Formation et emploi : surfer sur le web

Publié le lun 07/05/2018 - 14:40

En 2015, le gouvernement lançait le dispositif Grande École du numérique. Aujourd’hui, plus de 400 formations existent sur le territoire pour « favoriser l’inclusion et répondre aux besoins des recruteurs en compétences numériques. » En Occitanie, 15 écoles ont formé 700 personnes en 2017 dans une démarche collaborative avec les entreprises locales. Reportage à Lunel.


BeWeb : tisser sa toile vers un nouvel emploi

À Lunel, rivés sur leurs écrans, une quinzaine de personnes relèvent la tête pour nous saluer. Belle luminosité, poutres apparentes : l’espace est chaleureux. L’odeur du café et le tintement des claviers habitent la pièce. Reportage dans l’antre lunelloise de BeWeb, centre de formation gratuit au développement numérique en juillet dernier.

Par Laurie Abadie et Justine Carnec

Accessible à tous, la formation est labellisée Grande École du Numérique et cofinancée par la Région Occitanie, le Département de l’Hérault, la ville de Lunel, la Direction de la Cohésion Sociale et IBM, qui fournit les ordinateurs aux élèves le temps de l’apprentissage. BeWeb fait partie de la Scop Fondespierre, organisme de formation et d’accompagnement vers l’emploi. Les champs d’actions de cette structure sont larges. Elle dispense des formations en linguistique, service à la personne, en travaux paysagers, ou encore en développement web – par le biais de BeWeb.

VERS UNE CERTIFICATION À BAC+2

Ces formations pré-qualifiantes permettent aux apprenants de rebondir professionnellement. Soit parce qu’ils souhaitent changer de voie, soit parce qu’ils sont éloignés de l’emploi. Car, « la meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler ».C’est ce qu’a exprimé le candidat Emmanuel Macron lors de sa visite à BeWeb en mai 2016, en réponse à des personnes l’ayant interpelé dans la rue au sujet de la loi travail. Eux ne recherchent pas l’obtention d’un costume, mais celle d’une certification bac+2.« La toute première session qui a débuté en avril 2016 ne durait que 6 mois et n’aboutissait pas au diplôme de niveau bac+2. Depuis décembre 2016, cette nouvelle session s’étale sur 10 mois et permet de décrocher ce précieux sésame »,explique Séverine Saint Martin, directrice générale de Fondespierre Ressources Humaines. Un satisfecit déterminant pour leur avenir professionnel. « Avoir un niveau de certification rassure les employeurs. C’est une valorisation importante, donc une rassurance dans les compétences des candidats », ajoute Jonathan Gomez, 25 ans, chef de projet pour BeWeb.

14 H DE TRAVAIL PAR JOUR

Après un délai de rétraction de 10 jours, les élèves s’engagent dans un marathon de l’apprentissage. « Préparer en 10 mois un diplôme que d’autres font en 2 ans : forcément, on savait que le rythme serait soutenu », explique Vivien Kimbidima, 25 ans, redoublant de la première session. Et pour cause, « on travaille 14 heures par jour en moyenne. Même le week-end »,précise cet ancien animateur. Au vu de cette cadence, la salle de travail leur est accessible 24h/24 et 7 jours/7. Tous ont une clef et peuvent vaquer à leur guise. « C’est plus qu’une deuxième maison ici, ça ne va pas tarder à être la première »,appuie Jean-Christian Petetin, d’un ton rieur. Du haut de ses 25 ans et fort de ses deux années d’expérience dans la mise en rayon d’une grande surface, il a décidé de devenir développeur et assume le rythme de vie qui va avec. Tous apprennent « autant sur la technique que sur l’humain »,dévoile Jean-Christian d’un large sourire. Un sentiment qui se retrouve chez Angie Browne, 36 ans, qui apprécie « de ne jamais tourner en rond et d’avoir l’esprit constamment sollicité en compagnie de personnes ouvertes d’esprit ». Après avoir enchaîné plusieurs petits boulots, cette jeune maman admet avoir été surprise par cet univers : « Quand on n’y connaît rien à ce monde, on ne pense pas que cela peut être accessible. Mais finalement, c’est comme apprendre une autre langue ».Elle regrette néanmoins d’être la seule femme de la promotion et souhaite contribuer à faire tomber les a priori. 


© J. Carnec

APPORTER UNE COHÉSION PROFESSIONNELLE

C’est dans la coopération avec le marché professionnel que réside la particularité de la formation. « Il y a un éco-système qui coopère pour qu’ils puissent avoir une formation en prise avec des professionnels »,mentionne Jonathan Gomez. L’apprentissage passe toujours par la pratique. À l’image du site internet de la Menuiserie Collaborative de Montpellier – voir Sans transition ! Occitanie n°6 – qui a été conçu et réalisé par les développeurs en herbe de BeWeb. Ces exercices retranscrivent « l’importance d’être acteurs sur le web et non plus passifs comme nous le devenons », énonce Loïc Derrieux, formateur pour BeWeb depuis sa création, tout en indiquant son« envie de transmettre l’attirance pour le web »qu’il explore depuis l’âge de 12 ans. Surnommé le « guide d’apprentissage », il n’a de cesse d’adapter sa pédagogie afin de démontrer que l’« on peut partir d’appétences différentes et se retrouver dans un domaine commun ».

