Accueil des migrants : des citoyens s’engagent

Publié le ven 02/12/2016 - 16:00

Par Céline Cammarata, Margaïd Quioc et Benoît Vandestick 

L’incapacité de l’hébergement d’urgence à répondre aux besoins de logements laisse de nombreux migrants à la rue. Pour pallier cette situation, citoyens et associations s’engagent. Certains ouvrent leur porte. La solidarité passe aussi par l’aide alimentaire, médicale, matérielle, éducative ou administrative. Un engagement essentiel, alors que la Provence accueille depuis fin octobre 500 migrants de la « jungle » de Calais.

 

Repos et partage chez les accueillants de Welcome

Par Margaïd Quioc

Après avoir ouvert leur porte à des réfugiés venus du Pakistan, du Kosovo ou de Centrafrique, Xavier et Stéphanie Lenhardt hébergent en ce moment Barry, un demandeur d'asile guinéen. Un accueil solidaire qui s'organise au sein d'un réseau de familles bénévoles. Reportage chez eux, à Aubagne.

Depuis dix jours, Xavier et Stéphanie mettent un troisième couvert sur la table du dîner. Ils accueillent Barry, un Guinéen de 23 ans, demandeur d'asile. Au menu ce soir : sauté de veau et pommes de terre. « Ce qui est intéressant dans cet accueil chez nous, c'est que ça lui permet de découvrir comment vit une famille française », commente Xavier. Pas encore tout à fait accoutumé aux habitudes culinaires de ses hôtes, Barry fait l'impasse sur le fromage avant de débarrasser la table. « C'est mon travail ici. »

Cela fait maintenant plus de deux ans que les Lehnardt hébergent régulièrement des réfugiés chez eux. « C'est insupportable de voir tous ces gens se noyer en Méditerranée », lâche Xavier, que ses études en océanographie ont rendu particulièrement sensible au drame qui se joue au large des côtes africaines. Comme ils ne sont pas du genre à se lamenter sur la marche du monde sans rien faire, le couple a rejoint l'association Welcome, créée par le Jesuit Refugee Service (JRS), qui met en contact demandeurs d'asile et familles d'accueil.

Barry est le cinquième à être hébergé dans leur maison d'Aubagne (13). « Nos enfants sont partis, on a donc deux chambres de libres, précise Stéphanie. On habite dans un pays dont la richesse s'est créée en partie grâce aux échanges avec des pays pauvres. On peut bien partager. » Xavier, lui, met en avant sa foi chrétienne. « Accueillir, c'est une valeur pour moi. »

 Barry, un demandeur d'asile guinéen, réside chez les Lenhardt pendant 6 semaines © M. Quioc

« J'ai cru mourir »

Pour Barry, c'est une chance inespérée après quatre ans de galères. Victime de menaces dans son pays, il a d'abord traversé l'Afrique jusqu'au Maroc, où il a vécu plusieurs années dans un abri de fortune, payé 7 euros par jour pour travailler sur des chantiers. Il finit par économiser les 3 000 euros pour embarquer sur un canot pneumatique, direction l'Espagne. « On n'avait pas de GPS et pas assez d'essence. J'ai cru mourir. » Heureusement, un bateau espagnol vient à leur secours. Barry passe un mois en centre de détention avant de rejoindre la France, il l'espère sa destination finale. Sa demande d'asile enregistrée en juin dernier, il n'y avait pas de place pour lui en centre d'accueil, comme le prévoit le droit français. Il a passé l'été dans la rue à Marseille, avant d'être dirigé chez Stéphanie et Xavier par le réseau Welcome. « J'ai retrouvé mon bonheur, se félicite Barry. On mange ensemble, on parle... Je me sens comme chez moi. »

Les réseaux de familles d'accueil comme Welcome viennent en partie combler un manque de place dans les Cada (Centres d'accueil pour demandeurs d'asile). Selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, le nombre de demandes a augmenté de 25 % entre 2014 et 2015. Face à cette affluence de réfugiés, seuls les plus vulnérables, généralement les familles avec enfants, sont hébergés.

