[THEMA] Trame bleue : et au milieu coule une rivière

Publié le mer 03/08/2022 - 12:00

par Quentin Zinzius

Pour que la biodiversité puisse revenir en ville, elle doit être en capacité de circuler librement. Une réalité qui a fait naître à l’échelle européenne et nationale plusieurs politiques publiques, afin de protéger et restaurer les continuités écologiques. En France, pour les milieux aquatiques, cette politique porte un nom : la trame bleue. Explications.

Des ponts, des seuils, des barrages et des écluses. En France, ces ouvrages seraient au nombre de 85 000, sur les 430 000 km de cours d’eau que compte le pays – soit un tous les 5 km. Des infrastructures qui constituent autant d’obstacles à franchir pour la biodiversité, fragmentant les habitats naturels, isolant des populations. Alors pour répondre à cette problématique, a été créée en 2009 une politique publique de protection et de restauration des continuités écologiques : les trames bleues. « Beaucoup d’espèces de poissons remontent les rivières pour se reproduire, comme les saumons ou les anguilles, détaille Fabien Paquier, chargé de mission « Trame verte et bleue » à l’Office français de la biodiversité (OFB). Mais de manière très générale, toutes les espèces, animales comme végétales, ont besoin de circuler librement pour pouvoir se pérenniser ». Une libre circulation quelque peu empêchée par les aménagements humains, et tout particulièrement en ville, où l’urbanisation est la plus importante. « À cause de ces obstacles, de nombreuses populations de poissons se sont effondrées », constate amèrement l’expert.

Protéger et restaurer

« Pour protéger la biodiversité, on ne pouvait pas se contenter de protéger quelques espaces naturels isolés. Il fallait protéger tous les milieux ! », explique l’expert. La trame bleue englobe donc la totalité des cours d’eau nationaux, et comprend trois grands principes : protéger les continuités écologiques existantes, adapter les nouveaux aménagements, et restaurer les continuités endommagées. Aménagements de crapauducs ou de passe-à-poissons, destruction d’ouvrages inutiles ou encore retour du cours d’eau dans son lit originel… autant de mesures qui se déploient peu à peu sur les cours d’eau, pour faciliter les déplacements de la biodiversité. « À La-Roche-sur-Yon par exemple, témoigne Fabien Paquier, une dizaine d’ouvrages ont été supprimés, et de nombreux milieux ont été restaurés autour du cours d’eau au sein même de la ville ». Résultat, plusieurs indices semblent désormais confirmer le retour d’une espèce emblématique en plein centre-ville : la loutre. « C’est un exemple modeste et ponctuel, nuance l’expert, mais cela démontre que les mesures sont efficaces ».

Barrage stratégique

Des mesures efficaces pour la biodiversité, mais aussi pour l’Homme, et tout particulièrement en ville. « Préserver une zone humide coûte 5 à 8 fois moins cher qu’une solution technique qui rendrait les mêmes services », argumente Fabien Paquier. Les zones humides en bordure de cours d’eau par exemple, en plus d’être propices aux amphibiens et à la reproduction de certains oiseaux et poissons, forment d’importantes zones tampons lors de crues, et limitent les inondations. « La politique des trames bleues est une des rares, à l’échelle de la collectivité, à permettre cette ambivalence : agir sur la fonctionnalité globale d’un milieu au service de la biodiversité, mais aussi des habitants ».

+ D’INFOS

Garantissez l'indépendance rédactionnelle et financière de Sans transition !