[THEMA] Réconcilier le temps court de l’action avec le temps long de l’agriculture

Publié le ven 17/02/2023 - 11:00

Par Hermine Chombart de Lauwe, déléguée générale du Conseil national pour la résilience alimentaire (1)

Qu’est-ce que la résilience alimentaire ? Il s’agit tout simplement de nourrir notre population de façon adaptée, durable et accessible à tous et toutes dans le temps. Chaque terme a son importance. Cela signifie que nos systèmes alimentaires sont en capacité d’intégrer et d’assimiler les crises qui se présentent pour revenir à une nouvelle forme d’équilibre et conserver leur mission première.

Notre système actuel est hérité des lendemains de la Seconde Guerre mondiale : l’enjeu de nourrir la population était alors majeur. S’il est vrai que nombre de personnes souffrent malheureusement encore de la faim dans le monde, il s’agit plus d’un problème de répartition que d’un déficit de production. Nous y sommes donc globalement parvenus. Cependant, nous ne pouvons plus continuer à produire comme nous le faisions et notre système doit se réinventer. « Les mesures d’urgence et de court terme, quoique importantes, ne remplacent pas la nécessité impérieuse de réorganiser le secteur alimentaire sur le temps long dans un objectif de durabilité et de résilience », mentionnait la Commission européenne en mars 2022. C'est la capacité à anticiper qui permettra à nos systèmes alimentaires d'absorber sur le long terme d'autres crises. En effet, notre système doit à la fois être capable de réagir rapidement aux multiples crises dont il est victime et poser une stratégie de long terme pour l’accompagner.

La résilience alimentaire nécessite un changement pour s’adapter au changement climatique, relocaliser la transformation, etc. Tous les acteurs du système sont concernés et doivent prendre leur part du risque lié à ce changement. Les freins sont de trois ordres : culturel, financier et de formation. La modification des pratiques impose de “changer de lunettes” pour se projeter au-delà de la récolte ou de l’année en cours et d’identifier les risques qui vont impacter l’activité à terme. Que l’on parle de changement climatique (pluviométrie, température…) ou d’agroécologie (conservation des sols, bio...), il s’agit ici d’évaluer le ratio risque-bénéfice pour opérer ce changement.

Les évolutions à opérer doivent être partagées par tous les acteurs de la chaîne de valeur car la modification de l’un des maillons aura forcément un impact sur les maillons adjacents. Par exemple, si je souhaite travailler mes produits en vrac, mes prestataires logistiques devront s’adapter. Une fois que l’on a accepté de changer ses pratiques, la meilleure démarche est donc de travailler en co-construction avec les partenaires, poser une feuille de route commune et trouver la bonne combinaison, celle qui sera adaptée aux spécificités du territoire et des acteurs. Cette adaptation suppose un effort financier généralement important (changement de machines, de prestataires, de produits...).

De nombreux dispositifs (publics et privés) existent pour accompagner cette transition mais encore faut-il en avoir connaissance ! Un autre frein est en effet lié à la connaissance. Au-delà des constats (scientifiquement prouvés) et de la prise de conscience collective, la formation et la sensibilisation sont nécessaires pour engager le passage à l’action. La connaissance est un levier de transformation puissant qui permet à la fois la compréhension des enjeux sur le long terme et le moyen d’y parvenir.

La résilience alimentaire est une approche complexe car systémique de notre façon de produire. Elle suppose que tous les acteurs, ensemble, non seulement prennent conscience des enjeux, mais engagent aussi une action collective qui sera seule capable de garantir la durabilité de notre alimentation. C’est pourquoi le CNRA (1) s’associe avec l’Agence française de normalisation (Afnor) pour créer un cadre de bonnes pratiques à destination des territoires.

 

(1) Le Conseil national pour la résilience alimentaire (CNRA) est une association loi 1901 née en octobre 2020, qui rapproche tous les maillons de la chaîne de valeur : de l’agriculteur au consommateur en passant par les industriels et la distribution. Elle fédère les acteurs engagés dans une démarche de résilience alimentaire et mutualise les connaissances.

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