LA BOÎTE À OUTILS solidaire !

Publié le mar 26/09/2017 - 16:45

L’Atelier solidaire accompagne les habitants du quartier populaire toulousain d’Empalot dans leurs travaux de rénovation, depuis 2015. Il organise aussi des chantiers collectifs où les uns donnent un coup de main aux autres, pour rafraîchir leurs logements.

Par François Delotte

L'Atelier solidaire accompagne les habitants du quartier populaire toulousain d'Empalot dans leurs travaux de rénovation, depuis 2015. Il organise aussi des chantiers collectifs où les uns donnent un coup de main aux autres, pour rafraîchir leurs logements.

Une imposante barre d’immeuble défraîchie bouche l'horizon. Au rez-de-chaussée, le local de l'Atelier Solidaire – aménagé dans un ancien appartement mis à disposition par le bailleur social Toulouse Métropole Habitat – paraîtrait écrasé par un contexte urbain pas toujours réjouissant. Mais l'association ne faillit pas à sa mission : fournir aux habitants du quartier des moyens pour rénover leurs logements. « J'ai découvert l'Atelier il y a un an et demi. J'aime bricoler. Je fais des meubles, des bibliothèques », témoigne Alexandra, 63 ans, cheveux courts et cigarette électronique à la main. « Nous sommes en train de refaire ensemble l'enduit dans mon trois pièces », continue celle qui habite ici depuis treize ans.

Car l’association organise régulièrement des chantiers solidaires chez ses adhérents. Les bonnes volontés viennent donner un coup de main pour rajeunir des logements, qui souvent datent des années 1950 et 1960.

Apprendre à faire soi-même

L'initiative a été lancée en 2014 dans le quartier d'habitat social d'Empalot, au sud-est de Toulouse, par l'antenne locale des Compagnons bâtisseurs, association nationale d’auto-réhabilitation. « Nous avons répondu à un appel à projets lancé par les actuels partenaires du lieu : Toulouse Habitat Métropole, la Métropole, la ville de Toulouse, la Caisse d’Allocations Familiales, Leroy-Merlin, EDF et le Centre social d'Empalot », raconte Florence Climaco, responsable Midi-Pyrénées des Compagnons Bâtisseurs.

L'idée de départ : « EDF et la municipalité cherchait à valoriser un projet innovant pour lutter contre la précarité énergétique. Le quartier a été identifié car beaucoup de personnes ont des ressources modestes. 90 % des habitants sont des locataires, dont 85 % en logement social », poursuit Florence Climaco. Aujourd’hui, son champ d'action dépasse de loin le sujet de la consommation d'électricité.

L’Atelier est inauguré en 2015. Et c'est un succès. Le local a été aménagé avec l'aide d'habitants. Et est devenu un lieu de vie où l'on discute de bricolage et d'autres choses autour d'un café. « J'ai réalisé 50 euros d'économie d'électricité cette année en installant des ampoules basse consommation », explique Christine – 63 ans – à Anita, 43 ans, bénévole devenue incollable sur les questions énergétiques. « Il est possible de réduire de moitié ses dépenses avec des LED », confirme cette dernière, assise sur le canapé en bois construit par l'association.

Comme elles, « une trentaine d'habitants sont impliqués activement dans l'Atelier. Et une centaine sont inscrits contre une adhésion annuelle de 10 euros », précise Florence Climaco. Parmi eux, une majorité de femmes. « Les hommes ont parfois un peu de mal à ce qu'on leur dispense des conseils en bricolage », confie Élise Arnaud, assistante animatrice de 26 ans et architecte de formation.

« Outiltèque »

Des apprenties bricoleuses qui s'exercent au perçage, à l'électricité ou à la peinture sur les murs de travail en Placo, bois et parpaing de l'Atelier. Les habitants peuvent aussi apprendre à construire des meubles avec du bois de récupération. Élise et un animateur technique chevronné – Moahsane Kercenna – encadrent ces moments de transmission de savoir-faire.

« Il s'agit de rendre les participantes les plus autonomes possible afin qu'elles puissent faire un maximum de choses elles-mêmes », indique Élise.

Elles-mêmes ou ensemble. « Mon mari savait un peu bricoler mais il n'a plu beaucoup de force. Alors on est allé chez moi installer une étagère dans la salle de bains, refaire une cloison qui était humide et mettre du carrelage dans les toilettes », décrit Christine. Un chantier solidaire parmi d'autres menés avec des adhérentes et le personnel de l'Atelier. « Pour les plus petits chantiers, soit les gens achètent le peu de matériel dont on a besoin, soit nous récupérons de la peinture ou du bois via des dons. Mais nous finançons les plus grosses interventions à 90 %, dans la limite de 800 euros », détaille Élise.

Un jeune homme entre dans le local. « Serait-il possible d'emprunter une perceuse ? » Élise se rend dans une petite pièce et ouvre un grand placard. Scies sauteuse et circulaire, marteaux, truelles et autres spatules… Le matos du parfait bricolo ! « Cette outiltèque est accessible aux particuliers pour 10 euros par an en plus de l'adhésion », informe l'animatrice.

