[Centrale de Gardanne] : riverains et associations rejettent le Pacte pour la transition

Publié le ven 04/12/2020 - 07:57

Photo : La centrale thermique de Gardanne, en pleine activité. Crédit : FNE

Par Elodie Crézé

Alors que l’État souhaite mettre un terme à la production d’électricité au charbon le 1er janvier 2022, un Pacte pour la transition doit être élaboré pour accompagner la transition écologique des territoires de Gardanne-Meyreuil. Au centre des discussions, l’avenir de la centrale thermique de Gardanne et des employés de la branche charbon. Mais le consensus entre les différents acteurs est loin d’être atteint.

C’est une enveloppe de 10 millions d’euros que l’État s’est engagé à mettre sur la table pour concrétiser le Pacte pour la transition. Celui-ci doit être signé avant la fin de l’année et doit sceller le sort, notamment, de la centrale thermique de Gardanne. Car le temps presse : le 1er janvier 2022, la production d’électricité au charbon sera définitivement interdite. État, collectivités, élus, acteurs associatifs, collectifs de citoyens, CGT, et le propriétaire du site, Gazel Energie, filiale du groupe EPH, se sont réunis en juillet, puis début octobre afin de finaliser le document dans lequel l’avenir des 180 salariés de la branche charbon de la centrale doit être décidé.

Mais le document d’une vingtaine de pages ne fait pas l’unanimité. En cause, en 1er lieu, justement, le sort des salariés concernés. Des mesures doivent être mises en place « pour accompagner les salariés vers de nouveaux emplois », telles des passerelles ou des formations vers d’autres secteurs de l’énergie, notamment dans un rayon de 60 kilomètres, ou des aides à la reconversion. Une enquête devrait également se porter sur les entreprises sous-traitantes « afin de définir les besoins de soutien de leur activité dans un objectif de maintenir au sein même de ces entreprises les emplois. » Mais la CGT se dit non convaincue par des propositions qui n’offrent selon elle, pas assez de garanties. Notamment dans un contexte où plane la menace d’un PSE, « qui prévoit le licenciement de près de 70 % des effectifs de l’entreprise d’ici avril 2022 », a indiqué l’intersyndicale de Gazel Energie (CGT, CFE-CGC, FO, CFDT) à nos confrères de La Marseillaise. De fait, Gazel Energie a fait part de son souhait de fermer de manière anticipée - sans communiquer de date - la branche charbon de la centrale. Or la CGT souhaite la conservation de l’ensemble des salariés de la branche charbon, à partir de ses propres propositions, non retenues dans le Pacte de la transition. Il s’agissait donc de poursuivre l’activité charbon, mais en procédant à une captation du CO2 et à sa transformation à des fins industrielles, ce qui a été perçu comme peu réalisable et peu écologique. Il était question d’ajouter une unité de valorisation des déchets énergétiques, autres que ceux de la biomasse, par ce qui a été compris comme un incinérateur, rejeté pour des raisons de pollution de l’air notamment.

Autre point de friction, selon la députée EELV Rosy Inaudi qui suit le dossier, « outre leur emploi, les salariés de la centrale veulent aussi conserver leurs statuts ». En effet, ceux-ci disposent du statut de branche des industries électriques et gazières (IEG)1, dont les conditions sociales sont particulièrement favorables.

 Bois du Brésil

Là où le bât blesse également, c’est en matière environnementale. En effet, l’avenir de la centrale mise sur le développement d’une filière bois, avec la mise en service de l’unité biomasse déjà existante, mais aussi la création d’une scierie de 50.000t/an de bois ; des unités de production de 100.000t/an de méthanol et d’hydrogène ; divers autres activités de traitement et recyclage de déchets, avec l’économie circulaire comme axe important.  « Ce projet pourrait être l’occasion de structurer la filière bois dans notre région, avec sa forêt qui n’est pas exploitée. Mais on ne tablait pas sur une centrale biomasse aussi importante, qui n’a d’ailleurs jamais réussi à fonctionner !2 Tant que la filière ne sera pas structurée, on va devoir importer du bois de l’étranger, du Brésil ou d’Espagne 3», déplore Rosy Inaudi.

« Ce qu’ils veulent ? Cramer encore plus de bois », enchérit Jean-Luc Debard , membre du collectif de citoyens opposés au projet. En effet, la centrale devrait brûler 850.000 tonnes de bois par an, « ainsi que 130.000 t/an de charbon, des colles et des plastiques. C’est un massacre pour les forêts, la biodiversité, l’eau, l’air que l’on respire. Cette centrale accentue le dérèglement climatique et les sècheresses, augmentant de ce fait les incendies de forêt. Cette centrale brûle 7 arbres inutilement sur 10 car elle n’a que 30% de rendement », renseigne un document rédigé par le collectif, qui a organisé une manifestation en septembre.

