LES HERMELLES : DES PETITS VERS MARINS AUX SUPERPOUVOIRS ÉCOLOGIQUES

Publié le lun 10/07/2017 - 10:23

Vous avez peut-être déjà remarqué, lors de vos promenades sur le bord de mer, ces récifs constitués d’une multitude de tubes minuscules agglomérés sur la roche. L’architecte de ces dentelles originales n’est autre qu’un petit ver appelé hermelle – sabellaria alveolata, de son nom latin. Cette espèce est une véritable « ingénieure de l’écosystème » aux pouvoirs étonnants, comme celui de la protection des littoraux. Un sujet abordé dans le dernier numéro de Sans Transition !.

REEHAB. Tel est le nom du projet européen dédié à l'hermelle, ver de mer d’environ 3 centimètres de long. Piloté conjointement par des chercheurs en France, au Pays de Galles et au Portugal, et financé par l'Ifremer, le CNRS, la région Bretagne et la fondation Total, il vise à inventorier les lieux où est présente l’hermelle sur les côtes européennes, de manière pérenne ou éphémère. Pour cela, les chercheurs s’aident de la littérature scientifique, mais ils font aussi appel à la contribution du public. Tout(e) amateur(trice) de pêche à pied ou de promenades côtières peut ainsi prendre les récifs d’hermelle en photo et indiquer leur position sur le site internet du projet. « Nous avons eu un retour assez fort de la part du public », précise Stanislas Dubois, spécialiste français des hermelles et coordinateur du projet. « Cela nous permet non seulement de mieux connaître la présence des hermelles sur le territoire, mais aussi d’établir une grille de progression des récifs. » En effet, les récifs construits par les hermelles à partir de sable peuvent passer, en quelques années, de petites formes encroutantes à des barrières longues de plus d’un kilomètre et épaisses de 15 centimètres.

Les récifs d'hermelles peuvent atteindre des dimensions surprenantes, comme ici, sur la côte du Cotentin (50).
Crédits photo : Stanislas Dubois

Un ver doté de superpouvoirs

Mais pourquoi tant d’émoi pour un si petit ver ? Sans doute parce que les impacts de la sabellaria alveolata sur son milieu sortent de l’ordinaire. Par son activité quotidienne, cette espèce permet à la fois de stimuler le développement de la biodiversité locale et de protéger les côtes de l’érosion.

Selon Stanislas Dubois, l’hermelle est une espèce dite « ingénieure de l’écosystème », c’est-à-dire qu’elle modifie, par sa présence, la ressource – au sens large – des autres espèces. « En construisant ses petits tubes, l’hermelle transforme le sable en une structure solide qui joue le rôle de cachette pour plein d’autres espèces. Nous avons mesuré qu’il existait à peu près dix fois plus d’espèces dans un mètre carré de récif que dans le sable juste à côté ».

Une hermelle, sabellaria alveolata, de son nom latin.
Crédits photo : Arnaud Guerin, Lithosphère

L’hermelle s’inscrit également dans la chaîne alimentaire, car certains poissons et crabes s’en nourrissent, et parce que, par son activité d’alimentation et par ce qu’elle rejette, elle favorise la prolifération de micro-algues, qui sont une source de nourriture pour beaucoup d’espèces en milieu marin.

Mais là ne sont pas les seules propriétés des hermelles. En effet, sur le rivage, les vagues se brisent sur leurs récifs, ce qui limite l’érosion de la côte. Stanislas Dubois explique que « derrière les récifs, on observe que les dunes sont en parfaite santé. »

Protéger le littoral grâce à des récifs vivants

D’où l’intérêt de répertorier la présence des hermelles sur les côtes, de comprendre comment leurs récifs évoluent, et d’encourager leur protection. Car Stanislas Dubois envisage une suite au projet REEHAB. « Nous nous sommes dits qu’un récif vivant et qui s’autogérerait serait une solution de protection des côtes. » Alors, protéger les littoraux grâce aux hermelles : possible ou pas ? « Il y a eu des efforts faits dans ce sens en Angleterre », explique le chercheur. Une protection naturelle contre l’érosion plutôt que la construction de digues de béton, telle était l’idée du projet, qui n’a toutefois pas abouti. « En laboratoire, nous réussissons à obtenir des larves et des petits récifs. Mais la transplantation dans l’environnement naturel ne fonctionne pas pour l’instant. Il y a des facteurs que nous ne maîtrisons pas encore. » Même pour ce ver aux superpouvoirs écologiques, il reste encore du chemin à parcourir avant de protéger durablement notre littoral.

Plus d'info :
Le site internet du projet : http://www.honeycombworms.org/
Ifremer : https://wwz.ifremer.fr/
Le CNRS : http://www.cnrs.fr/
La région Bretagne : http://www.bretagne.bzh/
Le pôle Océans et Biodiversité de la fondation Total : http://fondation.total/fr/missions/oceans-biodiversite

 

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