Paris, le 6 février 2024 - 4 ans après sa promulgation, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) manque son objectif de réduction des déchets malgré son ambition initiale. Alors que l’impact du texte est actuellement en train d’être évalué par les parlementaires, les associations Zero Waste France, France Nature Environnement, No Plastic In My Sea, Les Amis de la Terre France et Surfrider Foundation Europe livrent leur analyse et leurs recommandations.
De grandes ambitions… pour de maigres résultats En adoptant la loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire (« AGEC ») le 10 février 2020, la France inscrivait pour la première fois dans son droit une ambition de réformer en profondeur nos modes de production et de consommation, afin de préserver les ressources naturelles, la biodiversité et le climat. Mais 4 ans après sa promulgation, force est de constater que ce texte ambitieux et pionnier n’a pas tenu ses promesses. Alors que la loi fixe un objectif de réduction de 15% des déchets ménagers et assimilés par rapport à 2010, pour atteindre 502 kg/habitant en 2030, ces déchets ont en réalité augmenté, passant à 611 kg/habitant en 2021 selon l'ADEME. “La croissance sans fin de notre production de déchets est un symptôme frappant de l’échec de la loi AGEC”, analyse Charlotte Soulary, responsable du plaidoyer de Zero Waste France. “Faute de volonté politique pour garantir l’application de la loi, les entreprises ont eu toute latitude pour contourner, voire détourner allègrement le texte de son objectif initial : réduire les déchets et le gaspillage de ressources naturelles. Les industriels nous font gaspiller du temps, on n’en a pourtant pas le luxe.” |
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Une loi remise en cause par les acteurs économiques En effet, de nombreuses dispositions de la loi AGEC ont fait l’objet d’un lobbying intense de la part des industriels et continuent d’être mises à mal au moment de leur application, ce qui nuit à l’efficacité du texte et en réduit considérablement l’impact. Par exemple, l’interdiction de la vente sous plastique des fruits et légumes frais s’est vue amenuisée à travers 29 exemptions, dont les champignons, endives, carottes et pommes de terre primeurs, pour lesquels le risque de détérioration sans emballage n’est pas avéré. “On constate un réel décalage entre ce qui a été annoncé dans la loi et la réalité de l’application des interdictions", précise Axèle Gibert, coordinatrice du réseau prévention des déchets chez France Nature Environnement. ”On retrouve encore de nombreux produits en plastique à usage unique interdits dans les commerces, les espaces de restauration ou encore la vente en ligne. On constate que la loi est aussi détournée par les industriels pour s’affranchir des interdictions. Il est impératif de sanctionner les acteurs économiques qui ne respectent pas ou contournent la loi”. Les fonds réparation, qui financent les bonus réparation, ont également été revus à la baisse, notamment sous la pression de la filière des équipements électriques et électroniques. “Les fonds réparation mis en place par la loi AGEC étaient censés donner un coup de pouce bienvenu au pouvoir d’achat des Français·es, afin de les inciter à réparer leurs objets plutôt qu’à en acheter des neufs”, rappelle Bénédicte Kjaer Kahlat, responsable des affaires juridiques de Zero Waste France. “Malheureusement, le gouvernement en a décidé autrement, en prenant un décret qui opère, selon nous, un véritable retour en arrière en matière de protection de l’environnement. Mais nous n’avons pas dit notre dernier mot : le Conseil d’Etat a été saisi et la justice suit son cours”. |
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Une absence de contrôles et de sanctions Le non-respect de certaines mesures phares de la loi AGEC, comme l’obligation de vaisselle réemployable pour la restauration sur place, ou d’installation de points d’eau dans les établissements recevant du public (ERP), est également un problème récurrent constaté par les citoyen·nes. “Les ambitions de la loi AGEC sur la réduction des plastiques et emballages à usage unique pour les secteurs de la restauration et des boissons, sont malheureusement remises en cause car peu appliquées", déplore Muriel Papin, Déléguée Générale de l’association No Plastic In My Sea. "En effet, faute de contrôles et de sanctions, les associations constatent un non-respect de la loi pour la vaisselle réutilisable sur place en restauration rapide ou encore pour le déploiement de points d’eau dans les établissements recevant du public. Cela remet en cause des jalons majeurs de la loi et notamment la réduction de 50% des bouteilles plastiques en 2030”. Des lacunes fondamentales En outre, la loi AGEC n’est pas parvenue à impulser un véritable changement de paradigme en faveur d’une société plus sobre. Par exemple, elle n’a pas permis de généraliser le réemploi des emballages, ni de concrétiser l’interdiction de destruction des invendus, ou encore d’assurer une certaine transparence vis-à-vis des consommateur·ices quant à l’impact environnemental des produits. Surtout, le texte ne contraint pas les différentes filières de production à s’engager sur une trajectoire de réduction des biens mis sur le marché. “On fait face à une abondance croissante de produits neufs, produits en masse et à bas coûts là où la loi AGEC se cantonne à améliorer à la marge la manière dont nous gérons nos déchets,” constate Pierre Condamine, chargé de surproduction aux Amis de la Terre France. “La loi s’était fixé l’objectif d’améliorer la production, or mieux produire aujourd’hui c’est surtout moins produire. En accord avec l’objectif des 1,5° défini par l’Accord de Paris, nous appelons à l’adoption urgente de trajectoires de réduction des biens mis en marché, ainsi que d’outils pénalisant des pratiques de surproduction telles que le suremballage ou la fast-fashion”. Les recommandations des associations À l’heure où le gouvernement veut inciter les industriels à réduire la pollution plastique et où le Parlement européen enquête sur la possible violation des règles de lobbying au cours des discussions sur le règlement emballages (PPWR), les associations tirent la sonnette d’alarme et demandent au gouvernement de passer à la vitesse supérieure pour garantir la pleine application de la loi AGEC et ainsi véritablement réduire les déchets et le gaspillage à la source. Face à l’urgence environnementale, elles appellent à l’adoption d’une nouvelle loi pour compléter et préciser les dispositions existantes. |
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