[REPORTAGE] A Clermont-Ferrand, éducation populaire et automobile

Publié le sam 30/03/2019 - 14:40

Par Sonia Reyne

Basée à Clermont-Ferrand, l’Apima est l’une des plus anciennes associations d’initiation à la mécanique. Ses adhérents réparent leurs véhicules, encadrés et conseillés par des mécaniciens. Le garage associatif propose aussi des cours de mécanique et surtout, prône un autre rapport à la voiture.

Il faut prendre rendez-vous pour réparer son véhicule, mais pas besoin de prévenir pour passer boire l’apéro ! À la sortie de Clermont-Ferrand, l’Apima est nichée dans un long hangar aménagé pour réparer les véhicules. Avec 450 adhérents, l’Association populaire d’initiation à la mécanique automobile a fêté ses 35 ans l’an dernier. Le garage associatif dispose de six postes de travail. Il est bien pourvu en équipement, avec des ponts élévateurs, des palans, du matériel de diagnostic, des cuves de récupération des huiles usées… Mais aussi des containers collectifs de recyclage d’autos et de vélos pour aller chercher des pièces de rechange. Et même un coin aménagé pour les enfants.

Loic Gendrand s’installe au comptoir entre la cuisine et l’atelier. A 31 ans, cet éducateur spécialisé a successivement habité à Lyon, à la Réunion et vient de s’installer à Besançon. Pour l’heure, en tournant son café, il étudie avec application la fiche technique des 405. « Je change la courroie et je refais le système d’injection sur mon diesel de 1993 », explique-t-il. Sa sœur aussi est adhérente. « Nous venions ici petits, avec mon père. Les gens sont sympas, estime-t-il. Petit à petit, je deviens compétent sur ma voiture. Je sais faire une vidange, entretenir les freins. Lorsque j’ai travaillé à la Réunion, je n’avais pas le matériel pour de grosses réparations, mais je suis resté autonome sur l’entretien courant. »

Incarner l’utopie et l’éducation populaire

L’autonomie est l’une des raisons d’être de l’association. En 1983, dix utopistes se sont dit que chacun pouvait apprendre à connaître et à entretenir sa voiture. Ils retroussent leurs manches et créent un moyen collectif d’apprentissage : l’Apima. La structure propose des stages théoriques sur la mécanique, mais pas seulement : fervents défenseurs de l’éducation populaire, les bénévoles organisent aussi des soirées culturelles, des repas...

Gaël Hemet, l’un des quatre permanents, se sert un café. « J’ai passé un bac pro pour venir ici, explique-t-il. Je connaissais Sandra, une des mécanos précédentes. Elle m’a parlé du recrutement. J’ai changé de métier pour venir travailler ici ! » Gaël Hemet y apprécie l’ambiance : « Il ne s’agit pas que de mécanique. Je partage sur beaucoup d’autres sujets avec les adhérents. Ils m’apprennent des choses, et réciproquement. » Les adhérents viennent de tous les milieux : du cadre Michelin au professeur en passant par l’agriculteur, l’artiste... « Il y a des femmes, des jeunes... Certains viennent de Paris ou d’autres départements, détaille le mécanicien. Ils prévoient leurs réparations en fonction de leur passage à Clermont-Ferrand, parce qu’ils ont de la famille ici. »

Roger Berry, dit Boubou, est l’un des 10 fondateurs et premiers salariés de l’association. Il se rappelle les débuts de l’association : « Nous étions huit hommes et deux femmes, et le premier atelier était petit et peu équipé, se souvient-il. L’association a grandi assez rapidement : nous avons déménagé deux fois depuis. » L’atelier actuel a amélioré les conditions de travail : « Nous travaillons avec de la lumière naturelle, il est beaucoup plus spacieux, et il n’y a plus de problème pour entrer et sortir les automobiles. »

