[CUEILLETTE] : Les Écologistes de l’Euzière, l’aventure naturaliste

Publié le dim 11/10/2020 - 07:57

Photo: Avec dextérité, Louis Mertens attrape les insectes pour les poser dans son bocal avec loupe intégrée afin que le groupe puisse les étudier avant de les relâcher. Crédit : C. Cammarata

Par Céline Cammarata

Fidèles aux principes de l’éducation populaire, depuis leur création en 1974, les Écologistes de l’Euzière, dans l’Hérault, partagent et disséminent, au gré, notamment, de balades naturalistes, leurs savoirs botaniques et zoologiques sur les paysages méditerranéens.

Chaque mardi, un immuable rendez-vous se déroule domaine de Restinclières, situé vers Prades-le-Lez, au nord de Montpellier. Adhérent.es des Écologistes de l’Euzière, dits les Écolos, comme curieuses et curieux du coin, personnes de passage, tout le monde trouve sa place. Ainsi Sandra, conseillère agricole en viticulture sur le massif de la Clape, venue se former dans le cadre du programme de l’association : « je profite de ma présence en formation la journée pour participer à cette soirée afin de nourrir ma soif d’apprendre les savoirs ancestraux, tout autant dans le domaine des plantes médicinales que comestibles ».

Durant l’hiver, ces rencontres prennent la forme de conférences suivies d’un dîner partagé. Mais dès les beaux jours, ces passionné.es de nature prennent la clef des champs. Il faut dire que leur terrain de jeu compte 240 hectares, bordés par le Lez et le Lirou. Durant tout l’été, les écologistes et leurs acolytes déambulent au gré de leurs découvertes au soleil déclinant, puis ensuite partagent un pique-nique dans la fraîcheur de la nuit tombante. Ce soir-là, Jean Burger, co-président, guidera la visite aux côtés de Jean-Marie et Louise Wotan, membres du CA et incontournables animateurs de sorties. Et pour soulever les cailloux et attraper avec une dextérité remarquable des spécimens indigènes de bestioles en tous genres, nous bénéficions de la présence de Louis Mertens, entomologiste, frais émoulu du Master Ingénierie écologie et gestion de la biodiversité, spécialisé en insectes et araignées. Grâce à ses anecdotes nous apprendrons par exemple l’existence d’araignées herbivores, de papillons migrateurs...

Energie et activités multiples

« Dans certaines sociétés savantes, si vous arrivez en étant totalement débutant, il faut vous accrocher pour suivre. Ici, tout le monde est accueilli avec bienveillance. Le mardi soir, chacun y va de sa petite note personnelle. Nous considérons qu’il vaut mieux apprendre sur le terrain qu’être dans des livres. À nous tous réunis, nous savons beaucoup de choses ! Cette balade naturaliste repose sur nos membres, pas de salarié.es ces soirs-là. Alors si un ornithologue est présent ou un entomologiste, la balade prend une autre tournure. Nous partageons nos connaissances et si certains ne savent pas, ils engrangent de nouvelles connaissances » se passionne Jean-Marie Wotan, dentiste à la retraite, intarissable : « D’aucun.es se concentrent sur les salades sauvages, d’autres sur les plantes qui soignent pour apprendre à les cueillir. D’autres encore cherchent à comprendre les plantes et les arbres qui les entourent. Nous profitons également de la présence de jeunes étudiant.es qui préparent leurs examens de botanique et ne peuvent se satisfaire des seules 2 à 3 sorties proposées par leur professeur ».

Visionnaires avant l’heure ?

