[MARAÎCHAGE] : Vannes, le bio et local à la table des tout-petits

Publié le mer 11/12/2019 - 10:06

Crédit photo : Stéphanie Biju 

Par Stéphanie Biju

La municipalité de Vannes a fait le choix de passer toutes les crèches municipales en bio et de les approvisionner avec des produits locaux, cultivés sur un site communal à proximité du centre-ville. Un choix bénéfique pour la santé des enfants mais aussi pour l'environnement.

Melon, courge, petit pois… Depuis cet été, les fruits et légumes bios servis dans les crèches municipales de Vannes sont cultivés à moins de 6 km du centre-ville, sans intermédiaire, sur un site communal en conversion. Un maraîcher a été recruté par la ville. Les cuisinières, elles, apprécient de transformer des produits ultra-frais et de jouer avec les goûts pour éveiller les papilles des bambins.

Au menu du jour : fondue de fenouil et oignons, gratin de butternut, salade pastèque-melon. Et… soupe à la grimace ? Au contraire, Cléo, Suzanne, Ruben, Timothée, Emile et les autres bambins de la crèche municipale de Richemont, à Vannes, n'en laissent pas une miette dans leur assiette. En redemandent, même ! En cuisine, charlotte sur la tête, Isabelle Marty, non plus, ne boude pas son plaisir. « C'est un pur régal d'imaginer des recettes adaptées aux tout-petits à partir de légumes frais, de saison et ultra-locaux. En termes de goût et de qualité nutritionnelle, c'est quand même autre chose ! »,  apprécie la cuisinière de la crèche vannetaise.

Les fruits et légumes transformés chaque jour par Isabelle poussent à quelque 6 km de là, sur des terres cultivées par Franck, le nouveau maraîcher municipal. Depuis cet été, les trois crèches municipales de Vannes (Richemont, Les Vénètes et Ménimur) sont en effet approvisionnées par la propre régie de production bio de la ville. La première en Bretagne à s'être lancée dans un tel projet et encore l'une des rares en France. Toulouse, ou les communes de Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes) et Gonfreville L'Orcher (Seine-Maritime), de moins de 10 000 habitants, ont montré la voie…

 340 repas quotidiens dans les trois crèches

À Vannes, l'initiative s'inscrit dans une politique déjà bien engagée dans le « bien-manger » à l'égard des plus jeunes. Depuis 30 ans, les repas servis dans les écoles sont élaborés par une diététicienne municipale et préparés par une cuisine centrale, elle aussi en régie, pour une maîtrise complète de la chaîne de restauration scolaire. Près de 60% de produits utilisés sont bios et labellisés et proviennent de fournisseurs locaux. Pour leurs 340 repas quotidiens, soit 170 déjeuners et 170 goûters, les crèches, elles, travaillaient déjà environ 30% de produits bio, plus particulièrement des pommes, des légumes secs et des conserves.

Avec cette régie maraîchère bio, l'objectif est « diversifier ce panel de produits et notamment d'augmenter la part de fruits et légumes frais dans la composition des repas des enfants », rappelle Bérengère Trénit, ingénieur environnement à la ville de Vannes. Certes, « il y a de très bons maraîchers bio tout autour de Vannes chez lesquels on aurait pu se fournir, mais les exigences de livraison, de traçabilité, d'analyses, les garanties de volumes étaient trop contraignantes pour eux », précise-t-elle. « On a donc décidé de faire du sur-mesure, en circuit ultra-court et sans aucun intermédiaire, en produisant nous-mêmes sur un terrain communal autrefois dédié à des plantes ornementales et situé à seulement 6 km du centre-ville ».

maraîchage bio Vannes

À la tête de son exploitation bio de 25 ha, pendant près de 20 ans, Franck, maraicher, est désormais agent municipal. Sur le site de Pérenno, il cultive 1 ha de terre, en conversion. © Stéphanie Biju

