ACCOMPAGNER les enfants en difficulté

Publié le mar 26/09/2017 - 16:38

Près d’un enfant sur 8 rencontre des difficultés dans ses apprentissages moteurs, sociaux, émotionnels et cognitifs. Pour ces enfants « extraordinaires », les risques d’échec scolaire et d’exclusion sociale sont élevés. Quant aux familles, qui se retrouvent parfois dans des impasses, elles peuvent désormais se tourner vers la Meex, la Maison des enfants extraordinaires, dans le Gard. Un lieu coopératif dédié à ces enfants en difficulté d’apprentissage, qui leur permet de retrouver l’espoir.

Par Céline Cammarata

« UNE FAMILLE… EXTRAORDINAIRE » !

Dans le Gard, en zone rurale, la Maison des enfants extraordinaires – MEEX – propose des solutions concrètes pour faire face aux troubles de l’apprentissage. Ce lieu né d'une initiative citoyenne œuvre pour le mieux être des enfants et une inclusion scolaire et sociale. Reportage.

À Sauve, lors de mon arrivée à la Meex – Maison des enfants extraordinaires, – je suis accueillie par des enfants qui s’essaient au trapèze, font des roulades, s’amusent sur un grand praticable. Les adultes échangent autour d’un café ou se détendent avec les enfants dans la salle d’attente. Ils lisent sur un canapé, jouent au billard… Filles et garçons sont là pour une semaine de préparation à la rentrée scolaire. Le mode d’apprentissage des enfants « extra » ordinaires ne s’adapte pas toujours aisément au système scolaire classique.
Aussi, cette structure ouvre-t-elle ses portes avant la rentrée scolaire, pour proposer des activités ludo-thérapeutiques adaptées, encadrées par des professionnels diplômés et spécialistes du développement de l’enfant : psychomotricien, ergothérapeute, éducateur spécialise, enseignant spécialisé, orthophoniste, formateur aux échecs… Ce lieu est dédié aux enfants confrontés à des troubles Dys (dyslexie, dyspraxie…), des troubles autistiques, de l’hyperactivité, des troubles de l’attention… Ces handicaps ne se remarquent pas forcément mais peuvent entraîner des attitudes déconcertantes pour des personnes ni formées, ni même informées. Ici, les besoins et les attentes sont entendus dans le cadre d’une approche neuro-développementale. Les parents apprennent que la situation de leur enfant n’est pas « figée », que l’on peut l’aider à progresser.

Ce stage intitulé « Cap sur la rentrée » se déroule sur une semaine, de 10 h à 13 h. Pour les 6/11 ans, le programme alterne atelier d’expression théâtrale, atelier art et graphisme, jeux de mots (vocabulaire, orthographe, grammaire) et atelier logique et mathématiques (base de calcul, repérage temps et espace). Pour les 11/15 ans, il est basé sur un atelier intitulé « Jouer aux échecs et se jouer des maths ».

Écoute et bienveillance

Le groupe des plus jeunes se réunit, pour l’expression théâtrale, dans une salle avec Nicolas Lebas – psychomotricien formé à l'approche d’intégration neurosensorielle, – Cécile Lebas, éducatrice spécialisée dans un institut médico-éducatif, et Zoé Duponchel, comédienne et formatrice. En cercle, tout ce petit monde débute par le salut puis exprime « sa météo des sentiments » grâce des gestes définis. Cet atelier se découpe en deux séquences, Nicolas Lebas en définit les contours : « La première partie consacrée à l’éveil corporel vise à ressentir son corps, pour apprendre à se représenter soi, à représenter l’autre, l’espace et le rythme. Nous encourageons les enfants à faire des expériences, à trouver de la solidité. La deuxième partie utilise des jeux de théâtre et d’improvisation afin de développer le langage, la créativité, l’interactivité tout en s’individualisant et en se découvrant. » Les exercices s’enchaînent et évoluent au gré de la séance et des propositions des enfants. Coordinateur des activités de la Meex, Nicolas Lebas précise : « Certains rencontrent de grandes difficultés pour s’exprimer, d’autres ont beaucoup de mal à se contenir. De ce fait, ils accèdent difficilement à des activités. Ils font de gros efforts pour s’insérer, notamment à l’école, et pourtant on leur renvoie toujours "qu’ils ne font pas d’effort". Cela affecte totalement leur confiance en eux. Ils s’expriment avec difficulté mais ont toutes les capacités de compréhension. Si l’on n'appréhende pas leur difficulté initiale, des difficultés supplémentaires se surajoutent. Nous sommes là pour éviter le sur-handicap. »

