OCCITANIE - Un habitat participatif dans mon jardin

Publié le dim 09/09/2018 - 16:35

Par Florence Brau

C'est un projet novateur, écologique et solidaire auquel donne vie une coopérative d'habitants dans le périurbain montpelliérain. Casalez, l'ancienne propriété d'un des coopérateurs, sera rénovée et agrandie pour accueillir 10 foyers, des espaces communs et un bâtiment de services d'intérêt local, hors du schéma immobilier classique. Une initiative qui voudrait être un exemple d'urbanisme durable.

À première vue, Casalez est une villa comme les autres à l'entrée de Prades-le-Lez, à 10 km au nord de Montpellier. Le portillon entrouvert laisse apercevoir un vaste jardin, des arbres, un bout de potager. À l'intérieur, la coopérative d'habitants Lez'Coop, officiellement propriétaire des lieux depuis le printemps, tient sa réunion bimensuelle dans la salle commune appelée « CasaTous ». Entre un coin lecture et une cuisine d'appoint, ils définissent et conçoivent leurs logements et espaces collectifs. Autrement dit l'habitat participatif qui prend corps à cette adresse depuis que Bruno, 57 ans, le propriétaire historique, a décidé de transformer sa demeure « trop grande, mal isolée, consommatrice de foncier » en un projet plus vertueux. Car l'homme, un temps élu sur une liste « écologique et sociale » dans l'opposition municipale, assume son militantisme : « je veux faire de la politique chez moi, tous les jours. Si chacun rend meilleur son coin de jardin, la terre ira mieux ». C'était il y a quatre ans. Aujourd'hui coopérateur au même titre que les autres, il vit toujours à Casalez avec sa petite dernière en garde alternée. Un autre appartement est occupé depuis quelques mois par Claire et sa fille. Le groupe au complet compte s'installer d'ici un an et demi, si les travaux ne prennent pas de retard. Ils sont 12 adultes, et presque autant d'enfants qui déboulent en riant : « On fait un spectacle dans le jardin, apportez des chaises ! » La présentation des derniers plans du projet attendra bien un peu.

Faire une révolution non agressive

Pour s'y retrouver parmi les méandres administratifs, techniques et financiers, les futurs habitants s'appuient sur les professionnels des réseaux de l'habitat groupé, dont Frédéric Jozon de la société Hab-Fab. Pour lui, la démarche citoyenne engagée à Casalez est inédite dans la région. « Un terrain proche d'un axe routier et d'un centre urbain, c'est pertinent à densifier. Surtout dans la première couronne de Montpellier où le foncier est rare, accaparé par les lotisseurs à l’affût dès que des terrains se libèrent et en compétition avec les terres agricoles », affirme-t-il.

« Avoir déjà un terrain, c'est la cerise sur le gâteau », confirme Carole. Il est vrai que le principal obstacle à l’habitat participatif est l’accès au foncier*.Pourtant, ce mode de vie suscite un réel intérêt. Bruno témoigne : « notre groupe est complet mais nous avons une dizaine de personnes sur liste d'attente ». Parmi les motivations des postulants : la recherche de sobriété, le partage, l'entraide – à Casalez quatre parents sont solo. Pour plus de solidarité, les futurs résidents ont même opté pour le statut juridique de coopérative d'habitants en 2017 : « Cela permet à des personnes aux revenus plus modestes d'accéder à la propriété et à des logements de qualité », souligne Bruno. « Avec Anaïs nous travaillons en free-lance. Nos salaires sont irréguliers, nous n'aurions jamais pu être propriétaires », atteste Pierre. Mais la question financière n'est pas centrale, plutôt « l'envie d'un projet où chacun fait sa part et limite son impact sur l'environnement. Une évidence depuis un séjour en éco-hameau en Argentine ». « Finalement, la coopérative est un moyen de faire une révolution non agressive dans le système spéculatif actuel. On ne casse pas tout mais on montre qu'on peut faire autrement et mieux », se félicite Carole.

 

Plan du projet avec piscine et salle commune - DR

Densifier 100 % écolo

Le projet a de quoi séduire. Post-it et rétroplannings ont laissé place à un drap blanc tendu sur un mur. Anis y projette ses esquisses. Consulté au départ en tant qu’architecte, il n'a pas tardé à intégrer « un groupe très humain » avec sa femme Nelly et ses enfants. « CasaTous » et sa chambre d'amis seront réhabilités. L'espace privé, accessible indépendamment, comprendra dix logements de 40 à 100 m², buanderie, atelier, toit-terrasse et parking souterrain. Le tout organisé en petites maisons en bande d'un étage. « C'est une densification à taille humaine ouverte sur la nature » dont se réjouit Claire, qui n'aurait pu vivre « dans un bloc de béton impersonnel ». De son futur T3, elle aura un accès direct au jardin et vue sur le Lez qui coule à deux pas.

