[ALIMENTATION] Moins de viande à la cantine des petits Clermontois

Publié le lun 07/06/2021 - 11:30

© Sonia Reyne

Par Sonia Reyne

Depuis début janvier, la Ville de Clermont-Ferrand propose deux repas végétariens par semaine dans les écoles primaires. Une volonté d'aller au-delà des obligations légales d’un repas végétarien hebdomadaire. À la table des cantines clermontoises, l’appétit des minots démontre que le changement est possible économiquement et culturellement, même dans une région d’élevage.

En 2018, deux repas végétariens étaient servis chaque mois dans les écoles clermontoises. Désormais et depuis janvier, c’est deux par semaine. « Si la Ville a fait le choix d’aller au-delà de ses obligations légales - qui n’imposent qu’un seul repas végétarien hebdomadaire - c’est parce que la diminution de la consommation de viande et de poisson possède de nombreuses vertus. Elle est en effet bénéfique pour l’environnement » explique Cécile Audet, adjointe petite enfance, enfance, jeunesse et éducation dans l’équipe municipale clermontoise. « Elle permet une diminution de la consommation d'eau, des émissions de gaz à effet de serre ou de la déforestation liés à l’élevage. La Ville participe ainsi à la lutte contre le réchauffement climatique. Il s’agit aussi de proposer moins de viande mais de meilleure qualité le reste de la semaine. Le but n’est donc pas de faire des économies. » C’est même le contraire, puisque chaque année, 100 000 euros supplémentaires sont alloués au budget consacré à la restauration scolaire. Le tarif payé par les familles, lui, ne change pas. Le repas est facturé aux familles entre 0,5 et 6,10 euros.
« C’est aussi excellent  pour la santé des enfants » complète Nicolas Bonnet, maire adjoint en charge de la Nature en ville, mobilités actives et qualité de l’air, Agriculture, alimentation et restauration. « Selon un rapport de l'Anses (l'agence de sécurité de l'alimentation), les enfants entre 3 et 11 ans mangent deux fois plus de protéines que nécessaire. Cette mesure permet de prévenir des maladies comme le diabète, l'obésité, l'hypertension, les problèmes cardiaques et même certains cancers. »

Les familles sont très réceptives. Les 5 dernières années, 1000 repas supplémentaires sont servis chaque jour et une seule famille s'est inquiétée de ce deuxième menu végétarien. Un plébiscite confirmé par Olivier Devise, responsable de la FCPE (association de parents d'élèves) locale. « Il y a deux ans, à la suite des États généraux de l'alimentation dans le milieu scolaire, nous avions milité pour une réduction de la viande dans les menus des enfants, en particulier des plus jeunes. Les parents d’élèves avaient réfléchi avec le groupe local de Greenpeace, le CPIE, Terrana... »

Les menus végétariens concoctés par la Ville ouvrent les enfants à une autre alimentation, éveillent leurs papilles à de nouvelles saveurs. « Chaque mois, deux repas thématiques font découvrir de nouveaux plats » précise Pascal Charbonnel, chef du service restauration de Clermont-Ferrand. À table le succès est tangible, les maternelles s’appliquent à manger seuls. Les primaires s’exclament « Super ! Des smoothies ! » Les conversations entre enfants vont bon train.

L’écologique soutien l’économique

« Les repas végétariens respectent l’apport protéiné des enfants » souligne encore Pascal Charbonnel. « Ils sont élaborés par une diététicienne et les agents des Unités de Production Culinaire (UPC) ont été formés à de nouvelles techniques de préparation de la cuisine végétale. » Ces repas vertueux peuvent être composés d’une association de céréales et de légumineuses (haricot rouge, lentilles vertes, corail…), d’une association de féculents et de légumes, de produits à base d’œuf ou de fromage, mais également de produits à base de soja associés à des féculents. Au menu de midi ce jour-là : chili sin carne, saint-nectaire et kiwi ou smoothie… le mardi précédent, paella végétarienne, cantal et pomme ont précédé le menu du jeudi : quiche aux légumes et fromage, bûche du Pilat et poire. À l'issue du repas, la plupart des assiettes sont vides. Certains enfants ont demandé du rab’ et la file d’attente pour le tri des déchets ne bouchonne pas.