« Verdissement »

La FNE, qui s’est fendu d’un communiqué ne dit pas autre chose : « L’ensemble des unités prévues (scierie, unité de production de méthanol et d’hydrogène, centres de recyclage...) sont le reflet d’un « verdissement » servant uniquement la volonté de poursuivre le déploiement industriel massif de la centrale. » Et de poursuivre, « Dans le cadre d'une gestion durable et raisonnée de la forêt, nous ne sommes pas opposés au bois-énergie à petite échelle. Cette méga-centrale ne répond en rien à ces critères et l'énergie produite ne peut être qualifiée de « renouvelable ». Dans un courrier4 adressé début octobre à la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, l’association demande un moratoire sur le pacte de transition et l’organisation d’un débat public sur les autres options possibles – et souhaitables – pour le territoire de Gardanne Meyreuil. (Lire encadré : les contre-propositions) « Ce pacte ne va pas dans le sens des engagements pris lors de la Cop21, et va à l’envers de ce qu’on doit faire pour la protection des biens et des personnes. Certaines installations dans ce projet vont être classées Seveso, et elles sont à proximité immédiate d’une zone urbanisée qui subit déjà une forte pollution de l’air ! Nous réclamons depuis près de 2 ans une étude globale et concertée d’aménagement durable pour ce territoire à fort potentiel, sans résultat», fulmine encore Pierre Aplincourt, de France nature environnement Paca.

En attendant une éventuelle réponse de l’État, les collectivités semblent prêter un début d’attention à ces revendications. En témoigne Didier Réault, vice-président Budget, finances et environnement pour le département des Bouches-du-Rhône : « La région et le département ont souhaité prendre un temps supplémentaire dans l’élaboration de ce Pacte. Nous devons prendre en considération la parole des habitants, des riverains et des associations qui ont des choses à faire entendre, à proposer, même si tout ne pourra pas être pris en compte. L’État souhaite aller vite, mais il faut associer la société civile à ce pacte. » Ainsi, la signature a été reportée et une autre réunion devrait être programmée dans les semaines qui viennent.

Contactés, les maires de Gardanne, Meyreuil, et la CGT n’ont pas répondu à nos sollicitations. Mais dans un communiqué adressé aux administrés, le maire de Gardanne Hervé Granier assurait avoir obtenu que les associations de riverains soient présentes au Comité de Suivi et de concertation, « pour une transparence totale et une démarche de véritable concertation ». L’avenir proche nous dira si l’État et les collectivités entérineront un pacte aussi contesté et si le titre « pacte pour la transition » restera une coquille vide du sens qu’il entend porter.

 

Plus d’infos : www.fnepaca.fr

Note de bas de page

1. https://sgeieg.fr/la-branche-des-ieg/entreprises-et-salaries-de-la-branche-des-ieg

2. La centrale n’a jamais vraiment fonctionné depuis son démarrage en 2014 à cause de défaillances techniques qui n’ont jamais été résolues. À titre d’exemple, en 2017, l’unité biomasse a fonctionné 750 heures, au lieu des 7 500 heures contractualisées avec l’État, soit 10 % du temps. (Source : Marsactu)

3. Ce n’est pas le seul problème, selon la FNE, car même quand les prélèvements de bois se feront au niveau local, « ils seront effectués dans un rayon de 400 km autour de la centrale, sans évaluation préalable de leurs impacts sur la biodiversité. Ils seront de plus effectués dans la forêt méditerranéenne qui subit déjà des prélèvements importants et qui va connaitre des modifications majeures du fait du changement climatique. »

4. Lire le courrier : https://fnepaca.fr/wp-content/uploads/2020/10/2010001-B.POMPILI-FNE-PACA-AURA-moratoire-Gardanne-Meyreuil.pdf

 

Propositions alternatives

Ces quelques propositions pour l’ensemble du territoire Gardanne-Meyreuil -  non exhaustives -, sont portées par plusieurs associations écologistes et collectifs de riverains :

*Sur le site de la Centrale : création d’un site de recherche tourné vers les énergies du futur.
*Sur le territoire : En s’appuyant sur les atouts de ces communes (foncier disponible, réseau de transport, zones d’activités, savoir-faire industriel et expérience de reconversion), le projet ambitionne de faire de Gardanne-Meyreuil un territoire à énergie positive(Tepos). « L’objectif est d’aborder la question de l’énergie dans une approche globale de développement local – à la fois économique, social, démocratique et environnemental. Ainsi, plusieurs axes sont déterminés pour y parvenir : réduction des consommations énergétiques par des programmes de rénovation du bâtiment, renforcement d’un programme de mobilité pour les biens et les personnes centré sur l’utilisation du train et des déplacements doux, production et consommation d’énergies renouvelables (solaire, hydrogène), mise en valeur des espaces naturels et développement d’une agriculture locale et respectueuse de l’environnement. »

Plus d’infos : www.fnepaca.fr/centrale-biomasse-de-gardanne-le-dossier

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