[BLOOM] L’imposture écologique marine du gouvernement devant le Conseil d’Etat

Publié le ven 07/10/2022 - 10:42

Par BLOOM

BLOOM attaque aujourd’hui devant le Conseil d’État un décret antiécologique du gouvernement Macron amoindrissant la protection de l’océan. BLOOM publie simultanément une étude exclusive révélant l’intensité des activités de pêche industrielle dans les aires marines, qui sont de fait tout sauf « protégées ».

Après quatre mois d’attente et en l’absence de réponse donnée par le gouvernement au recours gracieux déposé par BLOOM le 8 juin dernier, BLOOM a décidé d’attaquer devant le Conseil d’État le décret (1) paru le 12 avril au Journal officiel  faisant peser une grave menace sur l’océan et les écosystèmes marins. Sous des apparences techniques, le texte amoindrit dramatiquement la protection des « aires marines protégées ».

BLOOM publie également aujourd’hui même une étude inédite prouvant qu’en France, les aires marines dites « protégées » (AMP) ne le sont pas du tout. La recherche de BLOOM, menée par Paco Lefrançois à partir des données satellite des navires de pêche (2), révèle qu’en 2021, la pêche industrielle passe près de la moitié de son temps (plus de 47%) à pêcher dans des aires marines supposément « protégées ». 

La période d’analyse allant du 1er janvier 2015 au 31 juillet 2022 révèle que les navires industriels passent désormais autant de temps dans les aires marines dites « protégées » que dans les eaux qui ne le sont pas. Car en France, il est parfaitement possible d’extraire des ressources ou de pêcher avec des engins tractés qui raclent les fonds marins comme le chalutage de fond ou la senne démersale dans les aires marines dites « protégées ».

Les aires marines « protégées » promues en exemple par la France, comme le parc marin de la Mer d’Iroise, sont totalement inefficaces pour protéger le milieu marin. En 2021, la pêche industrielle a consacré près de la moitié de son temps (plus de 47%), à pêcher dans les aires marines « protégées » de France métropolitaine. Véritables bombes climatiques et menaces pour la biodiversité, les techniques de pêche qui raclent les fonds marins ne sont pas en reste : pour la seule année 2021, les chalutiers ont sévi quelques 274 000 heures dans ces aires marines faussement protégées mais véritables « parcs de papier ».

Alors que l’Union internationale de la nature (UICN) a clarifié que toutes les activités industrielles devaient être interdites d’une aire marine pour que celle-ci puisse être appelée « protégée » (3), le gouvernement Macron n’a pas trouvé mieux que de publier un décret donnant un blanc-seing aux activités destructrices au sein des zones de « protection forte » qui devraient, par définition, être les plus protégées des zones protégées. 

En effet, le décret du 12 avril propose de labelliser comme « zones de protection forte » des aires marines dans lesquelles aucune activité industrielle n’est formellement interdite. Autrement dit, ce décret « blanchit » les activités destructrices dans les zones de « protection forte », alors que celles-ci devraient interdire toute activité humaine, pas seulement les plus destructrices. 

Notons que la communauté internationale s’est accordée sur le fait que toute « aire marine protégée » devait interdire les activités et infrastructures industrielles (dont le chalutage, les extractions de ressources etc.) et qu’au sein des aires marines protégées pouvaient exister différents niveaux de protection dont la « protection stricte » ou « no-take » en anglais qui interdisait tout prélèvement humain, même les pêches artisanales de moins de 12 mètres.

Ce sont évidemment ces zones de protection stricte « no-take » qui fournissent une restauration spectaculaire des écosystèmes marins et les plus grands bénéfices écologiques, climatiques et socio-économiques, en permettant aux stocks de poissons, et donc aux pêcheries avoisinantes, de se reconstituer.

En 2020, l’Union européenne s’est fixé l’objectif de protéger 30% de ses eaux, dont un tiers (soit 10%) sous « protection stricte ». Mais, en dépit de tous les engagements pris par Emmanuel Macron, son gouvernement amoindrit l’ambition écologique européenne pour l’océan en créant une définition juridique dans laquelle les industries extractives pourront s’engouffrer pour poursuivre leurs activités bio-climaticides dans les zones supposément protégées. 

Le 21 septembre 2022, le Président de la République Emmanuel Macron annonçait à la tribune des Nations Unies à New York que « nous devons protéger ensemble nos puits de carbone et nos trésors de biodiversité ». A quelques semaines de la COP27 sur le climat et de la COP15 sur la diversité biologique, la France doit passer des paroles aux actes et se doter d’un régime de « protection stricte » qui soit conforme aux recommandations scientifiques internationales dans 10% de ses eaux, et interdire la pêche industrielle, dont le chalutage de fond, dans l'ensemble de ses aires marines dites « protégées ». 

(1) Décret n°2022-527 du 12 avril 2022 pris en application de l’article L. 110-4 du code de l’environnement et définissant la notion de protection forte et les modalités de la mise en œuvre de cette protection forte.

(2) BLOOM a analysé les trajectoires des navires de la pêche industrielle dans la zone économique exclusive de France métropolitaine à partir des données Global Fishing Watch.

(3) Cette définition est issue des recommandations de l’UICN, ainsi que des lignes directrices permettant leur application. “The World Conservation Congress […] CALLS ON governments to prohibit environmentally damaging industrial activities and infrastructure development in all IUCN categories of protected area”. IUCN Resolutions, Recommendations and other Decisions World Conservation Congress Honolulu, Hawaii, United States of America, 6–10 September 2016», septembre 2016.

Garantissez l'indépendance rédactionnelle et financière de Sans transition !