[ RHONE ] Les animaux au chevet des patients

Publié le ven 11/10/2019 - 11:38

Par Florence Genestier.

Ehpad, instituts médico éducatif (IME), cliniques, mais aussi particuliers, nombreux sont ceux qui se tournent vers la zoothérapie pour apaiser et soutenir des personnes âgées, handicapées ou encore des jeunes en difficulté. Si les bénéfices de cette pratique ne sont pas encore prouvés scientifiquement, les retours positifs sur le terrain justifient cet engouement. Dans le Beaujolais, Catherine Maciocia en a fait son travail et sa vocation.

Dans ce coin du Beaujolais Vert, Catherine Maciocia a choisi d’installer son centre de médiation animale : Mini’maux. Un engagement à la fois professionnel et personnel pour cette mère d’un enfant autiste. Dans son sillon, de nombreux centres médicaux et d’accueil de personnes handicapées recourent à des zoothérapeutes. Avec l’apaisement et la progression des patients à la clef.

Suivie par sa nouvelle pensionnaire, une agnelle câline de 4 mois appelée Pimprenelle, Catherine Maciocia joue les guides en son domaine. Rien ne destinait cette quinquagénaire à s'occuper un jour d'un centre de médiation animale. Inspectrice principale des impôts à Lyon il y a encore une quinzaine d'années, c’est la naissance de son fils Jérémy, âgé aujourd'hui de vingt ans et diagnostiqué autiste Asperger en 2004, qui a tout changé. « De 2004 à 2014, j'ai réfléchi à ce projet, explique-t-elle. Nous avons d'abord déménagé à la campagne, sur les hauteurs de Saint Clément, puis j'ai pris mon temps. J'ai aussi observé les relations innées que pouvait avoir mon fils avec nos animaux. Il racontait des tas de choses à son chat alors qu'il ne disait rien ni à l'école ni ailleurs ». Un facteur d'épanouissement qu'elle exploitera à fond pour permettre à son fils d'être de plus en plus à l'aise avec les autres. Et ça paie : Jérémy vient de décrocher son DUT de génie mécanique et productique, après un bac S avec mention. Ces progrès, Catherine a très vite souhaité les partager et en faire profiter les autres.

Un passage progressif

À force de documentation, d'apprentissage et d'observation, son projet a mûri. Et dans les années 2010, Catherine construit sur son terrain un bâtiment dévolu aux animaux et aux formations en médiation animale. « Je ne me lasse pas de la magie des animaux », raconte celle qui a fait partie des premières en France à suivre une formation diplômante à la zoothérapie en 2003. Une combinaison de son aventure personnelle et de sa passion jamais démentie pour le monde animal depuis l'enfance. Persuadée que les animaux font du bien à l'être humain, surtout si celui-ci souffre d'un handicap physique, mental ou de troubles relationnels. « La médiation animale ou zoothérapie optimise les bienfaits de la relation homme/animal afin de permettre à la personne d'évoluer positivement en améliorant son potentiel cognitif, physique, psychosocial ou affectif. Elle s'appuie sur la communication non verbale accessible grâce aux animaux » expliquet- elle sur ses documents de présentation.

Catherine Maciocia a fondé Mini'maux, un centre de méditation animale dans le Beaujolais. Photo : Florence Genestier


En 2013, elle crée officiellement Mini'maux, et abandonne son métier d'origine. Elle enrichit le cheptel chaque année : juments, âne, alpaga, chats roux des forêts norvégiennes, chèvre naine, poules et coqs, chiens, agneaux et brebis. Tous en petits modèles car plus rassurants pour les patients. Tous extrêmement calmes, dociles et équilibrés, « c'est essentiel ». Tous avec un caractère marqué et affirmé, qui permet une variété d'approches. « Les visiteurs les plus craintifs iront vers l'animal craintif, les plus coquins, vers le coquin, qui se ressemble s'assemble, plaisante Catherine Maciocia. Il s'agit d'un échange. Il faut que ce soit aussi un plaisir pour l'animal, sinon, ça ne peut pas marcher. »

« Nous avons affaire à des personnes qui peuvent être psychotiques, souffrir de troubles autistiques, de trisomie... Les interactions avec les animaux les aident à exprimer leurs émotions et c’est déjà énorme »

Violette Suscillon, aide médico-psychologique

Chaque séance débute par la salle d'accueil où la salle d'accueil où les pensionnaires Mini'maux sont présentés sous forme de devinette, via un tableau interactif et ludique. L'approche est progressive. Elle peut faire entrer un ou deux animaux dans la salle, commencer une visite, inviter les patients ou visiteurs à nettoyer les box, à caresser ou préparer la nourriture pour faciliter la familiarisation, jamais acquise selon les publics.

