[ REPORTAGE ] Grenoble, ville de toutes les transitions ?

Publié le lun 27/05/2019 - 16:29

Les initiatives liées à la transition écologique vont bon train en Auvergne-Rhône-Alpes. À Grenoble, la Biennale de la transition a permis de mettre en lumière toutes ces initiatives qui contribuent à la mise en place d’une société où justice environnementale va de pair avec justice sociale.

Alors que Grenoble fait souvent figure de pionnière en matière de démocratie participative et d’initiatives écologiques, depuis l’arrivée à sa tête du maire Europe écologie les verts (EELV), Éric Piolle, la ville accueillait du 9 au 16 mars la seconde édition de la Biennale des villes en transition. Une occasion, pour la municipalité, de mettre en lumière les initiatives citoyennes et d’évoquer les enjeux à venir.
Il est presque 19 heures, samedi 9 mars 2019, et une foule de Grenoblois converge déjà aux portes du Palais des Sports pour la grande soirée d’ouverture, placée sous le signe de « la culture pour tous ». Avec, au menu, un concert du Big Ukulélé Syndicate, puis de la chanteuse Emily Loizeau. Une affiche digne d’un festival culturel, destinée à rassembler les Grenoblois de tous horizons autour d’une même cause : celle des villes en transition. À l’occasion de cette seconde édition de la Biennale des villes en transition, Grenoble a sorti le grand jeu. Les quatre coins de la ville accueilleront plus d’une centaine d’événements sur une semaine, plaçant l’agglomération aux couleurs de la transition, qu’elle soit écologique, politique, culturelle ou sociale.

Prise de conscience

Lancé en Grande-Bretagne en 2006 par l’enseignant en permaculture Rob Hopkins, le concept des villes en transition s’est ensuite propagé à travers plusieurs villes du monde, dont Grenoble. On dénombre aujourd’hui près de 2 000 initiatives de transition lancées au sein de 50 pays, dont près de 150 en France, toutes réunies au sein du réseau international The Transition Network. L’objectif ? Inciter les citoyens à prendre conscience des conséquences de nos modes de vie actuels, en vue de mettre en place des solutions concrètes pour l’avenir.
Parmi les personnalités présentes ce soir-là, on retrouve les Grenoblois Salim et Linda, gagnants de la 9e édition du jeu télévisé Pékin Express, parrains de cette Biennale, venus témoigner de l’urgence de la situation : « Nous avons beaucoup voyagé depuis 2016, et vu des pêcheurs qui devaient aller plus au large pour trouver des poissons afin de nourrir leurs familles, des gens qui doivent faire 40 km pour trouver de l’eau », expliquent-ils. Même constat pour le réalisateur Cyril Dion, auteur des documentaires Demainet Après-Demain, qui ne fait pas un pas sans être salué. Lui aussi s’est rendu à Grenoble « car on a besoin de voir des initiatives en France qui tirent les choses vers le haut. Il existe encore trop de gens qui vivent dans des passoires énergétiques, qui sont obligés de travailler loin de chez eux, car les logements sont trop chers ».

Créer les conditions d’une rencontre

Des problématiques que connaissent bien les citoyens qui franchissent ce samedi les portes du Palais des Sports : penchés sur la lecture du programme, Mathieu et Thomas, deux frères de 18 et 16 ans, font partie de la nouvelle génération d’une jeunesse engagée, qui se pose déjà des questions sur sa propre consommation. « On est venus ici, car on se sentait concernés par les questions d’écologie et de transition. On voit bien les impacts des changements climatiques et de la pollution sur notre ville, avec la neige qui fond sur nos montagnes et la pollution de la cuvette grenobloise », indiquent-ils. Impliqués dans la marche pour le climat des jeunes, qui s’est déroulée mi-mars à Grenoble — comme dans plusieurs villes du monde —, ils estiment que la prise de conscience, désormais incarnée par la jeune suédoise Greta Thunberg, est plus prégnante que chez leurs aînés. « Depuis que nous sommes nés, nous entendons parler de ces problèmes. On se sent forcément davantage concernés », estiment-ils. À quelques mètres d’eux, Florence, 57 ans, sortie prendre l’air à l’issue de la première partie du concert, n’est pas aussi optimiste : « Je circule déjà à vélo et je participe à la collecte des déchets, et maintenant, la question de la transition m’obsède quand je me balade en ville ».