Une charte et un cadre associatif

En 2015, ce sont ainsi 266 personnes qui ont bénéficié de l'accueil dans le réseau Welcome. En situation régulière, elles ne restent jamais plus de 6 semaines dans le même foyer. « On peut par exemple choisir d'accueillir un mois dans l'année », précise Stéphanie. Après son séjour à Aubagne, Barry sera dirigé vers une autre famille du réseau, et ainsi de suite, jusqu'à ce que l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) statue sur sa demande d'asile. Cela fait partie des règles énoncées dans la charte signée par le couple et le jeune demandeur d'asile. « Le cadre associatif rend l'accueil facile », estime Stéphanie. Le couple doit veiller à respecter l'intimité des personnes qu'ils hébergent. « On ne leur demande pas de nous raconter leur parcours s'ils ne le souhaitent pas », précise Xavier. De son côté, Barry s'engage à rester actif dans ses démarches administratives.

Les premiers jours, Barry passait ses journées à Marseille pendant que ses hôtes étaient au travail. « Mais la confiance s'est vite installée, au bout d'une semaine, il avait ses propres clefs », précise Stéphanie. Le jeune Guinéen se démène pour rester actif. « J'ai besoin de m'occuper pour ne pas trop penser. » Son statut ne lui permet ni de travailler ni de se former à la mécanique ou à la plomberie comme il le souhaiterait. Il va donc régulièrement travailler la terre dans un jardin collectif associatif à Aubagne.

Sa famille d'accueil lui permet aussi d'avoir une vie sociale. Barry connaît déjà tous les voisins et a partagé de beaux moments avec ses hôtes. Randonner dans le massif de la Sainte-Beaume, encourager Xavier lors d'une course à pied... « Et tu te rappelles ? Mercredi on est invités à manger la raclette chez des amis », lance Xavier. L'accueil, tout un réseau.

Plus d'infos :

www.jrsfrance.org


Calais n’a pas quitté les abords de la Manche

 

 

Dessin et inscriptions sur une cabane de la "jungle" de Calais © C. Cammarata

Par Céline Cammarata

Calais et sa « Jungle » restent un haut lieu de paradoxes. Car dans la misère et la boue se sont exprimés les plus grands élans d’humanité. La position géographique de cette ville l’a transformée en dernier rempart avant l’Eldorado, l’Angleterre. Aucun démantèlement ne changera rien à cette irrésistible attraction. Les associations en témoignent.

Dans cet immense bidonville circulaient certes des trafiquants et des passeurs mais surtout des êtres humains en lutte pour leur survie et d’autres venus les soutenir. Cette énergie de vie était palpable par toute personne qui prenait le temps de s’arrêter dans ce lieu, ville dans la ville avec ses restaurants et ses petits commerces. A Calais, le bénévolat est devenu un métier et un sacerdoce. L’une des plus anciennes associations, L’Auberge des migrants, s’attèle à l’accompagnement des réfugiés depuis 2008. Elle fait partie des associations auditées par les émissaires du gouvernement mais non entendues, s’insurge François Guennoc, l’un de ses piliers : « Une seule solution et provisoire a été envisagée : les CAO en région. Sans prendre en considération les risques encourus par les mineurs et les cas particuliers comme les personnes entrées en formation, celles qui suivent un protocole de soin à l’hôpital, et celles, bien sûr, qui souhaitent passer en Angleterre et que rien ne pourra dissuader d’aller rejoindre leur famille. »

La prise en charge des mineurs isolés reste une pierre d’achoppement telle que MSF s’est retiré du dispositif d’évacuation : « Des garanties nous avaient été données concernant les mineurs. Des entretiens individuels avec possibilité de traduction et de présentation de pièces administratives devaient avoir lieu. Et en cas de rejet d’un mineur, des mesures de recours s’envisageaient. Or mardi 25 octobre, une seule personne faisait face à la file des mineurs et les désignait au seul faciès et sans appel. Mercredi en milieu d’après-midi, l’enregistrement des mineurs s’est interrompu. Plusieurs dizaines d’entre eux, totalement démunis, sont retournés dormir dans la jungle. Nous ne savons pas ce qui va leur arriver », s’inquiète Samuel Hanryon, chargé des relations presse de MSF, présent sur place.