Près de 6500 repas sont confectionnés quotidiennement dans les trois unités de préparation culinaires de la ville et livrés en liaison chaude dans les 33 restaurants scolaires. Une soixantaine d’agents sont à pied d’œuvre chaque matin, entre 5h45 et 13h45.
« Les menus végétariens par semaine s’inscrivent dans un projet municipal d’exemplarité en matière de restauration scolaire, avec la volonté de proposer des repas « maison » et de qualité » détaille Nicolas Bonnet. « Désormais, les enfants consomment 48 % d’alimentation durable, en circuits courts, locaux, produits labellisés, de saison…, contre 26,7 % en 2015. La part de produits issus de l’agriculture biologique ne cesse d’augmenter au fil des années. Les menus comportent une composante bio par menu 2 jours par semaine et deux composantes bio par menu 3 jours par semaine dont le mercredi. »
Nathalie Carthonnet, directrice d’Auvergne Bio Distribution, coopérative de producteurs et des transformateurs de la région apprécie « la volonté de passer à deux repas végétariens par semaine. Cela permet de dégager de l’argent pour réorienter leurs achats sur des filières locales et de qualité. Dans une cantine, la part viande représente 50 % du coût du menu. »

Des fournisseurs bien dans leur assiette

La majorité des fournisseurs sont à proximité géographique, du Puy-de-Dôme ou des départements limitrophes. « Grâce à l’allotissement (1), nous réussissons à acheter le plus proche possible » précise Pascal Charbonnel. La volaille vient de chez Arrivé Auvergne, dans l’Allier. Le steak haché bio vient d’Auvergne-Rhône-Alpes… Désormais, les œufs sont toujours bio, les herbes sont fraîches, les fromages AOP, les viandes label et la pêche durable, les pommes viennent du Limousin…
« C’est positif pour les éleveurs locaux, comme pour le territoire. Avant 2015, la viande venait parfois de Pologne, et personne ne s'interrogeait à ce sujet, pas plus les éleveurs de la région que d’autres » remarque Nicolas Bonnet. « La difficulté lorsqu’une collectivité se met aux repas végétariens, c’est d’éviter d’augmenter la part de produits industrialisés. Remplacer une viande achetée localement par des produits végétariens venus de loin et/ou très transformés serait contraire à l’effet recherché » confirme Nathalie Carthonnet. « C’est important que les filières locales aient le temps de s’adapter aux nouvelles attentes, en légumineuses par exemple. »

Conformément à la loi Egalim, les efforts de la municipalité se portent en parallèle sur le problème du gaspillage. Un demi-fruit, jugé suffisant, est ainsi proposé aux maternelles afin de limiter les risques. « Certaines recettes ont été modifiées afin de se conformer aux goûts des enfants. Lorsque nous proposions des asperges, elles n’avaient aucun succès. Proposées en flan, les enfants les mangent, et nous évitons ainsi qu’elles partent à la poubelle » témoigne Cécile Audet. Pour réduire les emballages, la collectivité a investi dans des plats qui sont lavés et réutilisés. 30 restaurants sur 33 trient les biodéchets, pour un volume annuel de 47 tonnes de déchets valorisés dans les UPC (Unité de préparation culinaire ) et 98 tonnes dans les restaurants. « Ils sont valorisés en méthaniseur » précise Nicolas Bonnet. En 2018, le service de production des repas a travaillé sur le gaspillage du pain. Prendre en considération les différences de consommation en fonction des menus, de la variation des effectifs et des habitudes des enfants, a permis une diminution de 15 % de déchets de pain au quotidien. Des progrès qui confortent la municipalité dans le bien-fondé de sa démarche.

(1) Un allotissement fin, notamment par type de denrée et par territoire, permet de susciter la concurrence et de faciliter l'accès à la commande publique des producteurs locaux et de leurs groupements. 
 

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