[THEMA] Animaux. Quel beau spectacle !

Publié le ven 14/04/2023 - 12:00

Par Magali Chouvion

Les animaux dits de divertissement sont présents dans toutes les sociétés humaines. Cirques, delphinariums, zoos, mais aussi corridas ou combats de coq, ils instillent la culture française depuis l’Antiquité, pour le plus grand plaisir du public. Au grand dam de leur santé physique et mentale. Face à la pression croissante d’une majorité de la population, le Droit évolue vers plus de protection.

« Venez découvrir nos singes acrobates, nos fauves sauvages et nos perroquets parlants ! ». Cette phrase, on la connaît tous et toutes depuis notre plus tendre enfance. Et elle va disparaître. Enfin. Le Parlement a définitivement adopté, fin novembre 2022, la proposition de loi du 30 novembre 2021 « visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes ». Ce texte contient un panel de mesures concernant aussi bien les animaux sauvages que les animaux de compagnie.

Les 120 cirques de France ne pourront donc plus présenter ou détenir des animaux sauvages d’ici 2028, ce qui leur laisse du temps pour mettre en place des solutions adaptées.

Évidement ça grogne du côté des cirques. Cette loi aurait été promulguée « sans aucune étude éthologique et sanitaire préalable, sans considération de la réglementation stricte à laquelle nous sommes soumis, sans prise en compte des besoins de nos animaux qui risquent de nous être arrachés alors que leur avenir n'est pas organisé », s’insurge William Kerwich, le président du Syndicat français des capacitaires animaux de cirque et de spectacle. D’ailleurs, « nos animaux d’espèces non domestiques ne sont pas des animaux sauvages ! », précise Agir Espèces, association de défense des propriétaires de faune sauvage. Autrement dit : ils ont besoin de leurs propriétaires pour vivre.

Le stress du transport considéré

Cependant, ce n’est pas cet argument du « domestique » ou du « sauvage » qui a été retenu dans la loi, mais « l’itinérance que le cirque impose aux animaux ; avec jusqu’à 40 lieux de représentation différents chaque année », explique Nikita Bachelard, chargée de relations publiques à la Fondation pour le droit des animaux. D’ailleurs, l’interdiction des animaux sauvages dans les cirques ne s’applique pas pour les établissements de spectacles fixes. Ces derniers devront répondre aux règles générales de fonctionnement des zoos.

Mais si les conditions de transport des animaux sont très stressantes, « ce n’est pourtant pas le seul problème des cirques. On demandait aussi la prise en compte du dressage. Mais il n’a pas été retenu », précise-t-elle. « Sur la piste, les animaux sont agressés de toutes parts. Lumière, musique, applaudissements et cris sont source d’un grand stress. Mais ils doivent passer outre et exécuter, sous la menace du dresseur, des numéros souvent contre-nature, douloureux ou effrayants. », décrit One Voice, une association internationale de défense de la cause animale. Plus d’une centaine de villes ont entendu ces arguments et interdit, d’ores et déjà, leur territoire aux cirques avec animaux sauvages.

Bye bye Flipper

Le dressage est loin de ne concerner que les cirques. Il est aussi remis en question, depuis des années, pour les animaux des delphinariums. Conclusion de la loi de Protection animale : la détention et la reproduction de cétacés y seront progressivement interdites. À partir de 2026, les spectacles d’orques et de dauphins n’auront plus lieu. Les cétacés seront donc bientôt libérés de leurs trop petits bassins qui « les font nager en rond et provoquent la chute de leur nageoire caudale », illustre Nikita Bachelard. Mais les phoques et les otaries peuvent continuer de jouer à la baballe devant le public de Planète Sauvage ou Marineland. Ces espèces ne sont pas concernées par la loi. Ni celles présentes dans les zoos, qui répondent à une législation propre (lire p.47).

Mais maintenant, qu’ils s’agissent des cirques ou des delphinariums, tous se trouvent devant un nouveau défi : que faire de leurs animaux sauvages prochainement interdits ? Les relâcher dans la nature ? Impossible. Ces animaux ont toujours vécu en captivité. Les professionnels disposent donc d’un délai de trois ans pour trouver aux 21 dauphins et quatre orques de France une solution d’accueil. Et que dire des 800 animaux sauvages de cirques, parmi lesquels 450 fauves selon le fichier national d’identification des animaux d’espèces sauvages détenus en captivité. « Dans les refuges, les animaux trouveront un foyer adapté aux besoins de leur espèce et ils pourront passer le reste de leur vie dans un environnement calme », espère l’association Quatre pattes, bien que le nombre de refuges en France soit pour le moment très largement insuffisant (lire p.96 sur les refuges pour animaux sauvages).

Olé !

Si cette loi a le mérite de faire bouger les lignes, certain·es député·es et associations de défense de la cause animale ont largement exprimé leur déception sur le manque d’ambition du texte qui n’aborde pas la corrida et les combats de coq. Ces deux pratiques sont interdites en France selon le code pénal (art. 521-1) qui punit les sévices graves et les actes de cruauté envers l’animal, sauf dans quelques départements où elles sont considérées comme des traditions. « Elles bénéficient d’une exception pénale que toutes les associations de protection de la cause animale contestent, s’insurge Nikita Bachelard. Cette dérogation elle-même prouve que la nature cruelle de ces spectacles est juridiquement reconnue mais tolérée. » Notons que c’est ce même argument de la tradition qui est repris par le Syndicat français des capacitaires animaux de cirque et de spectacle, et celui de la chasse, pour justifier de la poursuite de leurs activités. Le monde d’avant et le monde d’après ?

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