Une initiative citoyenne

À l’origine de la Maison des enfants extraordinaires, une chercheuse en développement local, Cécile Martignac : « Lorsque nous déménageons à Washington, mon fils de trois ans développe en 6 mois des troubles autistiques. Je cherche des solutions et je rencontre Isabelle Babington, une ergothérapeute franco-américaine. Elle obtient de très bons résultats avec mon enfant et me forme pour que je puisse le suivre à domicile. Lorsque nous rentrons en France – à Montpellier –, je fais alors face au manque de structures pour les enfants ne relevant ni d'une scolarité ordinaire, ni d’un suivi en institut médico-social. Notre groupe de professionnels se crée et, tout de suite, notre parti pris est l’accompagnement des enfants pour une inclusion scolaire et sociale. C’est l’esprit de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances. Notre dispositif vient en appui à la mise en œuvre de la loi. Nous voulions participer à la recherche de solutions, mais en milieu rural. » Ils misent sur les effets bénéfiques qu’une offre de services pour enfants en difficulté peut offrir à une zone en pleine revitalisation. Dès 2014, cette équipe de professionnels convaincus lancedes enquêtes de terrain, des réunions publiques et des entretiens individuels pour connaître les besoins du territoire.
Leur projet est retenu dans l’appel d’offres d’Alter’incub (incubateur d'innovation sociale). Il remporte le prix Coup de pousse des entreprises innovantes en Languedoc-Roussillon et le coup de cœur du salon Midinvest. En 2016, le projet devient réalité et bénéficie de l’accompagnement de l’URSCOP (Union régionale des Scop) et de la région Occitanie. Ainsi, l’activité démarre et la maison accueille tout au long de l’année, puis en stage durant les vacances scolaires, les enfants et leurs parents. Car outre l’accompagnement des enfants, en groupe ou personnalisé par une équipe pluridisciplinaire, la structure propose de la guidance à des parents souvent démunis devant les besoins de leur enfant. Elle leur ménage aussi des espaces de respiration. Malgré cette preuve par l’exemple de la nécessité d’un tel lieu, rien n’est encore gagné. Car si la Meex s’autofinance en partie grâce à ses différentes activités, elle se bat pour des financements qui permettent d’alléger la charge financière des parents. Ainsi pour ce stage d'une semaine le coût pour les familles est en principe de 175 euros. Mais grâce à des co-financements publics ou à la participation des mutuelles, celles-ci ne règlent généralement que 50 %. La Meex poursuit la recherche de partenariats en ce sens. 

 

« Pour nous, le résultat est flagrant »


Dès la petite section de maternelle, l’enseignante a alerté Alice et son conjoint sur le comportement « différent » de leur enfant. Cet enfant détecté précoce saute une classe. Très anxieux, se dispersant facilement, avec la peur de mal faire, il a bénéficié d’une AVS***. Malgré cela et le suivi d’une psychologue, la situation s’est dégradée et les parents se sont sentis acculés par l’école qui voulait envoyer leur fils en ITEP*. Le suivi auprès du MPEA** n’a rien changé pour ce garçon atteint d’un trouble de l’attention et d’hyperactivité. L’an dernier, il n’a pu aller en classe qu’à mi-temps. « Nous étions en contact avec la Meex avant son ouverture. Leur suivi, débuté dès l’ouverture en 2016, a fait évoluer les choses. Ils ont pris contact avec l’école. L’équipe pédagogique a enfin compris que nous n’étions pas des parents démissionnaires. Les professionnels de la Meex nous ont accompagné et expliqué certaines choses. Par exemple, le fait que rien ne sert de vouloir le calmer en l’obligeant à s’assoir. Il faut au contraire lui proposer de courir lorsqu’il est trop agité. En fin d’année, le bilan scolaire a démontré ses progrès et pour nous le résultat est flagrant. »

*ITEP : institut thérapeutique éducatif et pédagogique
**MPEA : pôle psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de Nîmes
***AVS : assistante de vie scolaire

Plus d'infos : Meex. 1, chemin des garennes, 30610 Sauve. 07 88 53 37 70
meexlab.com


INITIATIVE

Éducateurs à domicile

Il n'est pas rare que les parents d'enfant en situation de handicap doivent patienter des mois, voire des années, avant de pouvoir obtenir une place dans un établissement médico-social spécialisé. Face à cette situation, cinq éducateurs de la région de Montpellier ont créé en 2015 Alter Ego Educ. Cette association propose des actions de soutien éducatif dans les familles pour épauler les parents dans leur rapport quotidien avec leur enfant.

Par François Delotte

Les éducateurs spécialisés d'Alter Ego Educ interviennent à domicile pour épauler des familles confrontées au handicap. © DR

« Les individus que nous accompagnons souffrent souvent de handicap mental, parfois de déficience intellectuelle ou de déficit de l'attention. Ce surajoute fréquemment à cela des problématiques liées à l'adolescence », détaille Erwan Many, co-fondateur de l'association. « Nous intervenons actuellement auprès de douze familles dans l'Hérault. Nous proposons d'établir un dialogue et de l'empathie entre les enfants et les parents. Beaucoup de familles sont dans des situations difficiles. Nous les aidons à reprendre confiance en elles », commente Erwan Many.

Libérer la parole

Mais attention : il ne faut pas confondre soutien scolaire et soutien éducatif. « Nous pouvons utiliser les devoirs comme un support pour travailler sur les dynamiques d'organisation. Mais nous ne sommes pas des profs », prévient l'éducateur. Lui et ses collègues passent du temps avec les jeunes pour, par exemple, les accompagner à leur club de sport en faisant le lien avec l’entraîneur, ou encore chez le dentiste. Il s'agit de décharger un temps les familles. Mais aussi d'établir un dialogue avec le jeune à partir des expériences du quotidien et de libérer sa parole. La structure estime le quota d'intervention minimal à deux heures par semaine à raison d'un tarif fixé à trente euros de l'heure. La prestation peut être en partie prise en charge par la CAF et le Conseil départemental. « Mais il demeure toujours un reste à charge pour la famille », confie Erwan Many. Alter Ego Educ interviendra dès la rentrée dans des familles du Gard. Prochaine étape : fonder une coopérative qui associerait éducateurs et bénéficiaires du dispositif.

Plus d'infos : www.alteregoeduc.wixsite.com

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