[REDIF-THEMA] Donner un droit aux animaux

Publié le lun 25/12/2023 - 11:00

Par Magali Chouvion

Depuis l’avènement de la civilisation, les humains se servent du droit et de la justice pour régir leurs relations. Alors que les droits de l’homme ont été consacrés par différents traités et conventions, qu’en est-il des droits de l’animal ? Ont-ils un statut de personnes (non humaines) ou ne sont-ils que des objets (des meubles) ? Et tous les animaux sont-ils logés à la même enseigne ?

« Des meubles », voici comment étaient classés les animaux lors de l’édiction du Code civil en 1804. Or qui dit meuble dit que l’on peut tout leur faire : les vendre, les abandonner, voire les torturer et les tuer puisque les meubles pouvaient alors être vivants. Il aura fallu attendre 1850 pour que naisse la première loi de protection animale. « La loi Grammont interdit la maltraitance des animaux en public », décrit Nikita Bachelard, chargée d’affaires publiques pour la Fondation Droit, animal, éthique et sciences (LFDA). 109 ans plus tard, en 1959, advient le décret Michelet qui interdit « les mauvais traitements envers un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité ». La loi de 1963 reconnaît ensuite le délit d’acte de cruauté envers les animaux dans le Code pénal, différenciant les animaux (domestiques, apprivoisés ou tenus en captivité uniquement) des objets (ce qui n’est pas le cas dans le Code civil). Et il faudra attendre la loi du 10 juillet 1976 pour que le Code rural interdise « d’exercer des mauvais traitements envers les animaux domestiques ainsi qu’envers les animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité ». L’article 9 de cette loi, devenu L. 214-1, reconnaît en l’animal « un être sensible qui doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce. »

Ni bien, ni personne

« Cette reconnaissance de la sensibilité animale est extrêmement importante, explique Nikita Bachelard. Cependant, comme elle peut potentiellement s’appliquer à tous les animaux, elle pose une question scientifique majeure : tous les animaux sont-ils sensibles ? » Car, selon la LFDA, si la sensibilité des vertébrés, céphalopodes ou crustacés n’est plus à démontrer, la question reste ouverte pour les insectes et les mollusques.

Plus récemment, d’autres textes sont venus compléter la protection des animaux domestiques : le nouveau Code pénal du 1er mars 1994 comprend un texte sur les actes de cruauté. En 2016, le Code civil s’homogénéise avec le Code rural avec l’article 515-14 affirmant que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité », précisant toutefois que « sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens ». Il reste donc une ambiguïté. « Même si la sensibilité animale est reconnue, leur régime juridique étant assimilé à celui des biens, les mêmes règles continuent de s’appliquer pour les animaux. Il ne s’agit que d’un changement symbolique », se désole Nikita Bachelard. Ainsi, actuellement, l’animal n’est en France ni un bien, ni une personne. Depuis, en 2019, un Code de l’animal a vu le jour. Puis, en novembre 2021, la loi « visant à lutter contre la maltraitante animale et à conforter le lien entre les animaux et les hommes ».

Vers une personnalité juridique de l’animal

Or, en janvier 2022, la Cour constitutionnelle équatorienne a publié un arrêt dans lequel elle reconnait des droits juridiques distincts aux animaux sauvages. Une première mondiale, dont la France demeure encore assez éloignée. Car, chez nous, « les animaux sauvages en liberté ne bénéficient d’aucune protection contre les actes de cruauté », s’insurge la LFDA.

Pour y remédier, « plusieurs juristes spécialisés proposent d’accorder une personnalité juridique aux animaux, au même titre que les humains et les entreprises. Ils deviendraient alors des personnes non humaines sujets de droits et ne seraient plus considérés comme des choses », argue Valérie Cabanes, co-fondatrice de l’association Notre affaire à tous. Attribuer la personnalité juridique à un animal permettrait de lui attribuer des droits qu’il pourrait faire valoir devant un tribunal (en étant représenté), comme c’est déjà le cas pour certaines entités naturelles. Et la juriste de conclure : « Il s’agit d’un choix qui révèle comment l’humanité se perçoit sur Terre. »

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