Loïc Blondiaux : « Nous avons une culture politique qui sacralise l’élu et l’expertise »

Publié le mar 25/09/2018 - 15:45

Propos recueillis par Nicolas Troadec

Loïc Blondiaux, professeur de sciences politiques à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, travaille depuis longtemps sur le sujet des budgets participatifs. Selon lui, ces dispositifs donnent un vrai pouvoir au citoyen, mais peuvent encore faire mieux, au pays du centralisme politique, où la parole de l’expert est sacralisée.

Les budgets participatifs sont-ils de réels leviers d’action pour les citoyens ?

Oui, et pour deux raisons : d’abord, soumettre un projet élaboré par une personne au vote des habitants d’une ville donne une réalité à l’initiative citoyenne. Ensuite, au moment du vote : pour une fois, on ne vote pas pour une personnalité, mais pour un élément de l’action publique, une partie du budget d’investissement d’une ville.

Est-ce que les budgets citoyens peuvent contribuer à la transition énergétique ?

La majorité des solutions proposées pour aller vers la transition énergétique viennent de la société civile et des citoyens. Les budgets participatifs permettent de faciliter la prise en compte de ces solutions, ils vont donc dans le sens de la transition écologique.

Que reste-t-il à améliorer dans ces dispositifs ?

Il y a d’abord la différence de temporalité entre l’action citoyenne et l’administration. L’enjeu est de pouvoir réaliser le projet d’un budget participatif dans un délai qui permet au citoyen d’observer un résultat. Il peut y avoir des effets de déception, de frustration, quand les propositions ne se transforment pas en réalisations. Il y a aussi un déficit de réflexion sur l’après-participation. En général, une fois la décision actée, les citoyens ne sont pas associés à la réalisation du projet. L’une des évolutions est de permettre une co-construction des projets.


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Il arrive pourtant que les citoyens soient associés à ces réalisations ?

Il y a une évolution, mais l’appel aux citoyens se fait pour les projets d’assez faible envergure. Ce n’est pas la même chose pour les projets d’urbanisme plus structurants, dans lesquels le maître d’ouvrage reprend la main. L’argument qui revient souvent est celui du déficit de compétences techniques, qui est en partie juste. Mais l’idée serait de pouvoir être, a minima, informé de l’évolution des travaux et de pouvoir évaluer la conformité de ce qui va être réalisé avec ce qui a été décidé au moment de la concertation.

Le système politique français est-il adapté aux budgets citoyens ?

On n’efface pas en quelques années des décennies, voire des siècles de centralisme politique ! Et, surtout, nous avons une culture politique qui sacralise l’élu et l’expertise, au détriment des citoyens et des associations. Ces dernières années, certains mouvements politiques ont porté l’idée selon laquelle la décision relevait d’une expertise. C’est très frappant de voir qu’à l’échelon national, l’impératif de concertation n’est pas du tout une priorité, dès lors qu’une technocratie pense savoir ce qui relève de l’intérêt général.

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