Quatre alternatives à l'essence et au diesel

Publié le jeu 10/01/2019 - 10:14

Un champ de colza, la plante qui sert à fabriquer un agrocarburant, mélangé notamment au diesel. © Pixabay

par Nicolas Troadec
GPL, GNV, hydrogène, biodiesel… Sous ces noms exotiques se cachent des carburants plus ou moins propres, tous émetteurs de CO2 à un moment de leur vie. Certaines filières émergent, comme le bioGNV, tandis que celle des agrocarburants évolue. 

Les agrocarburants sont déjà là

Le biodiesel et le bioéthanol, des agrocarburants issus de végétaux, sont déjà « utilisés massivement dans le transport », explique Antonio Pires da Cruz, responsable Carburants et émissions à l’institut français du pétrole et des énergies nouvelles (Ifpen). Lorsqu’on achète du gazole à la pompe, 7 à 10 % de biodiesel dérivé d’huiles végétales y est incorporé, en application d’une demande de l’Union européenne. L’essence aussi en bénéficie : le SP95 contient 5 % de bioéthanol. Quant à l’essence E10, le taux de bioéthanol est de 10 %. Enfin, il existe le E85, « une essence très éthanolée, qui contient entre 65 et 85 % de bioéthanol, mais qui n’est pas utilisable dans toutes les voitures », précise Antonio Pires da Cruz. Pour le consommer, il faut installer sur son véhicule un boitier homologué qui coûte environ 700 euros. « Compte tenu du prix faible de ce carburant, ça peut être intéressant de transformer sa voiture avec ce fameux kit », estime le responsable d’Ifpen. Quant au B100, carburant à 100 % d’origine végétale, il est pour l’heure destiné aux professionnels des transports.

En juin dernier, l’Union européenne a décidé de porter à 2030 l’interdiction de l’importation des agrocarburants de première génération, à base d’huile de palme, de colza et de soja, la production de ces huiles étant responsables de déforestations massives. Les eurodéputés demandaient la fin des importations à 2021. L’enjeu économique est important : à La Mède, dans les Bouches-du-Rhône, la bioraffinerie de la multinationale Total va importer 300 000 tonnes d’huile de palme par an. Mais la donne pourrait peut-être changer : lors d’une séance à l’Assemblée nationale, le Modem est parvenu à faire voter un amendement visant à supprimer la défiscalisation dont bénéficiait l’huile de palme comme biocarburant. Une première étape pour rendre les agrocarburants plus vertueux !

 


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BioGNV, du gaz de déchets végétaux dans le moteur

Le gaz naturel pour véhicules (GNV), qui est le même qui alimente nos habitations, émet 25 % de CO2 de moins que l’essence, et jusqu’à 15 % pour le diesel. Surtout, il n’émet aucune particule fine et 90 % d’oxydes d’azote en moins. Ce gaz, composé à 97 % de méthane, est directement issu des différents forages gaziers et pétroliers. Mais il peut aussi être produit à produit à partir de la méthanisation de nos différents déchets organiques. Certes, il émet toujours du CO2 à la combustion, mais ce mode de production rend son bilan carbone neutre. On parle alors de bioGNV.

Le problème, « c’est que le réseau de distribution de GNV n’est pas très développé, ainsi que la flotte de véhicules », estime Paul Mathis, ancien chercheur au commissariat à l’énergie atomique (CEA) de Saclay. Et la couverture nationale n’est pas encore assurée. D’autres filières du biogaz sont à explorer : à titre d’exemple, la compagnie de croisières Hurtigruten compte utiliser les restes de production de l’industrie de la pêche, transformés en biogaz liquéfié, comme carburant pour leurs bateaux.

Seven : développer le BioGNV dans le grand sud

Implanter 50 stations de BioGNV en Occitanie dans les deux ans à venir : c’est l’objectif de Seven. Cette société basée à Montpellier est lauréate d’un appel à projets de l’Ademe. À ce titre, elle bénéficie d’une enveloppe de 6 millions d’euros pour développer l’usage de ce carburant peu polluant par des transporteurs, des collectivités ou des PME. « L’argent de l’Ademe est destiné à prendre en charge un tiers du surcoût d’un véhicule lourd fonctionnant au BioGNV », indique Anna Pautard, responsable de projet pour Seven. L’entreprise intervient sur tous les maillons de la filière, de l’unité de production à la création de stations-service, qui seront aussi accessibles aux particuliers. Le projet a pour but de se développer sur l’ensemble du grand sud : l’ouverture d’une première station est prévue à Nice pour l’été 2019.

Plus d'infos : www.sevenoccitanie.fr

L’hydrogène, un gaz pas si propre… et peu accessible

Quand on parle d’hydrogène, le problème des infrastructures de distribution est décuplé, par rapport au bioGNV (lire page 65). Si l’hydrogène ne rejette que de l’eau à sa combustion, il est aujourd’hui massivement produit à partir de pétrole et de gaz, avec un mauvais bilan carbone. Seulement 1 % de l’hydrogène mondial est produit à partir d’eau, grâce à l’électrolyse. Cependant, ce moyen de production, « c’est le sens de l’histoire », juge Jérémie Almosni, chef de service Transport et mobilité à l’Ademe. « Si on fait de l’électrolyse à partir d’énergie renouvelable, on est dans un cerce vertueux », estime-t-il.

Et pour pouvoir utiliser de l’hydrogène dans son véhicule, il faut une pile à combustible. Une technologie maîtrisée, mais qui coûte très cher : la Toyota Mirai est par exemple vendue à partir de 66 000 euros, la Hyundai NEXO à partir de 72 000 euros… Et il faut une station fournissant de l’hydrogène à côté de chez soi. Mais la filière est en développement : selon une étude de l’Hydrogen council, entre 10 et 15 millions de voitures et 500 000 camions pourraient rouler à l’hydrogène en 2030, dans le monde. En Auvergne-Rhône-Alpes, le projet « Zero emission valley » a pour but de déployer 20 stations et 1000 véhicules à hydrogène sur le territoire.

Le retour du GPL ?

Le gaz de pétrole liquéfié (GPL) est, comme son nom l’indique, issu de l’extraction fossile. Il est issu à 60 % du gaz naturel et à 40 % du pétrole. « Dans un litre de pétrole, il y a des tas de molécules de différents poids, dont on peut extraire une certaine quantité d’essence, de gazole, de fioul lourd, explique Antonio Pires da Cruz, de l’institut français du pétrole et des énergies nouvelles (Ifpen). Le GPL était intéressant, parce qu’il permettait d’utiliser des fractions très légères du pétrole, qui n’étaient pas rentabilisées dans le processus. » Il rejette entre 15 et 20 % de CO2 de moins que l’essence ou le diesel, et émet 97 % moins de particules fines, ainsi que de monoxyde de carbone.

Il est encore possible d’acheter un véhicule roulant au GPL bien sûr, « mais aujourd’hui, les constructeurs vont plutôt investir dans des véhicules électriques, plutôt que de faire des moteurs qui soient plus performants avec des hydrocarbures classiques ». Le GPL s’est fait oublier ces dernières années, mais il a tendance à revenir : le prix à la pompe est plus intéressant que l’essence ou le diesel, le réseau de distribution est devenu suffisamment dense, les véhicules ne sont pas plus chers que ceux roulant aux carburants classiques, et il a presque une image « écolo », malgré son origine pétrochimique.

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