[EDITO] L’après-pétrole a commencé...

Publié le lun 28/03/2022 - 12:00

Par Julien Dezécot

 

La guerre en Ukraine nous replonge dans les méandres de l’histoire tragique du XXe siècle. Alors que les blindés et les bombardements bruissent aux portes d’une Europe pétrifiée et que les morts s’accumulent, nous rappelant que la paix n’est jamais acquise, les prix du pétrole et du gaz grimpent à des niveaux historiques, dépassant les 110 dollars le baril.

Une fois la stupéfaction dissipée, place au pragmatisme, avec la réaction de Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission européenne, ancien ministre des Affaires étrangères néerlandais, début mars sur France Inter : « La Commission mettra sur la table une proposition pour créer une situation où l'on n'est plus dépendants de l’énergie en provenance de Russie. Il faut qu'on aille beaucoup plus vite dans la direction des renouvelables, il faut qu'on produise notre propre énergie en Europe. C'est possible, ça prendra du temps », assure-t-il dans cette nécessaire envolée souverainiste loin d’être acquise.

Sans pour autant aborder les essentielles questions de la sobriété énergétique ou de la résilience territoriale, leviers majeurs d’un monde dans lequel le pétrole se raréfie, comme le soulignent Arthur Keller et Benoît Thévard, ainsi que l’Institut NégaWatt dans ce nouveau numéro thématique.


En filigrane de cette guerre énergétique, le second volet du 6e rapport d'évaluation du Giec, publié le 28 février, passe quasiment inaperçu des radars. Pourtant, ces derniers travaux s'intéressent aux effets, aux vulnérabilités et nécessaires capacités d'adaptation, face à la crise climatique qui s’ajoute à la crise sanitaire en cours.

Si des efforts ont été réalisés pour réduire les émissions de CO2 (largement dues à notre usage du pétrole tous azimut), les auteurs dénoncent une inadéquation des moyens mis en œuvre face à la rapidité des changements, signe d’un « manque de volonté politique », insistent-ils. Illustration : le énième non-respect des engagements de la COP de Glasgow 2021. Le doublement prévu des budgets pour lutter contre le changement climatique n’a pas été (encore) suivi d’effets alors que « l’urgence climatique » est proclamée dans des milliers de villes à l’échelle mondiale...

Au même moment, Greenpeace et Oxfam mettent en lumière le patrimoine financier de 63 milliardaires français, dont les émissions de gaz à effet de serre représentent autant que la moitié de la population française ! Forcément, le monde de l’après-pétrole doit agir sur les inégalités sociales et revoir notre modèle économique basé sur la croissance infinie dont les marchés financiers sont l’incarnation, comme le soulignent les économistes Aurore Lalucq et Isabelle Delannoy dans cette édition.

Mais par où commencer à l’heure où le fameux rapport Meadows, qui mettait déjà à mal l’idée d’une croissance infinie dans un monde fini, vient d’être réédité 50 ans après ? Embarquer l’opinion publique dans un changement politique radical décentralisé, comme l’imagine Rob Hopkins, construire de nouveaux indicateurs pour dépasser le PIB et transformer nos politiques publiques ou encore repenser notre rapport au vivant, comme le défend Cyril Dion dans nos colonnes.

Et si cette fin d’un monde était le début d’un autre ? Saurons-nous saisir nos chances et inventer une société plus respectueuse de chacun et du vivant ? Différentes options sont sur la table. À nous de peser pour faire éclore celles que nous voulons !

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