[THEMA] Les zoos peuvent-ils devenir exemplaires ?

Publié le lun 17/04/2023 - 12:00

Par Jérémy Pain

Encore épargnés par les critiques les plus vives des associations animalistes, contrairement aux cirques ou à la chasse, les plus de 300 parcs zoologiques en France peuvent-ils devenir un modèle de respect du bien-être animal ? Leurs pratiques ne sont pas toujours transparentes mais les conditions de vie des pensionnaires se sont améliorées avec le temps.

Dans les allées du parc zoologique de Saint-Martin-la-Plaine (Loire), à mi-chemin entre Lyon et Saint-Etienne, Pierre Thivillon, son fondateur, scrute les pensionnaires d’un œil inquiet. Dans leur grand enclos, une prairie parsemée d’arbres, les magots sont recroquevillés sur eux-mêmes. En cette fin d’hiver, les températures sont encore fraîches. “Ça me fait mal au cœur de voir les animaux avec ce froid.” Ce parc, il l’a créé de ses mains il y a plus de cinquante ans, guidé uniquement par sa passion. L’espace de douze hectares est occupé aujourd’hui par plus de 1 000 animaux de 110 espèces différentes, des primates, des hyènes, des panthères des neiges, des loups, des pandas roux, et leur bien-être est la priorité de Pierre Thivillon. « Sont-ils heureux? Je l’espère. Je n'en ai pas la certitude, mais on fait tout pour. »

Plus personne n’achète ni ne vend d’animaux”

Depuis l’Antiquité, l’être humain a toujours collecté la faune sauvage, le plus souvent pour se divertir avec les jeux de cirque. Au fil du temps, les ménageries des monarques se sont transformées en parcs zoologiques. Questions peu présentes jusqu’alors, les conditions d’accueil des animaux deviennent un élément central. Les cages disparaissent au profit des enclos. Dans les années 1970, les actions de prélèvement des animaux directement dans leur milieu naturel sont peu à peu interdites. Signée en 1973, la charte de Washington entérine les principes de conservation de la biodiversité.

Un an auparavant, Pierre Thivillon créait l’espace zoologique de Saint-Martin-la-Plaine et il se rappelle de cette époque où les animaux s’achetaient encore comme n’importe quelle autre marchandise. « Avant, dans le Sud, il y avait un vendeur d’animaux sauvages. Il faisait des bénéfices sur leur dos, ça me déplaisait vraiment. Désormais, on parle de prêt d’élevage entre les zoos, plus personne n'achète ni ne vend.”

D’autres structures font également du bien-être animal leur priorité, quitte à s’affranchir des pratiques commerciales qui poussent à exhiber coûte que coûte leurs pensionnaires aux visiteurs. C’est notamment le cas du Refuge de l’Arche, créé à Château-Gontier (Mayenne) en 1974, qui accueille essentiellement des animaux maltraités ou saisis par les autorités. “Des victimes de la folie humaine” pour Jean-Marie Mulon, le directeur actuel du parc. “Chez nous, ça fait partie du deal. Si l’animal n’a pas envie de se montrer à cause de la météo ou du bruit, il peut se rendre invisible au public. On ne montre pas des perroquets qui font du vélo parce que c'est contraire à leur existence. Notre démarche est pédagogique, on ne vient pas dans notre refuge comme dans un zoo,” milite le directeur.

Un côté business qui dérange

Aujourd’hui, la plupart des parcs zoologiques, plus de 300 en France, revendiquent une mission de préservation de la faune sauvage, de conservation des espèces menacées et de sensibilisation du public aux enjeux de biodiversité. Leur activité suscite moins de débats dans la société que d’autres, comme les cirques ou les delphinariums, mais cela n’empêche pas les interrogations sur un modèle qui tire toujours des bénéfices de l’animal. “De plus en plus de personnes, surtout les jeunes, sont mal à l'aise avec l'emprisonnement des animaux”, souligne Alexandra Morette, présidente de Code Animal, une des rares associations à critiquer vivement les zoos.

Si certains ont des pratiques qui vont dans le bon sens, pour d’autres il y a encore du chemin à faire. L’association pointe notamment le manque de transparence des structures et leur dimension encore trop marchande. “Ce sont toujours les mêmes espèces dans les zoos. Des espèces charismatiques comme les tigres ou les éléphants. On se sert de leur image pour faire payer des entrées. Les bénéfices ne servent pas à l’animal mais plutôt à faire prospérer l'entreprise, à construire des hôtels ou des lodges.”

Outre le côté business, c’est le faible pourcentage d’espèces menacées qui est pointé du doigt. “Sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), reptiles et amphibiens sont les plus menacés, alors que leur part de représentation dans les zoos français reste minoritaire”, ajoute Alexandra Morette.

Mise en place d’une partie refuge

Par ailleurs, plusieurs associations et ONG militent pour la défense des animaux directement dans leur environnement naturel, sur d’autres continents, au détriment des zoos. Un argument balayé par Pierre Thivillon. “Que l'on soit critiquable, ça ne fait aucun doute. La captivité dérange beaucoup certains, mais que font-ils ? On est en train de massacrer la forêt en Afrique. Donnez-moi un endroit où protéger ces animaux alors qu’il y a toujours plus d’humains sur Terre”, s'émeut celui qui a toujours vécu avec des gorilles jusqu’à partager sa maison avec DIgit, une femelle recueillie dès sa naissance.

Quelques structures se sont dotées ces dernières années d’une partie refuge pour pouvoir recueillir des animaux maltraités ou issus de trafics. “II y a des gens bien, d’autres non”, tranche Patrick Violas, fondateur du zoo-refuge de la Tanière à Nogent-le-Phaye (Eure-et-Loir). Lui aussi a fait le choix de n’accueillir que des animaux en détresse, la plupart du temps saisis. Des animaux qui nécessitent davantage d’attention. “Un soigneur consacre trois fois plus de temps pour un animal chez nous que dans un parc normal,” affirme le fondateur, conscient que les zoos doivent encore évoluer avec les exigences de l’époque sur le respect des animaux. Car s’il n’y pas de changement de pratiques, alerte-il, “après les cirques, on s'attaquera aux zoos.”

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