[ZERO DECHET] : À Montpellier, se faire livrer sans déchet

Publié le dim 06/12/2020 - 13:00
Les boîtes Loopeat viennent directement de Suisse, où le système de consigne est déjà bien implanté. Crédit : A.Mariette

Par Alice Mariette

Armées de leurs vélos et de boîtes réutilisables consignées, la startup LoopeEat et l’association Les Coursiers montpelliérains veulent révolutionner la livraison de repas en ville. À Montpellier, salades, poke bowl et burgers sont livrés de façon éthique et zéro déchet. Une première en France.

Dans le restaurant Oh my bowl!, rue de l’Université, quelques clients rentrent, une boîte vide couleur aubergine à la main. Ils viennent la faire remplir et ainsi emporter leur déjeuner sans générer de déchet. « La gestion est très simple, : les clients reviennent avec leur boîte déjà lavée, nous n’avons rien à faire de plus que de la remplir, comme on remplit un contenant jetable », raconte Julien Lurienne, cogérant du restaurant. Pour avoir la boîte la première fois, une consigne de 10 € est collectée directement en ligne par la startup Loopeat. Ce système de fonctionnement, Adeline Lefèvre, ingénieure de formation, l’a ramené de Suisse. « Comme je pense qu’il ne faut pas réinventer la roue, je suis allée observer le mécanisme de leur système national de consigne », explique-t-elle. De son séjour en terre helvète, elle a aussi importé ces boîtes violettes fabriquées en Suisse, légères, résistantes, mais aussi esthétiques et pratiques. Avec son associée Clémence Hugot, elle a lancé Loopeat en septembre 2018. Leur ambition : supprimer totalement les contenants à usage unique dans la restauration à emporter. Un projet d’envergure, qui permet d’éviter 30g d’emballage à usage unique à chaque commande. , ce qui représente à l’échelle de la ville des centaines de kilos par jour.

Livraison écoresponsable 

D’ici à 2023, la loi anti-gaspillage va contraindre les acteurs de la livraison à se mettre aux contenants réutilisables. Alors que les géants du secteur, comme Uber Eats et Delivroo, s’organisent pour ne plus avoir recours aux contenants à usage unique, LoopEat a en fait déjà trouvé la solution. Grâce à leurs boîtes consignées, livrées par Les coursiers montpelliérains, depuis le déconfinement, les habitants de Montpellier peuvent  d’ores et déjà profiter d’une livraison zéro déchet. « Nous sommes une plateforme de livraison éthique avec un vrai service client », présente Yannick Plan, l’un des cinq associés du projetdes coursiers montpelliérains, au guidon de son vélo-cargo, qui « peut déplacer un frigo ». Dans les rues de  la ville, il est fier de porter le t-shirt avec le logo de leur association de livreurs, éthique et active depuis mai 2019. « Nous voulons surtout nous distinguer des autres livreurs à vélo, qui travaillent pour les géants du secteur, souvent avec le statut d’autoentrepreneur », explique-t-il. Pour cela, ils adoptent un tout autre système : ils ne sont pas payés à la course, mais sont salariés de leur association, qu’ils souhaitent transformer en Scop (coopérative de production) d’ici un an. Grâce à ce fonctionnement plus social, ils souhaitent professionnaliser le métier de livreur à vélo, mais aussi proposer un service de qualité.
 

Depuis leurs débuts en mai 2019, Les coursiers montpelliérains utilisent le logiciel libre CoopCycle, réservé aux coopératives de livreurs à vélo pour faire face aux grands acteurs du secteur de la FoodTech. « Avant, nous avons tous été livreurs chez Delivroo ou Uber Eats. Les conditions de travail étaient mauvaises et donc le service rendu est de moins bonne qualité », commente Yannick. Avec leur fonctionnement plus social, ils souhaitent professionnaliser le métier, assurer une transparence entre eux, les restaurants et les clients, mais aussi proposer un service de qualité, avec des valeurs éthiques et environnementales. Et le système est bien huilé. Dans chacun de leurs 55 restaurants partenaires, une tablette est mise à disposition, avec un logiciel pour centraliser les commandes. « De notre côté, nous gérons le dispatch des coursiers une fois la commande acceptée par le restaurateur, explique Vincent Robillard, un autre associé. Contrairement aux autres plateformes internationales, qui veulent avant tout faire de l’argent, nous assurons une livraison rapide et toujours en bon état. »

