POUR et CONTRE : le revenu de base

Publié le lun 08/02/2016 - 00:00

L'ex-ministre de l'Education nationale, Benoît Hamon, en se portant candidat à la primaire PS, s'est dit favorable à l'instauration d'un "revenu universel d'existence". Une prise de position supplémentaire qui vient alimenter le débat, de plus en plus fourni sur ce sujet. Pour certains, plus que d’endiguer la misère, l’instauration d’un revenu social garanti aurait pour but de libérer du temps pour le citoyen. Temps alors valorisable «autrement». D’autres craignent qu’une telle mesure ne se substitue aux autres versements sociaux et n’exclue davantage de personnes du travail, notamment les femmes. POUR et CONTRE. 

 

POUR

Antonella Corsani  est socio-économiste du travail à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Ses recherches portent notamment sur les métamorphoses du travail et du Rapport Salarial. Elle est également membre fondateur de la revue d'érudition Multitudes dont elle a coordonnéplusieurs numéros.

« Le revenu inconditionnel d’existence : l’argent c’est du temps ? »

«Le temps, c’est de l’argent. C’est cette économie du temps que l’instauration d’un revenu social garanti est susceptible de bouleverser. Conçu comme un revenu suffisant (et non minimal), inconditionnel (sans conditions de revenu et sans contrepartie en travail) et comme un revenu primaire (comme tout revenu d’activité), ce revenu social garanti s’oppose point par point à l’allocation universelle dans sa conception libérale (un revenu minimal pour endiguer la misère) : il constitue un Revenu Inconditionnel d’Existence, et non de subsistance. L’instauration d’un Revenu Inconditionnel d’Existence (RIE) permettrait l’émergence de nouvelles formes de production et de valorisation. D’une part, en dissociant travail et revenu, le RIE ouvre le chemin d’une écologie du travail. De par l’affranchissement de la contrainte monétaire du revenu, le temps est libéré et l’activité humaine peut être investie dans la production d’autres valeurs (valeurs de solidarité, esthétiques, écologiques, etc.) au lieu d’être monopolisée dans la production de la valeur-argent. D’autre part, en bouleversant l’économie du temps, c’est-à-dire en faisant de l’argent un préalable au temps, le RIE est une condition nécessaire de la lenteur, et par là d’une écologie du temps. De par la réappropriation de la maîtrise du temps, une nouvelle qualité des rapports à soi, aux autres et à l’environnement serait possible, c’est-à-dire, une nouvelle qualité de la vie.» exergue « en dissociant travail et revenu, ce nouveau revenu ouvrirait le chemin d’une écologie du travail. D’autre part, en faisant de l’argent un préalable au temps, il est une condition nécessaire de la lenteur, et par là d’une écologie du temps.»

 

CONTRE

Stéphanie Treillet est économiste, membre de la Fondation Copernic, et militante féministe. Pour elle, l’instauration d’un «revenu d’existence» pourrait devenir un facteur supplémentaire d’exclusion du travail, notamment pour les femmes.

« Le revenu de base, facteur d’exclusion du travail »

«Le “revenu d’existence”, ou “allocation universelle”, n’est pas, en termes d’émancipation humaine, une bonne réponse au chômage de masse et à la précarité. Il dessine en effet la perspective d’une société duale, où les unes parviendraient à s’insérer dans le travail social collectif, tandis que d’autres en seraient exclus. En actant l’idée que le plein-emploi serait un objectif hors d’atteinte, il abandonne la lutte dans les entreprises et laisse le champ libre au patronat pour accroître encore la pression que subissent les salariées au travail. Enfin, comment financer un tel revenu, à hauteur suffisante pour qu’il ne soit pas une aumône? Certains prônent pour cela la suppression de toutes les prestations sociales, solution extrêmement dangereuse! D’autres s’en défendent mais n’ont pas de réponse concrète à la question.... Mais surtout, le point aveugle de ce projet reste la question de l’autonomie des femmes: le travail salarié, avec ses dimensions contradictoires, reste la condition de cette autonomie, par rapport à leur conjoint, à leur famille, à leur entourage, et de leur existence sociale. On peut craindre, alors que les femmes se voient toujours chargées de l’essentiel des tâches ménagères et parentales, qu’un revenu d’existence ne se transforme en “salaire maternel”, les renvoyant au foyer. Or la plupart des théories prônant un revenu d’existence ignorent cette question. En réponse à cette impasse dangereuse, il faut défendre une vraie réduction du temps de travail, pour toutes et tous, interdisant le temps partiel imposé et la flexibilité, à même de parvenir à un véritable plein-emploi.»

 

 

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