REVENIR VERS UN EMPLOI ÉPANOUISSANT

BeWeb accueille 30 apprenants dans le développement web chaque année. Le taux de retour à l’emploi pour ce métier n’est pas encore mesurable puisque le format d’apprentissage a été modifié. Quand bien même, « sur le BEP Accompagnement Soins et Services à la Personne, nous avons un taux de validation de 92 % et 75 % de retour à l’emploi au lendemain de la formation »,souligne Séverine Saint Martin. Seul bug au système, le manque de barrière à cette passion. « Nous avons souvent affaire à des passionnés, donc la frontière entre vie professionnelle et privée est très floue »,déclare-t-elle, soucieuse de l’équilibre de ses apprentis. Un quotidien qu’ils ont appréhendé au long des 10 semaines de stage qu’ils ont effectué jusqu’en octobre.

+ D’INFOS : fondespierre.com

 


Après BeWeb ?

Quelques mois après le reportage au sein de BeWeb à Lunel, nous sommes de nouveau allés à la rencontre de trois des apprenants de cette formation. Retours d’expérience.

Par LA et JC

ANGIE BROWNE 


© J. Carnec

« J’ai débuté la formation BeWeb avec l’envie d’être intellectuellement stimulée. Mon meilleur ami m’a alors orientée vers le développement web. Travaillant à domicile durant le stage de fin d’année que j’ai obtenu à la dernière minute, ce n’était pas aussi épanouissant que je le pensais. Mais même s’il y a eu des moments de doute durant cette formation, je suis contente de l’avoir faite et je la referais sans hésitation. Pour l’instant, je ne me sens pas assez en confiance pour me lancer dans le métier. Du coup, je travaille dans la communication numérique et cela me permet de ne pas perdre mes acquis. Je songe malgré tout à fonder ma propre entreprise avec des associés. »

 

JEAN-CHRISTIAN PETETIN 


© J. Carnec

« Après un BEP électricité et un bac pro systèmes électroniques numériques, c’est Pôle Emploi qui m’a guidé vers BeWeb. Mon stage en tant qu’administrateur réseau réalisé, je me suis mis par moi-même au développement web et cela m’a beaucoup plu. La formation m’a ensuite apporté une méthode différente de celle que je m’étais déjà construite. Mais je me suis rendu compte que le développement web est une discipline dans laquelle j’apprécie de m’investir pour mes propres projets et non pas pour ceux des autres. Je cherche alors un contrat en tant qu’administrateur réseau ou technicien informatique. En attendant, je ne désespère pas et je suis en plein développement d’un jeu avec l’aide d’un ami. »

 

VIVIEN KIMBIDIMA 


© J. Carnec

« La formation m’a demandé énormément d’investissement, mais ça paie. La méthode m’a ouvert à une dynamique de travail. Le stage que j’ai réalisé à Expert Nova m’a conforté dans mon envie d’évoluer dans ce domaine et m’a surtout permis de tester mes compétences. En oscillant entre marketing et développement web, j’ai pu appréhender plusieurs facettes du métier. Et à chaque fois, c’est le travail d’équipe qui me stimule dans mes avancées professionnelles. J’ai une opportunité de CDI qui devrait bientôt se concrétiser, mais le freelance n’est pas non plus exclu, une fois que j’aurai pris de l’assurance et des contacts. »


INTERVIEW

EMMANUELLE GAZEL : « 80 % de sorties positives »

Vice-présidente en charge de l’emploi, de la formation professionnelle et de l’apprentissage de la Région, Emmanuelle Gazel, trace les contours des 15 écoles du numérique créées en 2016 sur les 13 départements de la région.

Propos recueillis par VG


© DARNAUD Antoine/Région Occitanie

Quelle est la spécificité de ces écoles régionales du numérique ?

Le modèle est particulier d’abord par l’implication des collectivités. Celles-ci mettent à disposition des locaux de qualité avec un cahier des charges très précis pour l’école. Ensuite, ces formations sont aussi le résultat d’une forte implication du monde économique local avec, dans la plupart des écoles, un système de parrainage de chefs d’entreprises. Ces formations bénéficient donc de pédagogies innovantes, avec des méthodes actives : les entreprises mobilisées autour des écoles du numérique proposent aux apprenants des projets réels. Donc une pédagogie à la fois valorisante et concrète. C’est important pour le CV des apprenants qui auront travaillé en situation réelle accompagnés par un formateur.

Quel est l’enjeu de ces écoles pour la Région, notamment en termes d’emplois ?

Beaucoup d’entreprises vont être confrontées, en particulier les PME et les TPE, à la révolution numérique d’ici 2020. Il y a un besoin fort d’accompagnement sur cette digitalisation. Plus globalement, notre politique emploi-formation repose toujours sur trois piliers. Le premier est d’apporter des compétences aux demandeurs d’emploi et de leur permettre de trouver leur place sur le marché de l’emploi. Avec ces écoles, on propose un recrutement atypique, dans le sens où l’on se base sur des aptitudes au numérique et une motivation mais pas sur une qualification. Le second pilier consiste à apporter aux entreprises les compétences dont elles ont besoin pour leur développement. Et le troisième concerne les territoires. C’est ce que l’on a voulu faire en innervant tous les départements de la région.

Pouvez-vous quantifier les retombées de ces formations ?

On a encore un recul assez court depuis 2016… La première année, plus de 400 personnes ont bénéficié de ces formations et en 2017 plus de 700. Les premières études montrent que 80 % des stagiaires sont en emploi durable ou en formation qualifiante six mois après la fin leur formation. Ce qui est très positif.

Quel est le fonctionnement budgétaire ?

Sur l’aspect pédagogie, le budget d’environ 2 millions d’euros est 100 % régional. Les collectivités locales ont à leur charge le coût de fonctionnement des locaux.

+ D’INFOS: www.laregion.fr

 

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