[REDIFF-THEMA] Nos assiettes, dépendantes de « l’eau à manger » ?

Publié le mar 26/12/2023 - 11:00

Par Anna Sardin

L’eau nécessaire à produire notre alimentation et nos biens de consommation voyage à travers le monde, occasionnant tarissement de la ressource et dépendance aux flux. Pour une meilleure résilience de notre système alimentaire, il est essentiel de consommer localement ce que l’eau permet de produire.

Plus de 13 000 litres pour produire un kilogramme de viande de bœuf, 215 litres en moyenne pour un kilo de tomates, 110 litres pour un verre de vin… Derrière nos produits alimentaires quotidiens se cachent des milliers de litres d’eau nécessaires pour les cultiver, les récolter et les transformer. Avec l’échange de ces denrées via les flux mondiaux d’importation et d’exportation, c’est toute l’« eau virtuelle » nécessaire à leur production qui emprunte les mêmes chemins. Ainsi, chaque année, l’équivalent de six fois le lac Léman parcourt le monde, créant une situation de dépendance généralisée à l’eau d’ailleurs.

Alors que l’agriculture utilise 70 à 80 % de l’eau douce prélevée dans le monde, « tous les flux d’eau virtuelle ne vont pas dans le bon sens », estime Esther Delbourg, économiste de l’environnement spécialisée sur les questions de ressources en eau. « En important et en exportant de l’eau virtuelle, certains pays se retrouvent en déséquilibre. Si quelques-uns ont beaucoup d’eau et en exportent très peu, ces échanges peuvent provoquer pour d’autres des problèmes de sécheresse locale, voire d’épuisement de la ressource. » C’est le cas dans la région d’Alméria, au Sud de l’Espagne, où la production intensive de tomates sous serres a entraîné une surexploitation des sols et des ressources en eau de cette zone déjà aride.

La France, dont la population consomme en moyenne 4 000 litres d’eau virtuelle par jour, importe et exporte des biens très intensifs en eau. « La dépendance en eau de notre pays se joue dans sa dépendance en « eau à manger », importée par exemple via le quinoa du Mexique ou les avocats du Pérou, alors que ces cultures ont asséché ces régions du monde », constate Esther Delbourg.

La chercheuse, qui propose que l’on se penche sur l’« empreinte eau » tout autant que sur l’empreinte carbone de notre alimentation, met en avant plusieurs solutions pour des assiettes plus résilientes. « Il faut bien évidemment consommer le plus localement possible, des fruits et des légumes de saison puisqu’ils ont moins besoin d’être arrosés. », explique-t-elle. Au-delà des comportements individuels, les écohydrologues portent plusieurs propositions pour des changements structurels, comme celle de donner un prix à l’eau utilisée par l’industrie et l’agriculture, dans l’espoir d’inciter ces dernières à des économies.

Pour calculer « l’empreinte eau » de votre assiette : empreinteh2O.com

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