« Dans les années 70, Charles Sauvage, professeur à l’Institut de botanique de Montpellier – dont la personnalité a joué un grand rôle dans la création de l’association -, et d’autres enseignants chercheurs montpelliérains souhaitent emmener leurs élèves sur le terrain. Dans le même temps, avec le mouvement initié par mai 68, la botanique s’ouvre au grand public. Ainsi est née l’association. Elle s’est tout d’abord installée au Mas de l’Euzière dans le Gard, proposant notamment des stages, traitant de botanique, de mycologie et d’écologie, ouverts au grand public.  », raconte Jean Burger. Au début des années 80, le président du département de l’Hérault, Gérard Saumade, leur offre de s’installer au domaine de Restinclières. « À la même période, l’association  embauche son premier salarié, Jean-Paul Salasse, clef de son évolution. Notre projet depuis le départ visait la vulgarisation de l’écologie scientifique. Ce domaine a toujours été en pointe à Montpellier et ses chercheurs tenaient à transmettre leur goût pour la culture scientifique. Les Écolos ont choisi la manière de le faire. Pour notre premier camp en 1978 sur l’Aigoual, je voulais caler un programme par jour. Jean-Paul m’a dit "lundi et mardi, contact et découverte, et seulement ensuite nous établirons un programme pour le reste du séjour qui correspondra à nos jeunes". J’ai ainsi découvert la pédagogie de projets et la technique de l’éducation populaire : baser l’animation sur l’intérêt des apprenants. L’épanouissement personnel entre culture scientifique et éducation populaire. » Afin d’être accessibles au plus grand nombre, les sorties naturalistes comme les samedis buissonniers, les lundis verts, « Entre nature et sens » et la main verte organisée avec la ville de Montpellier restent gratuites.

Un catalogue d’activités impressionnant

Ce premier salarié a cherché les subventions qui ont permis de multiplier les actions. Aujourd’hui avec 467 adhérent.es, la structure autofinance les 2/3 de son budget qui avoisine les 800 000 € et bénéficie de l’accompagnement des collectivités publiques à hauteur de 100 000 €. L’association s’est forgée une solide réputation. Adhérente de France Nature Environnement, membre fondateur d’OcNat, l’union des associations naturalistes d’Occitanie, elle monte de multiples projets en réseau, comme avec l’Atelier Permanent d’Initiation à l’Environnement Urbain, avec le Réseau régional d’éducation à l’environnement, GRAINE. Ainsi depuis 20 ans, elle intervient sur le projet Mosson qui vise à faire connaître la rivière Mosson et son bassin versant, en privilégiant les classes en réseau d’éducation prioritaire. Elle organise chaque été des camps de vacances avec des thématiques écologiques de découverte et de préservation avec des places réservées pour des enfants de l’ASE. Elle mène également des actions tout au long de l’année : « Enfant, je participais au club Connaître et protéger la nature des Écologistes de l’Euzière. C’est ainsi que j’ai commencé à découvrir ma fibre naturaliste. Étudiant, je participais à des activités et aujourd’hui je m’investis dans le conseil d’administration. » témoigne Louis Mertens lors de notre déambulation. La journée annuelle « salades sauvages » rencontre un vif succès jamais démenti au cours des années - 450 participants en 2019 -. Les activités à l’attention des adhérents sont multiples : week-end champignons, week-end naturaliste, samedis buissonniers, brins de botanistes... Mais ne représentent que la partie visible de l’iceberg. Leur pôle de médiation scientifique mène de multiples actions. Outre les interventions en milieu scolaire ou en entreprises et partout où on les sollicite, une équipe d’une quinzaine de salariés gère chaque année un programme de formations, d’interprétations du patrimoine et des éditions. L’association participe notamment au portage, à l’encadrement et aux cours pour l’obtention des diplômes BP jeps et DE jeps d’éducation à l’environnement et au développement durable. Elle propose également un projet participatif sur les prairies alluviales et met à disposition des volontaires des fiches d’identification type pour aider au recensement des espèces présentes.

Enfin le pôle d’études naturalistes se charge d’inventaires et suivis naturalistes, d’ingénierie écologique pour la création de zones humides, de restauration de milieux mais également d’assistance à la maîtrise d’ouvrage dans le cas de travaux pour analyser leur impact et les compenser. Leurs analyses spatiales produisent des cartes et des atlas. Un spectre large qui envisage l’écologie dans une approche globale.

Plus d’infos :  www.euziere.org

A lire : Les salades sauvages, guide de la cueillette, éd. Les Écologistes de l’Euzière, 4ème édition.

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