Dans ce contexte, la livraison zéro déchet leur est apparue comme une évidence. Lorsque Adeline de Loopeat leur a parlé du projet et de son système de consigne, ils ont tout de suite adhéré. « Nos clients nous le demandent, nous voulons donc répondre à cette envie des consommateurs », précise le coursier et associé Vincent Robillard. Pour se faire livrer de façon zéro déchet, le principe est aussi simple que pour toute autre livraison. Sur le site des Coursiers montpelliérains, au moment de passer sa commande, le client coche la case « Je veux des emballages réutilisables consignés LoopEat » et règle la caution de 10 €, directement en ligne.  « Nous avons remarqué que les consommateurs trouvent que c’est plus naturel de se faire livrer zéro déchet que de prendre la consigne lorsqu’ils vont chercher le plat sur place, c’est plus simple et ils le voient comme une valeur ajoutée », commente Adeline. Lors de la deuxième commande, le coursier récupère la boîte Loopeat vide, en échange d’une autre, remplie avec le plat commandé. Le tout dans un sac réutilisable, pour qu’il n’y ait vraiment aucun déchet. Actuellement, une vingtaine de clients réguliers par semaine se font livrer zéro déchet à Montpellier. Un chiffre qui ne cesse d’augmenter depuis le lancement du service en mai 2020, après une phase de test.

Et le système fonctionne très bien.  « Pour la livraison, il n’y a aucune différence en termes d’organisation, donc on aimerait que tout le monde joue le jeu, pour que cela soit encore plus écologique », raconte Vincent. Actuellement, huit restaurants proposent la livraison zéro déchet à Montpellier. « Nous ajoutons des restaurants au fur et à mesure, pour avoir le temps de s’adapter », détaille Adeline, précisant que ses autres partenaires sont prêts à jouer le jeu et que la liste va continuer à s’allonger au fil du temps. « Il y a un gros potentiel avec la livraison zéro déchet et pour le moment, nous sommes les seuls à le proposer en France », ajoute-t-elle. Seule limite pour le moment : les pizzas, qui ne rentrent pas dans les lunchbox Loopeat…

Continuer à se développer 

Actuellement, la start-up Loopeat propose aux restaurateurs d’adhérer à leur réseau annuellement pour 60 € et de leur verser l’équivalent du prix des contenants jetables à chaque remplissage (0,30 € par client). « À terme, nous souhaitons demander un abonnement fixe mensuel, mais pour le moment, le but est de nous aider à nous développer », précise Adeline. Depuis le lancement en 2018, une trentaine de restaurateurs montpelliérains accepte de servir sur place leurs plats à emporter dans ces contenants. Du côté des coursiers, que la livraison soit zéro déchet ou non, les frais sont les mêmes, soit 3 € pour le client. Un pourcentage de la vente reste à la charge du restaurateur. À ceci s’ajoute un pourcentage à la charge du restaurateur. « Nous proposons des prix équivalents aux géants du secteur, nous ne voulons pas nous différencier par rapport à nos tarifs, mais par rapport à la qualité de notre service », détaille Henri-Pierre Alis, associé des coursiers.

Enfin, forts de leur développement, Les coursiers Montpelliérains et Loopeat ont leur propre quartier général depuis le mois de mars : un local de 90 m2 situé Place du Marché aux Fleurs.  « C’est un espace de stockage pour nos vélos, de détente pour les coursiers, c’est aussi notre bureau et cela nous permet d’être visibles dans la ville », présente Vincent. Dans ce lieu, les deux équipes souhaitent aussi mettre en place une zone de lavage et se séchage professionnelle pour assurer le nettoyage des boîtes réutilisables à grande échelle. Pour que le zéro déchet ne soit pas confidentiel.

Et ailleurs ? 

D’autres initiatives de consigne pour les plats à emporter existent dans d’autres villes françaises, comme En boîte le plat à Toulouse et BoxEaty à Bordeaux. En Suisse, le système de consigne est national : l’entreprise reCIRCLE est présente sur tout le territoire, avec plus de 1000 restaurants partenaires, pour la vente plats à emporter zéro déchet. Le concept a d’ailleurs été exporté en Belgique, où Recircle Belgium by Loopyourbox est présente, notamment à Bruxelles.

 Tout comme Les coursiers montpelliérains, d’autres coopératives ou associations ont aussi vu le jour proposant de la livraison à vélo plus éthique, comme Les coursiers nantais et S!cklo à Grenoble. CoopCycle, la fédération de coopératives de livraison à vélo, regroupent une quarantaine de membres à travers la France et le monde. Parmi elles : Kolyma2 à Berlin (Allemagne), Zentrale à Warsaw (Pologne) ou encore La roue libre à Montréal (Québec, Canada). Pour le moment, aucune autre ne propose la livraison zéro déchet.

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