[L'HUMOEUR DE MARGUERITE] Antonomases et répliques utiles

Publié le mer 09/03/2022 - 09:00

Une fois par mois, Sans transition! publie une chronique : "L'humoeur de Marguerite". Ce mois-ci, Marguerite renomme les tempêtes !

Un nouveau roi est appelé à régner. Araignée ? Quel drôle de nom ! Pourquoi pas libellule ou papillon ?

Non, il ne s’agit ni du tsar Vladimir ni des élections présidentielles françaises. Il s’agit des prénoms dont on affuble ouragans, tempêtes et autres cyclones, qui sont désormais si nombreux et se suivent de si près qu’on pourrait croire qu’il s’agit de prénoms composés. A titre d’illustration, on se souvient de l’ouragan Irma-Harvey qui ravagea une partie des Antilles et des Etats-Unis fin août-début septembre 2017 (des dizaines de morts, des dizaines de millions de personnes affectées et des centaines de milliards de dollars de dégâts). Plus récemment, à la mi-février 2022, la tempête Eunice-Franklin frappait le nord de la France et de l’Europe. Au même moment, le cyclone Batsirai-Emnati s’abattait sur la Réunion et Madagascar, preuve que le phénomène perdure et que mon élucubration sur les prénoms composés a des limites.

Qui choisit le nom des tempêtes et des ouragans ?

En ce qui concerne l’Europe, c’est le service météorologique de l’université libre de Berlin qui nomme les grosses dépressions et les ouragans. Pour le reste du monde, la tâche incombe à l’OMM (l’Organisation Météorologique Mondiale).

Sur son site Internet, l’OMM explique que l’on donne des prénoms aux ouragans pour notamment « aider à identifier rapidement les tempêtes dans les messages d’alerte, car les noms sont beaucoup plus simples à retenir que des nombres ou des termes techniques ».

A bien y réfléchir, ces choix arbitraires sont désobligeants pour celles et ceux qui portent le même prénom que ces violentes intempéries.

D’où une idée cruelle mais constructive : donner à ces épisodes climatiques extrêmes, dont la fréquence et la violence sont la conséquence du dérèglement climatique, le prénom de personnes réputées pour leur inaction climatique ou pour leurs décisions nuisibles à l’environnement.

Par exemple, des coulées de boue ou des glissements de terrain dans une région frappée par la déforestation pourraient être baptisées Jaïr. On pourrait même envisager que ces noms deviennent communs et enrichissent le lexique (les linguistes appellent de tels mots des antonomases). On pourrait ainsi dire : « un violent jaïr dans le nord du Brésil a fait 80 morts ».

Cela fonctionne aussi pour les écocides. La marée noire qui souille les côtes bretonnes et vendéennes en 1999 ? Pas Erika, non : Thierry, en souvenir de Thierry Desmarest, à la tête de la chaîne de responsabilités et d’irresponsabilités qui ont mené au naufrage d’un navire rouillé et délabré. (Excusez-moi, on me souffle à l’oreillette que ce même prénom s’applique aussi à l’explosion d’AZF…).

L’autorisation de permettre à la société Alteo de continuer à rejeter des substances toxiques et de souiller la Méditerranée en plein cœur du Parc national des Calanques (le scandale des boues rouges) : l’autorisation Manuel.

 

Conséquences de la sécheresse et des canicules provoquées par le réchauffement climatique, les incendies qui ont ravagé l’Australie en 2019-2020 (effondrement d’une partie de la faune, environ 200.000 km2 brûlés, 6.000 bâtiments détruits, 450 morts et 300 millions de tonnes de CO2 émises) : les incendies Scott, du prénom du Premier Ministre climatosceptique et ardent défenseur de l’industrie minière en général et du charbon en particulier. Si Scott devenait une antonomase, on pourrait dire, par exemple : « Les pompiers ne parviennent pas à maîtriser le scott en Nouvelle Galles du Sud ».

Allégeons la charge de travail de l’Université de Berlin et de l’OMM. Confions la tâche de trouver des prénoms à une convention citoyenne internationale constituée de jeunes.

On pourrait également rebaptiser les espèces d’oiseaux protégées pour lesquelles une autorisation de chasse a été accordée.

« Dis Papa, pourquoi la rivière polluée (la forêt décimée, la nappe phréatique souillée, la tempête dévastatrice, l’espèce disparue, l’inondation meurtrière, la canicule, l’artificialisation irréfléchie de tel ou tel terrain...) elle s’appelle comme toi ? »

Si elle est mise en œuvre, cette idée aurait peut-être pour effet que les décisions des responsables politiques et des chefs d’entreprise deviendraient moins faciles à prendre et à assumer.

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Répliques utiles : A la veille des élections présidentielles, les discussions politiques font rage dans les familles, au bureau ou au bistrot. Si vous êtes à court d’arguments face à votre interlocuteur, voici quelques répliques que vous pourrez glisser dans la conversation :

Si vous êtes face à quelqu’un qui vous dit que la chasse une tradition, rappelez-lui que l’excision est également une tradition. Si cette personne vous dit que la chasse est un loisir, donnez-lui une liste d’autres loisirs, par exemple la philatélie et la pétanque ou mieux encore : la randonnée et le jogging.

Le capitalisme ne s’intéresse ni aux inégalités sociales, ni à l’éducation ou aux services de santé pour tous, ni à l’environnement. Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’Economie

Avoir un lopin de terre et ne pas lui faire de mal constitue la plus belle expression artistique que l’on puisse désirer. Andy Warhol

L’espèce la plus dénuée de bon sens est l’espèce humaine. L’homme vénère un dieu invisible et détruit la nature qui est visible, sans se rendre compte que le nature qu’il détruit et le dieu qu’il vénère ne font qu’un. Hubert Reeves

Le progrès se mesure à l’aune de la vitesse à laquelle nous détruisons les conditions indispensables à la vie. George Monbiot

Non seulement les énergies renouvelables sont bonnes pour le climat et ne présentent pas de risque de sécurité, elles garantissent l’autonomie et la souveraineté. Pour cette réplique-là, nul besoin de citer qui que ce soit : l’actualité suffit.

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