« Quand on parle de villes en transition, il s’agit à la fois de transition écologique, sociale, sociétale et démocratique. »

Marion Roth, directrice du think tank Décider ensemble

Quelques minutes avant de prendre la parole devant la foule, le maire de Grenoble, Éric Piolle, s’est quant à lui voulu rassembleur : « Nous avons besoin de tout le monde pour créer des solutions à la fois pour tout de suite et demain », a rappelé l’élu, glissant une référence aux incidents ayant émaillé quelques jours auparavant un quartier sensible de la ville, Mistral — où deux jeunes ont trouvé la mort dans une course poursuite avec la police. À ses côtés, Cyril Dion ajoute : « Le mouvement des villes en transition est avant tout un mouvement, par essence, social. On ne peut pas réfléchir à cette question sans que les gens se soient réunis. Alors pourquoi pas autour d’une fête ? ».

Grenoble, ville des possibles ?

En choisissant de couvrir de nombreux domaines (art, énergie, santé, accessibilité, économie, éducation ou démocratie participative), cette biennale a été l’occasion d’aborder l’ensemble des problématiques susceptibles de toucher le quotidien d’une cité. « Quand on parle de villes en transition, il s’agit à la fois de transition écologique, sociale, sociétale et démocratique. Cela pose la question de comment refonder les politiques publiques », résume Marion Roth, directrice du think tankDécider ensemble. Ce n’est donc pas un hasard si cet événement était aussi l’occasion d’accueillir la 3e édition des Rencontres nationales de la participation citoyenne, qui a réuni près de 800 participants (collectivités, entreprises privées et publiques, associations, ONG...) à la maison de la culture de Grenoble (MC2) durant trois jours autour d’une question centrale : « Comment faire progresser la culture de la participation à tous les échelons ? ». Avec déjà quelques éléments de réponse... « On voit à la fois des démarches qui proviennent des collectivités, mais aussi des initiatives de citoyens qui impulsent des actions comme des jardins partagés ayant un impact sur la transition écologique de la ville », précise Marion Roth.

Une vingtaine de collectifs et des citoyens engagés avaient d’ailleurs fait le déplacement, lundi soir, à la MC2, pour exposer leurs idées lors d’un « Forum des initiatives citoyennes au service de la transition ». Avec, parmi eux, les bénévoles du Repair Café de Grenoble, ces ateliers de réparation destinés aux objets cassés qui possèdent désormais huit antennes à l’échelle de l’agglomération. « Nous proposons, comme la plupart des gens ce soir, une action modeste mais avec une idée plus large, qui est de mieux acheter et mieux consommer. Car deux objets sur trois que l’on nous amène sont réparables », résume Jean-Loup Valière, l’un des bénévoles. Pour autant, ce dernier affirme que ces actions ont aussi besoin d’être accompagnées par le secteur public : « Certains pays comme la Suède ont opté pour une TVA réduite favorisant la réparation des produits, tandis qu’il existe une demande pour une augmentation de la durée des garanties des produits. Mais il est certain que cela ne va pas dans le sens du modèle économique tourné vers une croissance de la consommation, que l’on connaît aujourd’hui ».

« S’adapter pour inclure tout le monde »

À quelques pas de lui, des habitants engagés se sont eux aussi déjà mis en marche, en créant La Bonne Fabrique, un lieu de rencontres basé sur le « faire ensemble ». Nichée au sein d’une petite commune à 15 km de Grenoble, Le Sappey-en-Chartreuse, cette initiative compte désormais près de 250 adhérents sur un total de 1 200 habitants. Si le village organise déjà des cafés et tables rondes autour de la transition, il ne se définit pas tout à fait comme un « village en transition ». « Sinon, une partie de la population ne viendrait pas, car notre commune comprend à la fois des gens du cru et des néo-ruraux. Il faut s’adapter pour inclure tout le monde », expliquent les trois bénévoles, Céline, Agnès et Anne. Car la transition est une notion qui prend du temps. « En attendant, nous semons des graines », glissent-elles.

 

Plus d’infos :

www.rencontres-participation.fr

villesentransition.grenoble.fr

www.repaircafegrenoble.frwww.labonnefabrique.fr

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