[THEMA] La ferme du Bec Hellouin, une autre vision de la productivité

Publié le lun 23/01/2023 - 11:00

La ferme normande de vingt hectares est parvenue à montrer qu’en travaillant à la main, sans pétrole, sur de très petites surfaces, la production était non seulement plus résiliente, plus rentable économiquement mais participait aussi activement à la régénération de la biodiversité.

Depuis plus d’une décennie, Perrine et Charles Hervé-Gruyer, fondatrice et fondateur de la ferme du Bec-Hellouin, dans l’Eure, perçoivent l’extrême vulnérabilité du système alimentaire industriel et de sa dépendance aux énergies fossiles.

En 2003, entre Lisieux et Rouen, le couple acquiert des terres pour faire du maraîchage. Commence alors une quête de l’autonomie, mais surtout d’un modèle agricole compatible avec les limites planétaires. Comment nourrir sa famille, son cercle d’habitants, même en cas de crises ? Les résultats de leur expérience provoque « un séisme », estime Charles Hervé-Gruyer, qui dédie désormais son temps à la recherche sur la résilience alimentaire. « Démontrer qu’en travaillant à la main, sans pétrole, sur de petites surfaces, on était plus rentables qu’avec une approche mécanisée, c’était à contre-courant de la pensée dominante », souligne-t-il.

De 2011 à 2015, les données récupérées chaque jour par des chercheurs de l’Inra et d’AgroParisTech sont limpides (1). « On faisait en moyenne 55 euros de légumes commercialisables au mètre carré cultivé. Alors que la moyenne en bio, avec un tracteur, est plutôt de l’ordre de 3 à 4 euros le mètre carré », détaille Charles Hervé-Gruyer.

En parallèle, celui qui pratique « l’éco-culture » constate que son sol s'enrichit grâce à l’apport de matières organiques, au travail avec la traction animale, au point de devenir un véritable puits de carbone. « Avec des processus entièrement naturels, nous stockons 10% de carbone organique supplémentaire par an. Ce qui est environ 26 fois plus élevé que l’objectif « 4 pour 1000 [soit une augmentation de 0,4% de la capacité des sols à stocker les émissions de CO2, ndlr], promu par la France lors de la COP 21 », se félicite-t-il.

La ferme devient complexe, comme un organisme vivant. En son cœur, une culture intensive légumière. Autour, des mares, des forêts comestibles et du blé de culture qui favorisent le retour de la biodiversité. Les écosystèmes naturels fonctionnent à nouveau et résistent mieux aux aléas climatiques. « Et c’est plus épanouissant pour les humains qui y travaillent », conclut le maraîcher.

 

Sources :

  1. « Maraîchage biologique permaculturel et performance économique », 30 novembre 2015, François Léger et Sachat Guégan, Inra, AgroParisTech. Lien ; https://bit.ly/3G8icTP

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