Plus d'infos :

www.laubergedesmigrants.fr

www.msf.fr

Pour en savoir plus et apporter votre aide

N’hésitez pas à consulter la page Facebook Info CAO Bretagne (il existe une page dédiée par région). Un réseau de bénévoles a été créé par les associations humanitaires de Calais afin de permettre un accompagnement des réfugiés durant leur séjour en CAO (Centre d'accueil et d'orientation). Des CAO totalement disparates d’un lieu à l’autre. Certains offrent un hébergement de qualité quand, dans d’autres, l’Auberge des migrants a dû envoyer des vivres.


Le saviez-vous ?

- Les demandeurs d’asile se trouvent légalement en situation régulière tant que leur demande est en cours d’instruction et ont, à ce titre, droit à un logement.

- Malgré la création de plusieurs milliers de places en Cada (Centre d’accueil des demandeurs d’asile) ces dernières années, leur nombre reste insuffisant pour accueillir tous les demandeurs d’asile.


Je veux aider, comment faire ?

Faire un don ou s’impliquer bénévolement dans des associations présentes dans toute la France :

- France terre d’asile : www.france-terre-asile.org

- La Cimade : www.lacimade.org

- Le Gisti : www.gisti.org

- La Croix-Rouge : www.croix-rouge.fr

- Le Secours populaire : www.secourspopulaire.fr

- Le Secours catholique : www.secours-catholique.org

- Médecins du monde : www.medecinsdumonde.org

- Médecins sans frontières : www.msf.fr

Proposer un hébergement :

- Réseau CALM (Comme A La Maison) : https://singa.fr

- Réseau Welcome : www.jrsfrance.org

S’informer et communiquer, en parler autour de soi, déconstruire les préjugés, proposer une initiative dans sa commune, signer des pétitions…

- Les centres Ritimo, pour s’informer et comprendre : www.ritimo.org

- Un site pour rencontrer des personnes désireuses d’aider, près de chez soi :https://aiderlesrefugies.fr


Lexique

Migrant : personne qui se déplace d’un pays à un autre, pour des raisons économiques, politiques ou culturelles.

Demandeur d’asile : personne qui a déposé une demande d’asile.

Réfugié : personne dont la demande d’asile a été acceptée.


 

Corinne Makowski : « L’aide n’est pas une question de spécialistes, tout le monde a des compétences à apporter »

 

© Secours Populaire

Propos recueillis par BV

Corinne Makowski est secrétaire nationale du Secours populaire français, en charge de la solidarité internationale.

Comment les conditions de vie des migrants, en France, ont-t-elles évolué ces dernières années ?

Globalement les migrants ont toujours été un groupe de personnes plus vulnérable que les autres. Ils viennent de pays étrangers, avec des cultures différentes. Il y a déjà des difficultés dues à l’intégration. Des difficultés administratives aussi, pour obtenir des papiers.

Quelles sont les actions du Secours populaire pour faire face à cette situation ?

Le Secours populaire a ouvert un « fonds d’urgence migrants réfugiés ». Il va permettre de faire face à cette situation au niveau européen, avec des associations partenaires, mais aussi par des actions dans les pays voisins, comme la Turquie ou le Liban, où les gens se sont réfugiés. Nous répondons aux besoins matériels et alimentaires mais nous organisons aussi des sorties avec les familles et des activités sportives.

Que peuvent faire les citoyens pour venir en aide ?

Faire un don ou organiser des événements comme des concerts, pour récolter des fonds. L’argent va permettre d’acheter du matériel en fonction des besoins des personnes. Les gens parlant des langues étrangères peuvent aider à traduire ou donner des cours de français. Il y a aussi besoin d’aide dans les maraudes pour distribuer des produits. L’aide n’est pas une question de spécialistes, tout le monde a des compétences à apporter. 

Garantissez l'indépendance rédactionnelle et financière de Sans transition !