[INCENDIES] Les jeunes sur le pied de guerre

Publié le ven 24/09/2021 - 12:00
© Quentin Zinzius

Par Quentin Zinzius

Pour lutter contre la propagation des incendies sur son territoire, la région Paca a lancé en 2015 le plan Guerre du feu, prévoyant notamment la création d’une Garde régionale forestière. Cette garde, qui recrute plus de 200 jeunes de 18 à 25 ans chaque année, a pour rôle de surveiller les massifs sensibles aux départs d’incendies pendant la période estivale.

L’été est bien installé ce dimanche 25 juillet au bord du lac du Paty, dans le nord du Vaucluse. Sous le soleil et avec le chant des cigales, une centaine de personnes en vacances se promènent sur les plages, dans un cadre de carte postale. Un site idyllique très apprécié des touristes, mais aussi très fragile et d’ailleurs intégré au Parc naturel régional du Mont-Ventoux inauguré un an plus tôt. Sa notoriété nécessite d’autant plus de protection, les touristes n’ayant pas toujours conscience des conséquences de leurs comportements.

Pour assurer la surveillance du site en période estivale, le Parc, avec l’appui de la Région, a prévu la présence en quasi permanence de deux écogardes. Ce dimanche, Loïse Rieu et Jeanne Voiry, âgées de 25 et 21 ans, toutes deux originaires de la région, assurent ce rôle. A la recherche d’un petit boulot pour l’été, les deux jeunes femmes ont découvert le dispositif des écogardes en même temps que la mission. « Le cadre est très agréable et on se sent vraiment utile », se réjouissent-elles, tout en se désolant du comportement de certains touristes qui prennent le lieu pour une décharge à ciel ouvert : le long des plages et des sentiers, les déchets s’accumulent à vue d’œil, alors qu’il y a des poubelles tout autour du plan d’eau. « Ce matin, on a rempli un sac complet en vingt minutes », s’exaspère Loïse.

Le feu au lac

Et les déchets ne sont pas le seul problème généré par l’afflux de population estivale. Les panneaux installés tout autour du site rappellent les interdictions de fumer et de faire un feu à cause des risques d’incendie. Dans le département, les départs de feux ont triplé en dix ans (1). Une augmentation due aux sécheresses de plus en plus fréquentes, mais aussi à l’imprudence des gens : 42% des départs de feux en 2019 étaient d’origine involontaire, selon l’Observatoire régional de la forêt méditerranéenne (2). Et le lac de Paty ne fait pas exception à la règle. « C’est un site très sensible. Avec la proximité de la forêt, une braise a vite fait de se transformer en brasier », expliquent les deux gardes.

Pour limiter les risques, elles assurent une surveillance constante et font de la prévention auprès des touristes. Par exemple auprès d’un groupe de baigneurs venus d’Écosse, cigarette à la main. Dans un anglais impeccable, les deux écogardes attirent leur attention sur le risque d’être à l’origine d’un départ de feu. « Nous avons une cannette remplie d’eau comme cendrier », rassure un membre du groupe, apparemment déjà sensibilisé. Rassurées, les deux jeunes femmes reprennent leur route.

Sous la chaleur écrasante, elles rejoignent le haut de la colline surplombant l’étendue d’eau. Un endroit où le risque devient plus perceptible : au milieu des herbes sèches, plusieurs troncs et branches portent encore les stigmates des précédents départs de feu. Alors les gardes redoublent de vigilance. « D’ici, on a une vue dégagée à plusieurs kilomètres à la ronde indiquent-elles en montrant le paysage. Une autre équipe a déjà repéré la fumée d’un départ de feu à 30 km d’ici, de l’autre côté de la crête, Mais il faut faire attention à ne pas confondre la fumée avec la poussière dégagée par les carrières. »

Cette surveillance décharge les Comités communaux feux de forêts (CCFF). « En tant qu’association composée de bénévoles, nous ne pouvons pas assurer une surveillance comme celle effectuée par les écogardes », explique la chargée de projets de l’association départementale des CCFF. De plus, la présence de ces jeunes sur cette période sensible permet une coordination sans précédent entre les différents services. « Cette coordination entre tous les acteurs des forêts sur le territoire permet de répartir les efforts et de prévenir au mieux des risques », souligne-t-elle. Mais aujourd’hui autour du lac du Paty, aucun signe alarmant à signaler.

Prévention plutôt qu’intervention

De retour à proximité du plan d’eau, les deux gardes s’exaspèrent en voyant plusieurs jeunes s’amuser à rejoindre le haut du barrage pour enchaîner plongeons et autres acrobaties, malgré les grilles et panneaux y interdisant l’accès : « si l’accès est interdit, ce n’est pas pour rien ! ». Après plusieurs rappels des consignes et mises en garde, entendues par des oreilles distraites, c’est finalement l’arrivée du personnel du CCFF qui fera déguerpir les plus réfractaires. « Ils sont plus écoutés car ils peuvent mettre des amendes », explique Jeanne. « Notre mission, c’est faire de la prévention, pas de l’intervention, complète Loïse. Si les gens ne veulent pas nous écouter, on ne peut malheureusement rien faire ».

Une distinction due à la durée de leur formation qui ne dépasse pas une dizaine de jours. « Sur un laps de temps aussi court, il est impossible de leur faire apprendre l’intégralité du code forestier, relève la chargée de mission de l'ADCCFF. Et il ne faut pas oublier que la garde n’est présente que pour deux mois ».

Même sans intervenir, les jeunes gardes se retrouvent parfois en difficulté. « Les gens s’emportent, se sentent en droit, le revendiquent et en viennent même aux insultes pour un rien », déplore Loïse. Une situation qui excède jusqu’aux agents de sécurité du barrage. « Les gens n’écoutent rien ! Même si c’est écrit interdit, tout le monde y va », critique l’un d’eux.

Après le départ du CCFF, plusieurs personnes reprennent la direction du barrage. Impuissantes, les deux jeunes femmes observent de loin ces rebelles du dimanche. L’après-midi se finit malgré tout dans le calme. Le lendemain, deux autres gardes prendront le relais pour surveiller les lieux et assurer aux vacanciers un été en (presque) toute tranquillité.

Plus d'infos

 

Note de bas de page :

  1. https://www.promethee.com/incendies

  2. https://urlz.fr/giHz

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