20 ans d'expérience dans le bio  

Le GAB 56, Groupement des agriculteurs bio du Morbihan, a été sollicité pour accompagner ce projet dans sa faisabilité technique. « L'atout de la ville de Vannes, et c'est l'une des conditions sine qua non, a été de disposer de terres certes en jachère depuis deux ans mais saines et toujours cultivables ; une partie des infrastructures et du matériel (serres, outils…) nécessaires étaient aussi déjà en place, ce qui a facilité le lancement de la production », note Maëla Pedenn, conseiller maraîchage au GAB 56, chargée d'analyser le potentiel agronomique de la parcelle et d'établir une surface et un planning de cultures qui permettent de répondre aux besoins hebdomadaires des crèches vannetaises. « L'autre enjeu, c'était de trouver la bonne personne pour s'occuper de ces terres, un maraîcher avec une vraie expérience dans le bio ! ».

Recruté en avril dernier, Franck a passé près de 20 ans à la tête de sa propre exploitation de 25 hectares à Plouhinec (Morbihan). C'est dire, s'il connaît son affaire…  Au lieu-dit Pérenno à Vannes, ce nouvel agent municipal cultive dans un premier temps 3 000 m² et travaille à la conversion de la parcelle. À l'horizon 2021, la certification bio devrait être délivrée, et un hectare sera dédié à une production légumière et fruitière bio à raison de 7 000 m² cultivés tandis que 3 000 m² resteront en friche pour permettre une rotation.

Dans le champ, en ce début d'automne, potirons, choux-fleurs, poireaux remplacent progressivement fraises, rhubarbes, courgettes ou haricots verts…  « Le calendrier de production est établi en concertation avec les crèches, en fonction des saisons et de leurs besoins », explique Franck, qui  a assuré ses premières livraisons début juillet. « On a démarré tard la production mais la météo a été favorable. Du froid jusque fin mai puis une alternance de pluie et de chaleur », fait remarquer l'agriculteur. De fait, la récolte estivale a été satisfaisante, dont une tonne de melons, près de 500kg de pastèques, autant de courges… Parfois même plus qu'il n'en fallait. « Le surplus est fourni à l'épicerie solidaire, pour limiter le gaspillage », précise le maraîcher bio de la ville.

 Voir et toucher les légumes, pour mieux les manger

Après un été abondant, le rendement devrait ralentir cet hiver. Franck en profitera pour installer un tunnel qui permettra d'étaler les récoltes. Dans les crèches, en cuisine, on avise selon les arrivages. « D'une semaine à l'autre, on ne sait pas forcément ce que Franck va nous livrer. Sur le menu, on indique "légumes du potager" et on précise aux parents qu'il peut y avoir du changement », sourit Isabelle Marty. Pour cette cuisinière, recevoir et transformer des légumes bruts représente certes un surplus de travail. Mais, « ce potager nous permet d'accéder à des variétés, telles que des tomates anciennes ou du butternut, un peu trop chères si on passe par un fournisseur. Et c'est très valorisant de réfléchir à la façon de les cuisiner dans le cadre de la diversification alimentaire des 0-3 ans », retient Isabelle.

À la crèche de Richemont, pour mieux donner le goût des légumes aux bambins, on leur montre ! « Au-delà des repas, des ateliers ludiques sont mis en place autour des formes et des textures, qui facilitent ensuite le temps de l'alimentation », observe Bérengère Picard, directrice. « Récemment, ils ont notamment découvert le fenouil, plus grand qu'eux pour certains. Cet été, ils ont aussi équeuté les haricots verts et écossé les petits pois… La première fois qu'on leur a servi des haricots verts, ils ont un peu boudé, mais au bout de trois fois, c'était validé ! ». Des découvertes qui pour Cléo, Suzanne, Ruben, Timothée, Emile sont autant d'histoires à raconter le soir venu, à la maison. Selon la directrice de la crèche, qui s'en amuse, « après ces ateliers, nous avons beaucoup de retours des parents dont certains nous avouent même que ça leur met un peu la pression à la maison ! ».

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