[THEMA] L’économie décarbonée : une machine à emplois !

Publié le ven 08/04/2022 - 09:00
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Par Quentin Zinzius

Transports, agriculture, industrie, énergie… Les emplois dépendants du pétrole sont légion. Sans cette source d’énergie, une partie d’entre-eux sont voués à disparaître, au profit d’autres.

C’est la panne sèche. Sans pétrole, fini les moteurs, les camions, les cargos, les usines tels que nous les connaissons. En clair, une majeure partie des machines de l’ère thermo-industrielle. La productivité(1), qui s’était envolée au cours du XXème siècle, maximisant les profits – de certains – et la consommation – des autres – est en chute libre. Les grandes entreprises ferment, la croissance s’arrête, l’emploi… repart de plus belle ! C’est en tout cas ce que planifie le rapport L’emploi, moteur de la transformation bas carbone(2), publié par le Shift Project en décembre 2021. Un bilan positif de 300 000 emplois à l’horizon 2050 [1,1 million de créations et 800 000 pertes], mais aussi et surtout, une décarbonation massive de l’économie, afin de « transformer notre société sur le long terme et répondre aux enjeux écologiques », explique Yannick Saleman, ingénieur-économiste et expert en politiques industrielles, qui a coordonné ce rapport.

L’agriculture et le logement en première ligne

Parmi les secteurs les plus impactés, l’agriculture et le logement tiennent les premières places. Pour ce dernier, l’accent devra être mis « sur la rénovation énergétique, à hauteur de 100 000 emplois créés, reprend Yannick Saleman. Même s’il va y avoir une grosse perte d’emplois sur la construction neuve [presque-200 000], elle est inéluctable car sans réduction de cette activité, nous ne pourrons jamais atteindre la décarbonation totale du secteur – il vaut mieux donc l’anticiper  », insiste-t-il. Quant à l’agriculture : « Près de 500 000 emplois pourront être créés en France sur la production agricole et l’artisanat commercial d’ici à 2050 », explique l’expert du Shift, soit l’équivalent des emplois perdus sur le secteur les trente dernières années. Un « retour en arrière » qui s’annonce difficile : « Nous devons refonder complètement le système agricole, sortir de la doctrine de l’agriculture intensive, et réfléchir à la valeur de la nourriture et sa répartition plus en faveur de l'agriculteur et moins des intermédiaires, transformateurs et distributeurs ». Car il faut créer des emplois, mais surtout des emplois bien rémunérés.

Proximité et localité

En attendant, une autre « tendance » se dessine : la réduction progressive de la part des multinationales – au profit de plus petites et moyennes entreprises. « Sur les dix dernières années, 250 000 emplois ont disparu dans les grandes entreprises, pour 250 000 créations dans les PME », indique Yannick Saleman. Une tendance qui pourrait se poursuivre : « Le soutien aux grandes entreprises n’a jamais eu d’effets prouvés sur l’emploi. Il vaut mieux soutenir les petites entreprises, pour renforcer les écosystèmes entrepreneuriaux locaux. » Une vision partagée par l’Institut Momentum : « Favorisons les savoir-faire locaux qui s’inscrivent souvent dans une réalité territoriale : ressources, mais aussi climat et besoins de la population », explique Lois Mallet, son directeur. Cette nécessité de ré-ancrer les emplois sur les territoires soulève une autre question épineuse  : celle de la relocalisation.

Réindustrialisation partielle

Car la France, pays le plus désindustrialisé d’Europe(3), dépend en grande partie de ses importations ; notamment d’Asie de l’Est et de la Chine. Alors faut-il entamer une réindustrialisation ? Pas si simple, selon Yannick Saleman : « La réindustrialisation a un besoin fort en infrastructures, dont la construction engendre des émissions de GES et des pollutions locales. Si l’on réfléchit purement en termes de GES, la vraie question est donc : vaut-il mieux réindustrialiser ou attendre que la Chine décarbone sa production ? ». Chaque secteur d’activité va donc devoir peser les pour et les contre, entre impacts écologiques et importance d’une production relocalisée, « qui a bien d’autres avantages, comme la création d’emplois bien sûr, mais aussi une plus forte résilience aux chocs énergétiques, d’approvisionnements, de conflit, de pandémie… ces aspects emploi et résilience restent ainsi essentiels dans l’élaboration de nos propositions », conclut Yannick Saleman.

(1) https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/archives/jpf-27-septembre-2013.pdf

(2)https://theshiftproject.org Synthèse décembre 2021 : L'Emploi, moteur de la transformation bas carbone.

  1. https://www.alternatives-economiques.fr Infographie : La désindustrialisation a été plus forte en France qu'ailleurs en Europe.

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