La permaculture, un mode de vie

Publié le mar 25/09/2018 - 15:12

Par Benoît Vandestick

À Montcontour, dans les Côtes-d’Armor, Sylvaine et Gregory conçoivent leur vie dans les principes de la permaculture depuis huit ans, avec leurs trois enfants. Depuis 2015, ils ont ouvert le centre de formation en permaculture La Pâture es Chênes. Ils y proposent un stage de création d’espaces nourriciers. L’occasion d’y découvrir une philosophie de vie, loin de se limiter au jardinage.

« La permaculture n’est pas une technique agricole. » La sentence ouvre le cours de Gregory. Nous sommes samedi matin, 10 heures, au centre de formation en permaculture La Pâture es Chênes, à Montcontour, dans les Côtes-d’Armor. Autour de lui, sept stagiaires, arrivés de toute la France, écoutent attentivement. « C’est une méthodologie de conception de systèmes durables pour les humains, inspirés de la nature », poursuit le formateur. Cahier sur la table et stylo à la main, chacun prend note en sirotant son café. Objectif du week-end : savoir créer un espace nourricier en permaculture. Mais attention, il ne s’agit pas d’apprendre le jardinage ! Le stage, que Gregory organise avec son épouse Sylvaine, invite à « penser sa vie » en utilisant les principes de la permaculture. « La question de la nourriture est une porte d’entrée mais, petit à petit, avec la fleur de la permaculture, chacun va réfléchir aux autres domaines comme le transport, l’énergie, l’habitat, etc », précise-t-il.

Le week-end de stage débute le vendredi soir, avec un jeu pour apprendre les prénoms des participants, puis un dîner. Des moments conviviaux, où les stagiaires prennent le temps d’échanger de façon informelle. Après s’être délecté des petits plats mijotés par Sylvaine, chacun explique la raison de sa venue et son projet en permaculture. Si la plupart souhaitent simplement créer un petit espace nourricier, d’autres viennent pour un projet plus large. Comme Anaïs, 30 ans, de Sablé-sur-Sarthe (Pays de Loire) : « Je quitte mon emploi dans la grande distribution pour rejoindre l’exploitation familiale, raconte-t-elle. Je souhaite y créer un lieu d’accueil. » Gilbert, de Brest (Finistère), cultive déjà un jardin et souhaite inclure l’habitat dans son projet permaculturel. « Je songe à quitter ma maison pour en construire une en bois sur un plus grand terrain et faire un plus grand jardin », dévoile l’homme d’une cinquantaine d’années.

 Dissocier besoin et envie

À leur tour, Sylvaine et Gregory racontent : « Nous avons quitté nos activités professionnelles en 2010 et repris ce terrain familial de 3000 m², dans lequel on a fait pousser une forêt comestible. Au départ, nous voulions devenir maraîchers. » Finalement, en faisant quelques visites publiques du jardin, Gregory s’est découvert une autre vocation et le centre de formation a ouvert en 2015. « Mais la permaculture ne s’arrête pas à notre projet professionnel, précise le couple. C’est une vision dans laquelle nous évoluons en famille, avec nos trois enfants. »

Pour la famille, définir la vie à travers le prisme de la permaculture a d’abord consisté à réévaluer les besoins. « On dissocie besoin et envie. Ainsi, on réduit bon nombre de consommations », explique le père de famille. Vient ensuite la contrainte des transports : « Par exemple, on a besoin de se déplacer en voiture jusqu’au centre de formation, on ne peut pas le faire à vélo. Donc on possède un véhicule, mais on cherche à optimiser nos déplacements », poursuit-il. Ces choix leur permettent de faire des économies et vivre à cinq avec 1700 € par mois.

