Par Mariane Riauté
Les citoyens de Villes-sur-Auzon (84), Capitale régionale de la biodiversité en 2019, s’investissent pour verdir leurs rues. Au moins un quart des maisons du village arborent désormais une façade ou un trottoir végétalisé. Cette dynamique en faveur de la biodiversité se transmet d’habitant en habitant, chacun relogeant la nature à sa façon.
Bertrand Croset arrose son laurier et la vingtaine de pots qui habillent son trottoir. Son auvent est recouvert de chèvrefeuille et de bignone se mêlant à une glycine qui grimpe jusqu’au toit. Le jardinier amateur hume l’une de ses roses jaunes, ravi : « Cette façade est un mélange de plantes qu’on a introduites avec mon épouse. La glycine a été difficile à faire pousser mais dès qu’elle est partie, ça a été phénoménal ! » Depuis son arrivée il y a dix ans dans ce village de 1 300 habitants, le couple plante d’année en année, motivé par la dynamique de voisinage en faveur de la biodiversité. « Depuis une dizaine d’années, il y a un élan particulier des habitants de Villes-sur-Auzon à végétaliser leur rue », résume-t-il.
À quelques pas de là, Agnès Prat a installé des pots de fleurs autour de sa maison et planté « de façon désordonnée, pour mettre des couleurs et reverdir tous ces espaces artificialisés », explique-t-elle. En privilégiant les plantes mellifères, elle a permis aux abeilles et insectes pollinisateurs de revenir dans son jardin. Sauge, persil, aubrieta, oxalis, jasmin, oliviers… Ses voisines l’ont suivie et ensemble elles ont planté une quarantaine de plantes et quinze herbes aromatiques devant chez elles, pour un budget moyen compris entre 50 et 100 euros, sans la terre ni les pots. Comme elles, ils sont des dizaines d’habitants à s’être investis dans cette mission : au centre du village, l’un d’eux a végétalisé son trottoir avec des bacs de soucis oranges, de bruyères ou encore de lys. Plus loin, un autre a couvert sa façade de plantes grimpantes, près d’une maison dont le mur de pierre est longé par des iris violets se mêlant aux coquelicots et buissons.
Cette dynamique citoyenne est encouragée par la municipalité depuis 2014. Elle a mis à disposition des habitants une quinzaine de bacs en béton et des pots. « Nous avons fait creuser des fosses de 30 cm de long devant les nouvelles habitations et donné des graines pour que chacun puisse végétaliser la commune à sa façon », précise le maire Frédéric Rouet, qui mentionne un budget communal de 4 000 euros environ de plantations, pour près de trente espèces de plantes et sept espèces d’arbres.
597 nouvelles pousses
Autre projet depuis 2019 : une centaine de citoyens ont participé à la plantation de 597 pieds de trente espèces différentes dans le cimetière du village. La commune a reçu un financement du Syndicat mixte du Parc naturel régional du mont Ventoux et déboursé 3000 euros en plantes. Et il est désormais possible de planter entre les tombes et couvrir les endroits délaissés de ce cimetière-jardin.
À seulement quelques pas de là, des jardiniers amateurs s’activent quant à eux dans les douze parcelles des jardins familiaux du village. « Chacun cultive sa parcelle comme il l’entend, mais dans le respect de la charte bio, sans pesticide ni engrais chimique. Il y a d’ailleurs une liste d’attente d’au moins cinq personnes pour avoir une parcelle », se réjouit Jean-Marie Torelli, président du foyer rural. Les habitants jouent le jeu et y font pousser des pieds de tomates, des radis, des courges ou des pommes de terre... Un jardin partagé est quant à lui entretenu par quatre jardiniers. Dans cet espace de convivialité, ils s’échangent aussi des plants, des graines et des techniques.
Car pour végétaliser progressivement leur village, les habitants s’entraident. « Avec mes quatre voisines, on fait des boutures et on s’échange des plantes. C’est grâce à ces partages qu’ici la nature s’agrandit tous les jours ! », s’enthousiasme Agnès. Résultat, les espaces sans végétation sont de moins en moins nombreux dans le village. Prochain objectif : la végétalisation des pieds de platanes, impulsée par la mairie. Le virus du jardinage qui envahit Villes-sur-Auzon ne devrait donc pas s’arrêter de si tôt.