[CNRS] CONSULTATION CITOYENNE DU CNRS : UNE OPPORTUNITÉ MANQUÉE POUR LA DÉMOCRATIE SCIENTIFIQUE

Publié le mer 22/01/2025 - 11:00

 

Le CNRS a lancé le 28 novembre 2024 une consultation citoyenne intitulée "Comment les sciences peuvent-elles nous aider à construire le monde de demain ?" via une plateforme numérique. Par cette question, l’organisme de recherche invite les citoyen·nes à s’exprimer jusqu’au 31 janvier 2025, avec l’objectif affiché de renforcer le dialogue entre la recherche et la société. L’objectif est louable, mais les moyens utilisés pour y parvenir sont critiquables : le collectif Horizon TERRE propose une alternative et appelle à une Convention citoyenne de programmation de recherche.

LES LIMITES DU PROCESSUS CONSULTATIF 

Le collectif Horizon TERRE (HT) plaide depuis 2019 pour que l’orientation des budgets publics consacrés à la recherche scientifique soit déterminée par les citoyen·nes. Dans une logique de rapprochement entre sciences et société, le CNRS, de son côté, décide de s’appuyer sur la plateforme Make.org, une « Civic Tech » qui cherche à rebattre les cartes de la décision et à donner plus de transparence au débat public. Oui mais… 

OUI, donner la parole aux citoyen·nes, trop éloigné·es des décisions scientifiques et techniques, répond à une attente grandissante. MAIS le faire via une consultation numérique risque de produire un effet contraire. Les citoyen·nes éloigné·es du numérique restent éloigné·es du débat. Les personnes qui souhaiteraient fournir des réponses éclairées sont limitées par le cadre (limite de 140 caractères par proposition). Enfin, la nature même de la consultation comprend le risque d’une participation sans effet, en raison de l’opacité du traitement des contributions. 

En somme, pour reprendre le célèbre George Orwell, tous·tes les citoyen·nes sont égaux·ales mais certain·es sont plus égaux·ales que d’autres. La fracture numérique intervient, mais la fracture sociale joue aussi son rôle. D’une part, l’injonction à participer ne mobilise que certains groupes sociaux (ceux qui sont déjà sensibilisés), d’autre part, ce genre de dispositif a pour effet de légitimer l’action de l’institution qui le déploie tout en marginalisant les autres formes de mobilisation. 

POUR UNE CONVENTION CITOYENNE DE PROGRAMMATION DE LA RECHERCHE

La multiplication des consultations déplace le débat public vers des espaces où les décideurs et décideuses conservent un avantage structurel : par le contrôle des outils, des modalités de participation, et des conclusions qu’ils en tirent. Alors, quelles autres solutions existent pour démocratiser les choix scientifiques et techniques ? Le collectif HT en propose une, un dispositif qui favorise la diversité et le dialogue citoyen : la Convention citoyenne de programmation de la recherche. 

Cette procédure de participation permet de dépasser certains des problèmes soulevés. Le tirage au sort garantit une meilleure représentativité. L’espace délibératif en présentiel évite le cadre restrictif de la plateforme numérique. L’intervention d’expert·es aux avis contradictoires enrichit le débat. Le contrôle du processus par une autorité indépendante écarte le danger d’instrumentation.

Le bien-fondé de ce dispositif trouve un fondement historique avec les « conférences de citoyens » organisées à partir de 1987 par le Teknologirådet (Office danois des technologies), lesquelles ont permis aux citoyen·es danois·es de fournir des recommandations sur plusieurs sujets de société liés aux sciences et aux technologies. Ce modèle, déjà transposé en France avec la « conférence de citoyens » portant sur les OGM (1998), puis la Convention Citoyenne pour le climat (2019-2020), et dans une dimension plus sociale avec la Convention Citoyenne sur la fin de vie (2022-2023), mériterait d’être reconduit, avec cette fois-ci quelques garde-fous. HT propose de renforcer la prise en compte des délibérations citoyennes en leur conférant une valeur prescriptive sur 10 % des subventions publiques allouées à la recherche.

Horizon TERRE propose avec la Convention citoyenne un modèle participatif plus ouvert, plus transparent et adapté aux enjeux scientifiques et techniques. Il ne reste qu’à le faire vivre, et certain·es parlementaires s’y sont déjà engagé·es

Garantissez l'indépendance rédactionnelle et financière de Sans transition !