Cet autre service complète la panoplie de l'Atelier. Ce couteau suisse de la rénovation solidaire peut aussi intervenir hors des immeubles. Comme pour mieux souligner la dynamique collective qu'il a mis en place, l'Atelier a réalisé une série de bancs et tables en bois dans un espace vert un peu délaissé, au pied des tours.bUn projet impulsé par Anaïs Ampe, volontaire en service civique auprès de l’association et elle aussi jeune diplômée en archi. Du mobilier qui a été adopté par les habitants. « Rien n'a été dégradé. Lorsque que les gens participent, ils respectent davantage les choses », estime Alexandra, qui habite un des immeubles à proximité. De chez soi à la réappropriation de l'espace public, il n'y a qu'un pas…

Plus d'infos :
www.facebook.com/LAtelier-Solidaire-dEmpalot-1506477273005394
www.compagnonsbatisseurs.org


INTERVIEW

DOMINIQUE GAUZIN-MÜLLER : « Construire écologique n’est pas forcément plus cher ! »

 

L’architecte Dominique Gauzin-Müller est une des plus grandes spécialistes françaises du bâtiment écologique. Enseignante à l’École d’Architecture de Strasbourg et auteure de nombreux ouvrages, elle a été rédactrice en chef du magazine Ecologik de 2007 à 2016. Elle dirige aux éditions Muséo la collection Transition écologique et prépare actuellement un livre consacré à la construction durable dans l’habitat social. Parution prévue pour le premier semestre 2018…

 

Comment qualifier aujourd'hui le parc français d'habitat social au regard des exigences de l'habitat écologique ?
Il y a plus d'innovations en matière d’économies d’énergie, d'utilisation de matériaux bio-sourcés ou géo-sourcés et de démarches participatives menées par des bailleurs sociaux que par des promoteurs privés. Tous les offices d’HLM ne sont pas des militants écologistes, mais certains sont très engagés. Sur le territoire de Bordeaux Métropole, Aquitanis travaille par exemple sur toutes les dimensions de l'habitat durable : énergie, rénovations, bâtiments en bois local venant des Landes, constructions en terre crue… Il est aussi reconnu pour son implication sociale, notamment via le projet d’habitat participatif et coopératif « La Ruche ».

Selon vous, l'habitat écologique doit-il concerner en priorité le logement social ?
Bien entendu ! D'abord pour donner l'exemple. Ensuite, parce que l'Habitat à Loyer Modéré loge une grande partie de la population. Et aussi parce que les foyers bénéficiant de l'habitat social sont souvent financièrement fragiles. Et qu'il convient de baisser leurs charges pour éviter les situations de précarité énergétique. Ceci dit, la précarité énergétique touche surtout des seniors propriétaires de pavillons construits dans les années 1960 ou 1970, qui sont de véritables passoires énergétiques. L'habitat social n'est donc pas le seul levier pour lutter contre ce fléau.

Les bailleurs sociaux font peut-être souvent la confusion entre habitat écologique et habitat thermiquement performant. Or un logement BBC n'est pas forcément construit avec des matériaux sains ?
Tout à fait ! Je défends depuis longtemps une approche holistique de l’architecture. C'est-à-dire globale et pluridisciplinaire. Il convient d'abord de penser l'échelle de l'urbanisme : rapprocher l'habitat du travail, des commerces et des services pour éviter les longs déplacements, sources de pollution et de fatigue. Il faut aussi penser l'environnement des bâtiments. Les aménagements paysagers comprenant des espaces végétalisés changent la vie des habitants.

Puis, il faut réfléchir à l'architecture. Un immeuble peut être passif ou BBC, tout en étant réalisé avec des matériaux qui demandent beaucoup d'énergie dite « grise », dépensée tout au long de leur cycle de vie : béton, isolation en polystyrène… Il convient de favoriser le recours à des matières saines, locales et naturelles, comme le bois, la terre ou la paille.

Cependant, est-ce que les coûts de l'habitat écologique peuvent être supportés par les bailleurs et maîtres d'ouvrage publics ?
Construire écologique n'est pas forcément plus cher ! Cela dépend de la façon dont on pense le projet. Il est par exemple possible de se concentrer sur la réalisation de surfaces dont on a impérativement besoin, en réduisant ou en mutualisant certains locaux entre les habitants d'un immeuble. Il est aussi possible de livrer le gros œuvre et de faire participer les futurs locataires à certains travaux, comme les peintures ou les enduits. Participer à la construction de son logement est très valorisant, et on prend plus soin de ce que l’on a fait soi-même !

Vivre dans un logement performant nécessite une phase d'appropriation par les habitants, pour apprendre à se servir des systèmes de traitement d'air ou de chauffage. Les bailleurs sociaux doivent-ils « former » les futurs occupants à l'utilisation de ces techniques ?
Certains bailleurs commencent à changer de point de vue sur les installations techniques, car elles ne sont pas toujours assez robustes. Chez Aquitanis, par exemple, l'accent est mis aujourd’hui sur la frugalité, notamment en favorisant la ventilation naturelle. Il faut alors que les logements soient traversants pour que l'air puisse circuler. On peut aussi mettre systématiquement des fenêtres dans les salles de bains, comme le fait l'architecte Philippe Madec. Quelques bailleurs commencent à recourir à des matériaux qui régulent l’humidité de l’air, comme la terre crue. Certains font le choix d'investir dans des matériaux sains et produits localement. Ce qui est également bénéfique pour l'économie des territoires !

À lire
Habitat social d'aujourd'hui, par Dominique Gauzin-Müller, Éditions Muséo, 2018 ; Habiter les lieux : de la RSE à la transition, par Bernard Blanc, directeur d’Aquitanis, Éditions Muséo, 2017.

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