Des résidents qui inventent un cadre de vie à leur image, c'est une des heureuses possibilités offertes par l'habitat participatif, notamment en autopromotion. Le tout répondant à des critères pointus. « Nous voulons montrer qu'il est possible de mener un programme 100 % écolo pas plus cher que le conventionnel, avec un prix de revient maximum de 2800 €/m² », souligne l'architecte. Le groupe utilisera des matériaux bruts, ossature bois-paille et enduits en terre, en s'entourant d'artisans locaux. Écoconstruction, toiture avec panneaux photovoltaïques, piscine transformée en baignade naturelle, toilettes sèches, récupération des eaux grises, voiture en autopartage, rien n'est laissé au hasard. Avec peut-être à la clé une subvention Bâtiments NoWATT de la Région Occitanie. Autre particularité : les appartements, déjà réduits de ce qui peut être mutualisé, seront modulables. Pierre et Anaïs désignent leur nid sur un plan : « il aura un plafond cathédrale, notre rêve, mais la structure permet de poser rapidement un plancher ». Ailleurs, ce sont des cloisons qui peuvent être abattues ou montées pour s'adapter aux ménages sans surfaces inutiles.

S'ouvrir sur l'extérieur

Les vertus de l'habitat participatif semblent aller au-delà de la sphère privée. D'après Pascale Parat-Bezard, socio-anthropologue au CAUE30 (Conseil d'Architecture, d'Urbanisme et de l'Environnement du Gard), être acteur de son logement favorise appropriation et relation durable aux lieux. Et de fil en aiguille « des relations nouvelles peuvent se nouer avec la population et les élus ». Un symbole ? Le bâtiment de services, dit « tiers-lieu », envisagé par Lez'Coop se monte en concertation avec la mairie. La structure de 400 m² implantée sur le terrain de Casalez en front urbain, proposera par exemple une maison d'assistantes maternelles, des salles ouvertes aux associations, du coworking, de la restauration et vente bio. De fait le maire de cette commune de quelque 5300 habitants joue le rôle de facilitateur pour l'ensemble du projet. Il « s'inscrit dans les orientations de densification et d'action sociale de la municipalité », a-t-il assuré au groupe dans un courrier daté du 4 octobre 2017. Plus largement, Casalez veut impulser une dynamique avec son association éponyme en tissant des liens de proximité. Lauriane, « incorrigible optimiste », aura le mot de la fin : « nous n'avons pas envie de créer une bulle mais quelque chose qui peut se dupliquer ». Bonne chance !

Note : *Manifeste pour des politiques publiques de soutien à l’habitat participatif Partagetoit.files.wordpress.com

Plus d'infos :

casalez.fr

www.hab-fab.com

 


Vivre ensemble en Occitanie

Mixité sociale, générationnelle, partage, entraide…, l'habitat participatif séduit de plus en plus de citoyens. Les projets se multiplient en Occitanie. Florilège.

Par VG

Un lieu 100 % seniors

« Un habitat participatif et écologique adapté à des personnes vieillissantes », voilà le projet de La Maison d'Isis. Ginette Pondarrasse, la présidente de l'association, explique que le projet a germé entre amis, en discutant de la façon dont « nous allons vieillir ». Les futurs habitants ont entre 60 et 82 ans. L'immeuble se situera au cœur de Montauban et abritera 18 logements du T2 au T3 de 50 à 75 m2 avec des parties communes, dont une salle polyvalente et une salle de bien-être. Les travaux devraient débuter en 2019 pour une livraison fin 2020-début 2021. Mais l'idée d'un nouveau projet se profile déjà, huit personnes étant sur liste d'attente. Une alternative à la maison de retraite qui séduit !

Plus d'infos : www.facebook.com/La-Maison-dIsis-189026708321549/

Mascoop : le chantier est lancé !

À Beaumont-sur-Lèze (31), à une trentaine de km au sud de Toulouse, les travaux débutent en ce début juin. Depuis 2016, cinq foyers habitent déjà sur les lieux, en collocation. Après 16 mois de travaux, 11 logements bioclimatiques – du T2 au T4 – vont voir le jour. Quant aux espaces partagés, ils compteront le jardin, une piscine, une salle de réception, des ateliers, des chambres d'amis et une buanderie. Cinq logements ne sont pas encore attribués. Les membres de la société coopérative, qui a été constituée pour ce projet de mixité sociale et générationnelle, organisent donc régulièrement des portes ouvertes.

Plus d'infos : www.mascoop.org

Un projet abouti et scruté

À Montpellier, cela fait déjà 2 ans que Mas Cobado – 2 immeubles bioclimatiques avec 23 logements – a été investi par ses occupants. Entre l'idée et l'emménagement, il a fallu 4 ans. L'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) prépare une étude sur le lieu afin de savoir si l'habitat participatif coûte réellement moins cher que le traditionnel et si on vit mieux dans un tel cadre. Les factures sont donc épluchées et les habitants sondés. Selon Michaël Gerber, l'un des habitants, l'esprit collaboratif perdure : « On avance doucement mais sûrement. Tous les jours on a des nouvelles idées pour essayer d'améliorer un peu l'existant ».

Plus d'infos : www.facebook.com/mascobadomontpellier/

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