Dans la serre, à l’entrée du centre de formation, Keïla, la cadette, s’occupe d’arroser les plants de tomates. « Chaque enfant a son petit espace de culture au sein du jardin », rapporte Sylvaine. Une activité incluse dans l’école, qu’ils ont choisi de faire à la maison. « C’est pour nous une démarche de permaculture. On s’est posé la question de l’éducation aux enfants : est-ce qu’on les met à l’école, où l’enfant doit s’adapter à l’outil, ou bien est-ce qu’on adapte l’outil à l’enfant ? »

Les enfants ont chacun leur petit jardin, pour s’initier au jardinage en permaculture © B. Vandestick

 L’autonomie alimentaire difficile à atteindre

Ce choix de faire l’école à la maison implique une contrainte de temps que le couple a pris en compte dans son projet professionnel. « Nous avons dû revoir notre ambition d’autonomie alimentaire, car nous n’avons pas assez de temps pour nous occuper du jardin », concède Gregory. Les deux permaculteurs ont alors décidé de diversifier les activités : « Je m’intéresse à la sylvothérapie, précise Sylvaine. Je compte proposer aussi des soins énergétiques dans une kerterre, une maison écologique autoconstruite, que nous allons créer prochainement. J’ai également entrepris la transformation de plantes en cosmétiques. » Aussi, un chalet sortira de terre à l’automne. Il servira de gîte pour accueillir des touristes.

Une fois leur activité professionnelle bien développée, la famille se penchera sur la question de l’habitat et de l’énergie. « Et d’ici quelques années, nous construirons dans le jardin un second chalet, qui sera notre futur habitat », prévoient-ils. Celui-ci sera de conception bioclimatique, avec panneaux photovoltaïques. « Nous attendons que les enfants commencent à quitter la maison pour nous contenter d’une surface de 30 m² », projette Gregory. Le projet permettra dans le même temps d’évoluer dans la thématique du transport, ne nécessitant plus l’utilisation de la voiture entre la maison et le lieu de travail.

 « Le respect de la différence »

Dans tout ce qu’ils présentent, Sylvaine et Gregory précisent que leur façon de faire n’est pas universelle : « Ce qui nous a parlé en permaculture, c’est le respect de la différence de chacun, la prise en compte de l’individu. Il n’y a pas un dogme, une vérité. Sur un même lieu, il pourrait y avoir des centaines de conceptions différentes, car on est tous différents. » Et tout le monde n’adopte pas non plus la permaculture pour les mêmes raisons : « Pour certains, le but sera d’avoir le moins d’impact négatif sur l’environnement. Pour d’autres, ce sera la recherche de bien-être ou d’une alimentation saine. »

Le vendredi soir, Gregory organise une visite superficielle de la forêt comestible. Il la complète par une visite technique le dimanche. Ce jardin, qui s’étend sur 2000 m², est composé de plantes potagères, d’arbres et arbustes, de ronces et d’autres plantes parfois considérées comme indésirables. La production est destinée à la consommation de la famille et aux participants des stages. La forêt comestible est aussi un lieu de loisirs  : « On s’y détend, on aime s’y balader. » Les stagiaires déambulent entre les buttes cultivées, traversent le roncier, longent le bassin. Les regards vont de découvertes en découvertes. Des projets sont déjà dans les têtes.

Dans ses cours, Gregory transmet la démarche de design en permaculture © B. Vandestick

 


Permaculture : éthique et principes

texte encadre Le concept de permaculture est plus compréhensible à l’aide de la fleur permaculturelle. Celle-ci a été imaginée et dessinée par David Holmgren, l’un des précurseurs de cette philosophie. La spirale part de l’éthique et du design, au centre, pour traverser les sept pétales. Chacun représente un domaine clé, où l’objectif est de créer une culture soutenable dans un système complexe. L’ensemble de la démarche doit aboutir à l’équité dans tous les domaines. Pour y arriver, le permaculteur doit s’inspirer des systèmes naturels et des traditions, en respectant l’éthique qui est de prendre soin de la nature, de prendre soin de l’humain, ainsi que créer l’abondance et redistribuer les surplus.

 

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