec nous, les rapports officiels qui reconnaissent une incertitude sanitaire, la mise en demeure de la CNIL, et on commence à mettre en place des campagnes de contre-lobbying.

Vous évoquez les rapports officiels sur l’incertitude sanitaire, mais l’Anses(2) n’a pas démontré la dangerosité de Linky, dans son dernier rapport daté de juin 2017.
D’abord, on se rend vite compte que le rapport n’est pas rigoureux, ni très scientifique. Le jour de l’évaluation sanitaire, le centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), chargé, pour l’Anses de mesurer les ondes électromagnétiques émises par le CPL(3) du Linky, a trouvé des valeurs extrêmement faibles, 6 000 fois inférieures à la valeur réglementaire. Or nous avons les preuves, rapportées par des ingénieurs de Robin des toits, que ces ondes ont exclusivement baissé le jour de l’évaluation qui a été truquée : le CSTB a mesuré les champs magnétiques sur des câbles torsadés qui les annulent ! L’Anses a été dupée. Les juges du fond vont être obligés de répondre à tout cela.

  1. La demande reconventionnelle permet à la partie défenderesse (le défendeur) d'attaquer la partie demanderesse (le demandeur).
  2. Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail
  3. CPL : Courant porteur en ligne. Ce système qui émet des ondes électromagnétiques permet de conduire les informations recueillies par le Linky à Enedis.

 

Les objectifs de l’action collective :

« Faire respecter le refus du Linky et indemniser les consommateurs des méthodes commerciales déloyales notoires d'Enedis.

*Quelles demandes ?

  • Interdire l’installation de tout Linky et au besoin, obtenir le retrait d’un Linky déjà installé à votre préjudice ;
  • Garantir la dépollution de l’électricité contre les nouveaux courants porteurs en ligne (CPL) ajoutés par le système Linky ;
  • Obtenir l’indemnisation du préjudice moral, à hauteur de 5 000 € par demandeur, résultant notamment des pratiques commerciales déloyales de la SA Enedis.

*Qui peut participer ?

Tout consommateur d'électricité souhaitant se protéger contre Linky. »

Plus d’infos sur www.linky.mysmartcab.fr

 

Garantissez l'indépendance rédactionnelle et financière de Sans transition !