Gérard Michel répare le rétroviseur de sa Laguna. Chef de publicité dans la presse quotidienne régionale, il est adhérent depuis 1987. C’est sa neuvième automobile : « J’ai changé deux moteurs et fait une multitude de réparations. Cela permet d’être conscient de ce qu’on a sous le pied lorsqu’on est sur la route. Les adhérents prennent soin de leur véhicule et sont plus vigilants. Pour ma part, j’ai gagné en autonomie. »

Expérimenter l’autonomie

L’indépendance est l’un des secrets de la longévité de l’association. « Nous avons fait le choix de vivre sans subvention. C’est notre façon d’être autonome et responsable. Les cotisations des adhérents nous font vivre, explique Roger Berry. À la création de l’association, la cotisation annuelle était faible et les adhérents payaient l’utilisation horaire de l’atelier. Matériellement, ça n’était pas viable. » Au bout de quelques années, ils ont donc décidé de ne plus facturer l’utilisation de l’atelier, mais d’augmenter le montant des adhésions, qui est aujourd’hui de 458 euros à l’année, par personne.

Cette autonomie financière et l’éducation populaire forment la colonne vertébrale de l’Apima. « Nous n’avons pas d’élu, détaille Roger Berry. Quatre groupes de bénévoles gèrent les aspects administratifs, la commission technique, l’accueil des nouveaux adhérents et la communication. Des groupes éphémères répondent à des besoins ponctuels. Deux assemblées générales annuelles décident de la feuille de route. » L’Apima a inventé le régulectif : une réunion mensuelle à laquelle participent les adhérents qui le souhaitent. Ce temps d’échange permet de gérer les affaires courantes, pour concrétiser les décisions prises en assemblée générale.

Tout le monde peut apprendre

Gérard Michel se charge du renouvellement de cotisation des adhérents : « Je viens une fois par mois m’occuper de cette tâche. L’association accueille environ 20 % de femmes et des enfants adhèrent à la suite de leurs parents. Nous avons jusqu’à trois générations qui entretiennent leur véhicule ici. »

Julien Chaumet va remplacer Roger, qui part bientôt à la retraite. Il encadre l’atelier depuis septembre. La petite quarantaine, mécanicien, il travaillait dans un garage, puis des problèmes médicaux l’ont contraint de quitter son emploi. Ici, il ne répare plus : « J’enseigne aux adhérents. Il faut s’adapter à leur niveau de connaissance, faire preuve de pédagogie. Tout le monde peut apprendre ! »

Néophyte, Ludovic Archimbaux règle un problème de parallélisme sur son véhicule : « Je suis là parce que faire soi-même est agréable. De plus, cela réduit significativement le coût d’entretien de la voiture ! » À côté de lui, Jean-Louis Defix, récemment retraité, vient depuis 10 ans. Il change les canalisations du système de freinage de sa Polo de 1996, à la demande du contrôle technique : « Ça me plaît la mécanique. J’ai des notions que je peux exploiter. Et c’est bien meilleur marché que d’aller dans un garage. »

Attentif, Aurélien Struve le conseille. Il est permanent depuis 6 ans. Il a d’abord travaillé dans un laboratoire après avoir obtenu un BTS de chimie, puis il a travaillé pour la SNCF à Paris. « J’avais envie de revenir dans ma région, se souvient-il. Lorsque j’ai vu que l’Apima recrutait, je n’ai pas hésité. J’ai passé un CAP mécanique en accéléré, avec l’Afpa. J’étais adhérent depuis que j’ai le permis et mon père venait à l’Apima depuis ma naissance. »

Midi s’annonce, alors on oublie le cambouis pendant un moment. Loïc demande, « qui reste manger ? » puis part faire les courses. Il se mettra aux fourneaux, tout le monde partagera le repas dans une cuisine immense, en parlant mécanique, ou pas.


Plus d’infos :

apimatelier.org

Contact : 04 73 27 46 95

 

 

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