[DRÔME] Planter des arbres pour se rencontrer

Publié le lun 26/07/2021 - 13:01
© Élodie Potente

Par Élodie Potente

Deux associations de la vallée de la Drôme se sont lancé le pari fou de planter 10 000 arbres d’ici 2023 sur le territoire. Un projet qui rassemble des associations, des collectivités et des bénévoles autour de vergers publics et partagés. Des graines de biodiversité et de lien social.

Le projet est né un peu par hasard, à Die, dans la Vallée de la Drôme. En 2020, Claude Veret, récupère 700 arbres fruitiers chez son pépiniériste. « Il m’a dit qu’il allait les broyer, raconte ce militant de l’association Écologie au quotidien. Je lui ai dit : mais tu es fou de broyer des arbres que tu élèves depuis plusieurs années ! C’est comme si tu broyais des chevreaux ou des agneaux ! » Décidé, il contacte l’association Biovallée, basée à Eurre, un village à une quarantaine de kilomètres, et dont il est administrateur. En trois semaines, le projet est monté pour distribuer des arbres à des lieux publics, des collectivités locales ou des écoles, afin de ne pas faire de concurrence directe au pépiniériste. L’opération fonctionne si bien que l’année suivante, les deux associations lancent l’opération « Sous les arbres... rejoignons-nous ! ». Une soixantaine de structures porteuses de projets s’y engagent et plantent près de 2 000 arbres. Parmi elles, l’association Les jardins de Samare, basée à Mirabel-et-Blacons, petite bourgade de 1 100 âmes, face à la montagne des Trois Becs. Mathieu Doré et Noé Tissot, deux jeunes du cru revenus sur leurs terres natales, y ont transformé un terrain en potager et verger collectifs. « C’est grâce à l’opération de plantation d’arbres que l’on s’est vraiment lancés », raconte Mathieu. Une quarantaine de fruitiers ont été plantés par des bénévoles fi n janvier. Depuis, l’association organise des après-midis de jardinage tous les mercredis. « Environ 25 personnes passent régulièrement jardiner, indique le co-fondateur des jardins. On s’appuie beaucoup sur la compétence de nos bénévoles, mais nous sommes aussi allés chercher des conseils de professionnels. » Une commission verger s’est créée pour veiller à la bonne croissance des fruitiers.
Ce mercredi après-midi, sous le soleil, quatre personnes arrosent cerisiers, pommiers et poiriers, tandis que d’autres entourent Robert, bénévole spécialiste des plantes aromatiques, pour un cours en plein air. Ces temps d’animation sont des moments précieux, surtout pendant cette période de crise sanitaire. « L’idée est de faire de ces jardins un lieu de vie collectif », ajoute Mathieu.

Coopérer

Car l’enjeu de l’opération menée par Biovallée et Écologie au quotidien n’est pas seulement de planter des arbres, mais aussi de semer des graines de collectif. « La première opération de plantations a été une petite étincelle, la seconde nous a permis de recréer du lien avec la population », raconte Philippe Huyghe, président de l’association Biovallée. Se réunir autour des arbres est devenu la clé d’une collaboration rêvée depuis toujours par Claude Veret. « Je suis persuadé que, sur ce territoire, il faut arriver à ce que les entreprises, les associations et les politiques coopèrent autour d’une vision commune », affirme-t-il. Pour lui, cette plantation est une illustration de cette coopération possible. Pari réussi puisque certaines entreprises ont aidé gratuitement à creuser les trous, d’autres ont prêté du matériel ou donné une cinquantaine de cuves de 1 000 litres pour stocker l’eau nécessaire à l’arrosage des arbres. « Avec ces arbres, on a démarré une boucle positive, on a créé des expériences réelles sur le terrain, se réjouit Tao Carpentier, salarié de l’association Biovallée. Pour aller plus loin, on va organiser vingt demi-journées de formation sur l’entretien des arbres, dispensées par des structures de la vallée. » Ensuite, les fruits pourront être cueillis par des gens, collectivités ou élèves.

Réunir

L’enthousiasme de la population et des structures porteuses de projets continue de surprendre les membres des deux associations. « Cela paraît simple de planter un arbre. Mais grâce à ce geste simple, des personnes qui s’étaient divisées lors des dernières élections municipales se sont reparlé pour la première fois », se félicite Claude Veret. Recréer du lien social est « un travail de fourmi », mais qui porte de beaux fruits. Plusieurs opérations de plantation ont ainsi favorisé les rencontres intergénérationnelles. « La mairie du petit village de Pontaix a organisé autour de la plantation des fêtes réunissant enfants et personnes âgées », raconte Estelle Gilliot, salariée d’Écologie au quotidien. Les enfants du village du Diois et des alentours vont pouvoir devenir parrains et marraines d’un arbre. Or pour Claude Veret, « apprendre à prendre soin d’un arbre, c’est aussi apprendre à prendre soin de son environnement, de la planète et indirectement des autres. »

Essaimer

L’opération de plantation d’arbres essaime maintenant dans toute la vallée de la Drôme. « Il y a des initiatives et des animations partout. Ce n’est pas dans un village ici ou là, c’est vraiment un phénomène général », applaudit Philippe Huyghe. Une pierre de plus à l’édifi ce de ce territoire déjà bien avancé sur la transition écologique avec ses 30 % de terres agricoles en bio, ses réflexions collectives sur la souveraineté alimentaire et ses nombreuses initiatives citoyennes. « L’arbre a été un symbole et un moyen pour créer cette émulation et cette rencontre », estime Tao Carpentier. Ailleurs dans le département, on réfléchit à mener d’autres opérations de ce type. Une association du Lot est en train de créer un projet de la même envergure. Un essaimage logique pour Philippe Huyghe : « je suis convaincu que la plantation d’arbres peut se faire partout et que des gens sont capables de se mobiliser
pour cela,
affirme-t-il. Dans la vallée de la Drôme, le projet se pérennise et il suffit de donner l’idée à d’autres territoires ». Grâce à cette mobilisation citoyenne, la biodiversité a pu se réinstaller un peu partout. « Il est important de recréer de la biodiversité banale dans des endroits communs », assure Claude Veret. Dans des villes où la canicule se ressent plus fortement chaque été, les arbres créent des espaces ombragés et, plantés le long des champs, ils aident aussi les exploitations agricoles à lutter contre la sécheresse.

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