Par Quentin Zinzius
Se passer du pétrole implique de nombreux changements sociétaux. Que ce soit d’un point de vue d’autonomie alimentaire ou énergétique, ou simplement de cohérence avec les territoires, la souveraineté peut, elle aussi, se réinventer à différentes échelles.
Alors que la guerre fait rage en Ukraine, une question est revenue sur le devant de la scène : celle de la souveraineté de nos pays. Dépendants de l’énergie des uns, des moyens de production des autres, cette crise rappelle à la France – et aux autres pays européens – que certains besoins sont primordiaux, et que l’équilibre du monde est précaire. Un équilibre d’autant plus menacé par le changement climatique, comme le rappel le dernier rapport du GIEC(1) sorti le 28 février 2022 : « La vulnérabilité des populations au changement climatique varie considérablement d’une région à l’autre et au sein d’une même région, sous l’effet de schémas de développement socio-économique croisés, [...] des inégalités [...] et de la gouvernance(2) ». Coup du sort : deux jours plus tard, le Président Macron annonçait un renfort du plan de relance européen, en vue de tendre vers « une Europe plus indépendante, plus souveraine » .
Souveraineté globale…
Une souveraineté européenne qui devrait reposer sur un élément majeur : le redéploiement du nucléaire. Si au départ, « les opinions européennes sur le nucléaire étaient très variées », expliquait Sylvaine Dhion, ingénieure et membre du Shift Project, avant que le conflit ukrainien n’éclate, de plus en plus de pays songent à s’en remettre à l’atome : la France en tête, mais aussi l’Allemagne et la Finlande. Un retour en force qui définirait très clairement et pour longtemps, la « nouvelle » souveraineté européenne : « un pouvoir politique fort et centralisé, voire policier dans les cas les plus extrêmes, pour gérer les risques importants liés à son utilisation », décrivait, dès 1977 Robert Jungk dans son livre Der Atomstaat. Une centralisation du pouvoir et des ressources qui a pourtant déjà montré ses limites, lors de la crise sanitaire : « L’Île-de-France, qui compte 12 millions d’habitants, et ne produit que 10 % de ce qu’elle consomme, a frôlé la pénurie », relate Agnès Sinaï, journaliste et fondatrice de l’Institut Momentum.
… ou locale !
Alors, avec l’Institut Momentum, elle porte une autre vision de la souveraineté, plus locale : la bio-région(3). « Il s’agit de se réinsérer dans les milieux, de s’appuyer sur les ressources naturelles d’un territoire afin de viser une autosuffisance locale, tout en restaurant les écosystèmes locaux », explique-t-elle. Un équilibre qui repose sur un développement agricole « intensif en termes d’agroécologie et de permaculture », mais aussi et surtout, un véritable redécoupage géographique : « La première étape consiste à redéfinir nos territoires en fonction des réalités géologiques et écologiques locales », décrit la journaliste. Une région « gouvernée par la nature », mais aussi et surtout, par les citoyens : dans ce système, « l’État et l’Europe n’occupent plus une place prédominante dans les institutions, car chaque décision doit être adaptée aux différentes réalités locales », explique Agnès Sinaï. Le rapport précise même ce redécoupage politique en « assemblées d’élus réunis en comités locaux, municipaux et bio-régionaux ». « Ce n’est pas une idéologie du repli, reprend la journaliste, bien au contraire. C’est un modèle d’ouverture sur le vivant, d’accueil, et de résilience fondé sur une réalité territoriale, plutôt que sur des objectifs économiques ».