Une communication non verbale

En séances individuelles ou de groupe, l'observation montre que le recours aux animaux peut canaliser des énergies un peu agressives. Comme pour Bastien, un adolescent suivi depuis 5 ans, souffrant d'autisme et d'une déficience mentale. Nathalie Giroud, sa mère, explique sa démarche : « Bastien avait beaucoup de mal à gérer son agressivité et cela nous inquiétait. On essayait un peu tout, avec mon mari, sans forcément y croire. Ces quatre ans de suivi individuel à Mini'maux ont été importants : il accepte les câlins. Il a appris à prendre soin des animaux, à les toucher. Au fil des mois, il attendait les séances. Cela l'a apaisé. » Comme Bastien, ils sont des dizaines à venir chaque année au centre de Catherine. Pour Manon Crozat, éducatrice spécialisée et coordinatrice au Foyer d'accueil médicalisé (Fam) de l'Etang- Carret à Dommartin, qui accueille une cinquantaine de personnes âgées de 22 à 70 ans, atteintes de troubles neuromoteurs ou spécialisés, le recours à des séances de médiation animale se révèle toujours surprenant. « Des chiens étaient déjà venus quelquefois dans l'établissement, raconte-t-elle. Une trentaine de patients a participé aux séances de groupes avec Catherine. On les rassemble par quatre, une fois par mois, et la progression se fait par palier. Mais c'est toujours assez incroyable. Le lien qui se tisse entre l'animal et le patient dépend bien sûr du handicap de ce dernier. » Certains sont effrayés au départ mais la petitesse de la ménagerie et son calme dissipent la crainte. « C'est un temps  à part, un temps de répit pour eux, qui peuvent tomber dans des crises de façon cyclique. Les animaux sont de très bons psychologues et certains patients attendent la séance. On a le cas d'un monsieur de 70 ans, qui sort rarement de sa chambre et évite le contact avec les autres. À chaque fois, il prend un animal et le balade en longe. C'est un facteur d'apaisement pour lui », illustre Manon.
À l'IME (Institut médico-éducatif) Pierre de Lune à Saint-Priest, les animaux aussi font partie du décor : une poule a pris place dans l'établissement. Prendre soin d'elle, comme parfois confectionner des plats avec ses oeufs, est intégré dans le programme d'activités journalier et hebdomadaire de l'établissement. Violette Suscillon, aide médicopsychologique, observe des résultats positifs chez les patients : « Nous avons affaire à des personnes qui peuvent être psychotiques, souffrir de troubles autistiques, de trisomie... Les interactions avec les animaux les aident à exprimer leurs émotions et c'est déjà énorme. Dire « j'ai peur », c'est important. » De quoi encourager la multiplication des expériences de ce type. D'autres structures similaires d'ailleurs ont adopté des ânes, que les patients peuvent venir visiter et entretenir. Outre les centres médicaux, le système carcéral se montre aussi intéressé par la médiation animale.
Catherine Maciocia devrait intervenir prochainement dans une maison d’arrêt de la région. Les bénéfices de la zoothérapie restent une énigme pour cette dernière : « Tout ne peut s'expliquer scientifiquement ou rationnellement dans notre communication aux animaux. Ça se passe, c'est tout. Je constate que la bienveillance et la compassion qu'ils dégagent interagissent sur nous, et apportent à des malades ou des personnes en quête de sérénité ce qui leur manquait ». L’analyse d'une professionnelle, mais aussi d'une mère, qui « reste persuadée que [son] fils aurait davantage peiné à acquérir confiance en lui et curiosité envers les autres » sans le monde animal.

> Plus d'infos

Garantissez l'indépendance rédactionnelle et financière de Sans transition !